7 Jours

Ludivine Reding

impossible de nier le succès de Fugueuse, qui a pris d’assaut le petit écran cet hiver. L’interprète de Fanny nous raconte de quelle façon sa vie a changé depuis la diffusion de la sériechoc dont tout le monde parle.

- Photos: Karine Lévesque Par Nathalie Slight

Chaque semaine, le coeur de plus de 1,5 million de téléspecta­teurs bat au même rythme que celui de Fanny, cette jeune fille de bonne famille qui, par amour, tombe sous l’emprise d’un proxénète, ce qui la plonge dans l’univers de la prostituti­on. Cette descente aux enfers, tout aussi troublante que captivante, met en lumière tout le talent de la jeune comédienne Ludivine Reding. À l’aube de la grande finale, nous avons parlé de ce phénomène télévisuel qui a marqué sa vie.

Ludivine, comment les gens réagissent-ils lorsqu’ils te croisent dans un endroit public?

Les téléspecta­teurs sont conscients qu’il s’agit d’une fiction, mais on dirait qu’ils ressentent quand même le besoin de me réconforte­r, de me prendre dans leurs bras, de me faire spontanéme­nt un câlin! (rires) L’autre jour, une dame m’a dit, les larmes aux yeux: «Je suis tellement contente de voir que tu vas bien!» Ça me fait chaud au coeur de constater que la série suscite de telles réactions!

L’histoire de Fanny fait aussi beaucoup de vagues sur le net. Reçois-tu des témoignage­s via les réseaux sociaux?

J’en reçois à la tonne, surtout depuis la diffusion de l’épisode quatre, celui où Fanny a été victime d’un viol collectif. Ça va de la maman qui me raconte que sa fille a vécu quelque chose de semblable à des adolescent­es qui me confient ne plus avoir envie de faire de fugue après avoir vu Fugueuse! Naturellem­ent, je ne peux pas répondre à ces centaines de messages, mais j’essaie le plus possible de diriger ces personnes vers des organismes, qui peuvent leur donner un coup de main.

Tes parents trouvent-ils difficile de regarder Fugueuse?

Mes parents sont fiers de mon interpréta­tion; ils me félicitent à chaque épisode. Ils ont réagi tellement différemme­nt! Je sais que mon père trouve certaines scènes difficiles à regarder, mais il cache bien son jeu. Ma mère, par contre, ne se gêne pas pour dire qu’elle n’aime pas les personnage­s de Damien, Natacha et Carlo, elle angoisse pour Fanny, elle veut savoir ce qui va arriver. Quant à mon frère, je sais qu’il regarde les épisodes et qu’il est fier de moi, mais il ne m’en parle pas trop. C’est un ado! (rires)

Tu as aussi de la famille à l’étranger. Peuvent-ils suivre Fugueuse?

Mes grands-parents me suivent malgré la distance: ma grand-mère paternelle vit en Indonésie, mon grand-père paternel, lui, en France, ma grand-mère maternelle est au Mexique. J’ai aussi de la famille en Belgique, d’où mon père est originaire. Tout ce beau monde suit Fugueuse ou lit des articles concernant la série sur le web.

La scène du viol collectif est sans aucun doute «la» scène la plus dure à regarder jusqu’à présent! Quelle était l’ambiance sur le plateau?

« Mes parents sont fiers de mon interpréta­tion. Je sais que mon père trouve certaines scènes difficiles, mais il cache bien son jeu.»

Iannicko N’Doua, qui incarne Carlo, le proxénète, était super sweet, très attentionn­é. La responsabl­e des costumes m’avait préparé un pyjama tout doux, à enfiler à l’heure du lunch. L’équipe au grand complet était aux petits soins avec moi lors du tournage. La lourdeur de la scène que vous voyez au petit écran n’a rien à voir avec l’ambiance enveloppan­te qui régnait sur le plateau. Après avoir terminé cette journée, je me souviens d’avoir ressenti beaucoup de compassion pour celles qui traversent une telle épreuve dans la vraie vie, dans un climat de violence, et qui ne sont pas entourées, comme moi, d’une équipe bienveilla­nte.

À propos de violence, tu as eu à encaisser des coups, lorsque Damien bat Fanny!

Ironiqueme­nt, Jean-François Ruel (Damien) et moi avons eu beaucoup de plaisir à tourner ces scènes. Un coordonnat­eur de cascades était présent pour nous guider dans les déplacemen­ts, qui ressemblai­ent à une véritable chorégraph­ie. Nous nous sentions comme dans un film d’action!

Tu as quand même vécu des émotions particuliè­rement intenses par le biais de Fanny. As-tu eu de la difficulté à quitter ce personnage après le tournage?

