7 Jours

Pour un moment AVEC MARIO TESSIER

- PAR ANNIE-SOLEIL PROTEAU • MAQUILLAGE-COIFFURE: VALÉRIE QUÉVILLON • PHOTOS: JULIEN FAUGÈRE

Chaque fois que Mario Tessier se lance dans un projet, il y met tout son coeur et le fait avec intensité! Après le succès de son premier spectacle solo, il prépare maintenant la suite, qui s’appellera Transparen­t. Ce n’est pas pour rien qu’il a choisi ce titre: Mario n’a pas de tabous ni de faux-semblants. Rencontre avec un gars généreux.

Mario, en août, tu animeras un gala ComédiHa! avec Véronique Claveau. À quoi ça va ressembler?

On va unir nos forces. Moi, j’aime chanter, et Véronique chante bien. La vois-tu, la différence entre les deux? (rires) On a une belle chimie. C’est une fille qui a tous les talents, comme on a pu le constater aux Bye Bye. Par rapport à la livraison des textes, ça ouvre toutes les possibilit­és. On va faire des imitations, on va se moquer et on va parfois utiliser la chanson pour servir l’humour. On va aussi parodier certains de nos hauts dirigeants. Il y aura des surprises, car j’aime mélanger des univers en invitant des gens qui ne sont pas des humoristes à venir faire des apparition­s spéciales.

Tu viens de terminer deux ans et demi de tournée avec ton premier spectacle solo. Qu’as-tu appris à travailler seul, sans José Gaudet, ton partenaire de longue date?

Que c’est possible de garder ton chèque pour toi! (rires) Sérieuseme­nt, j’ai appris à me faire confiance. Je suis une bibitte d’insécurité, comme plusieurs artistes, j’imagine. J’ai réalisé que je suis capable de divertir une foule tout seul pendant deux heures, ce que je ne savais pas avant, car j’avais toujours travaillé avec quelqu’un d’autre. J’avais peur de décevoir le public, puis finalement j’ai vendu près de 100 000 billets en solo! Même si ça fait 25 ans que je gagne ma vie à faire des niaiseries, c’était un défi. J’ai fait le tour du Québec au grand complet avec cette tournée; je suis même allé à des endroits où il y avait plus de skidoos que de chars dans le stationnem­ent! (rires) Je suis allé loin, et partout. Chaque fois qu’on m’a invité à aller faire un spectacle, je disais oui, car la réaction du public et des critiques me donnaient confiance.

Après 20 ans de radio avec Les Grandes Gueules et 34 ans d’amitié, est-ce que votre relation, à José et toi, c’est comme une relation de couple, avec de bons et de moins bons moments?

C’est sûr! On est deux intenses, complément­aires, mais totalement différents! Par exemple, José tripe sur les chars; moi, je trouve ça plate à mort! On s’est engueulés solidement, surtout au début, quand on était plus «coqs». En vieillissa­nt, on a appris à se connaître et on a découvert sur quels boutons il ne fallait pas peser pour éviter que l’autre se choque. Quand on s’en allait là, on arrêtait tous les deux. Quand on se chicanait, ça devenait tellement fou que la meilleure vacherie dite à l’autre l’emportait! Ça devenait trop gros, ça dépassait les limites, puis on se mettait

à rire. La vie fait en sorte qu’on travaille sur des projets différents en ce moment, mais on s’appelle souvent, et ce sera toujours mon grand, grand chum.

J’ai l’impression que ton humour est en train d’évoluer. Comment expliquera­istu ça?

J’ai 47 ans. Je n’ai rien contre les jokes de bizoune — et je vais peut-être en faire encore quelques-unes —, mais ce que je veux, c’est faire vivre quelque chose aux gens. Je veux faire rire. C’est toujours le but, mais le rire est large. Chaque fois qu’un spectacle m’a touché, c’est parce qu’il y avait de la viande autour de l’os. S’il peut rester quelque chose après la soirée que je propose à mon public, je trouve ça plus gratifiant. Lorsque quelqu’un me dit qu’il a ri, mais que je l’ai aussi amené à réfléchir, je trouve ça plus intéressan­t en tant qu’artiste.

On vit à une époque où il est facile pour tout le monde de critiquer les gens. Les Grandes Gueules ne pourraient probableme­nt plus faire le même humour aujourd’hui. Comment perçoistu ça?

C’est vrai. Avec les réseaux sociaux, il s’agit qu’une seule personne manifeste une certaine perception qu’elle a eue par rapport à quelque chose ou quelqu’un pour que le débat s’enflamme. Il y a un âge pour brasser le pommier, et je n’en suis plus là. La controvers­e, je ne la recherche vraiment pas. Il y a des humoristes qui aiment ça et qui sont à l’aise de se retrouver au coeur d’une polémique pendant deux semaines. Moi, je ne veux rien savoir de ça. Je souhaite faire du bien aux gens. Je n’ai pas la prétention de réinventer la roue: ce que je fais, j’essaie de le faire bien. Je pense qu’on est tous là pour une raison et je crois que, dans mon cas, c’est pour apporter du bonheur aux gens. Je suis heureux sur une scène comme nulle part ailleurs. C’est un besoin réel pour moi.

Quand tu étais dans l’armée, étais-tu heureux? Comment faisais-tu pour aller chercher ce bonheur-là?

Oui, j’étais heureux, car je faisais rire mes chums. On est tous carencés quelque part... J’ai compris qu’on ne pouvait pas être aimé de tout le monde, ce qui a été un deuil que j’ai dû faire. C’est pour ça, d’ailleurs, que mon prochain spectacle s’appelle Transparen­t. J’ai toujours été gentil et correct avec tout le monde, et en vieillissa­nt, je constate que j’ai la mèche courte. Avant, si quelqu’un ne méritait pas que je sois gentil avec lui, je l’étais quand même, mais aujourd’hui, c’est terminé. Ça n’empêche pas que ce que j’essaie de faire, c’est de donner du bonheur autour de moi.

Tu es un grand sensible, aussi, et tu deviens toujours très ému quand on parle de ton père. As-tu fait la paix avec sa mort?

Non. Et récemment, je me suis dit que je devrais en parler à quelqu’un. Mon père est mort quand j’avais 19 ans, et j’en ai maintenant 47. C’est normal que ça me fasse de la peine, mais pas autant que ça chaque fois. Dans mon spectacle, j’en parlais, et chaque soir, ce passage-là me bouleversa­it toujours autant. Ce n’est pas normal, et je pense que je dois aller creuser là. Je me suis mis à en parler de plus en plus à des gens qui sont formés pour ça, et ça m’a fait du bien. C’est un gros

«La vie fait en sorte que José Gaudet et moi travaillon­s sur des projets différents en ce moment, mais on s’appelle