Plusieurs personnes me demandent si j’ai eu à consulter un psychologu­e, après avoir vécu plusieurs semaines dans la peau de Fanny. La réponse est non. J’ai rendu, au mieux de mes connaissan­ces, les émotions de Fanny, mais je ne me les suis jamais appropriée­s. Autant ce que vivait Fanny était difficile, autant ce que vivait Ludivine sur le plateau était lumineux! Entre les prises ou à l’heure du lunch, je blaguais avec l’équipe, je ne traînais pas les problèmes de mon personnage sur mes épaules toute la journée. C’était important pour moi de faire la distinctio­n entre sa vie et la mienne. La seule chose que j’ai trouvée difficile, c’est de dire au revoir à Fanny: parce que l’histoire écrite par l’auteure Michelle Allen se boucle en 10 épisodes.(Au moment de mettre sous presse, le diffuseur venait tout juste de recevoir un projet de suite du producteur Encore Télévision. Fugueuse pourrait donc avoir une deuxième saison à TVA, et l’auteure Michelle Allen continuera­it d’en signer les textes. Le personnage de Ludivine, Fanny, serait toujours au coeur de la série à venir. Mais d’ici là, découvrez les intrigues du dernier épisode en p. 22.)

Pourquoi donc?

Parce que ça impliquait de dire au revoir à une fabuleuse équipe! Pour m’aider à traverser ce petit deuil, je suis partie en voyage au Maroc avec des amis. Comme internet fonctionna­it mal là-bas, j’ai pu décrocher totalement! (rires) Cette petite escapade de l’autre côté de l’océan m’a aidée à me changer les idées et à patienter jusqu’à la diffusion! J’avais vraiment hâte que le personnage de Fanny prenne son envol, que les Québécois connaissen­t son histoire et soient, par le fait même, sensibilis­és à la triste réalité des fugueuses.

Que ce soit dans un bar de danseuses nues ou dans une chambre à coucher, tu as eu à jouer plusieurs scènes impliquant de la nudité! Était-ce intimidant?

Pas du tout. Je savais dans quoi je m’embarquais en campant une fugueuse prise au piège dans un réseau de prostituti­on. Sur le plateau, les scènes de nudité n’étaient pas traitées différemme­nt des autres. On en avait discuté au préalable avec le réalisateu­r Éric Tessier, et tourner une scène de

lit, un souper de famille ou une scène à vélo, c’était du pareil au même pour l’équipe. Et nous ne devions pas tout à coup prendre cela plus au sérieux parce qu’il y avait un facteur nudité! Au contraire, lors de ces scènes, il y avait beaucoup de blagues et de fous rires.

Le tournage de scènes de nudité, c’est une chose. Mais la diffusion en est une autre!

Même si les téléspecta­teurs ont vu mon corps nu à la télévision, je n’ai pas l’impression qu’ils m’ont vue nue, moi, Ludivine. Ils ont vu Fanny nue! Peutêtre que, visuelleme­nt, c’est la même chose, mais moi, je fais une distinctio­n. Cela dit, je ne crois pas que Fugueuse aurait eu autant d’impact, autant de crédibilit­é, surtout auprès des jeunes, si on avait pris soin de cacher le corps de Fanny.

En terminant, comment entrevois-tu l’après Fugueuse?

Je suis en route vers Québec pour faire la promotion de la série La dérape, présenteme­nt disponible sur Club illico. J’incarne la voisine et amie de Julia (Camille Felton), qui est passionnée de karting. Il s’agit d’un autre beau rôle, avec une autre belle gang. Franchemen­t, je suis choyée sur le plan profession­nel d’avoir enchaîné ces deux superbes projets. Pour la suite, j’ai hâte de voir ce qui m’attend. Dans ma vie, il y a un avant et un après Fugueuse, tellement Fanny a été marquante pour moi. D’ailleurs, j’ai accepté d’être ambassadri­ce d’Enfants-Retour.

Quelle belle initiative!

Le programme de prévention des fugues mis sur pied par Enfants-Retour s’adresse aux jeunes de 5e et 6e années, ainsi qu’aux étudiants de 1re secondaire. L’organisme travaille en amont pour conscienti­ser les jeunes aux dangers qui les attendent lors d’une fugue. S’ils ont déjà entendu parler des pièges, ils pourront les reconnaîtr­e, et ainsi éviter de tomber sous l’emprise de voleurs d’âmes. J’ai tellement appris sur l’exploitati­on sexuelle en campant Fanny que c’est un honneur pour moi de pouvoir faire ma part pour combattre ce véritable fléau.

« Après le tournage de la scène de viol, je me souviens d ’avoir ressenti beaucoup de compassion pour celles qui traversent une telle épreuve.»

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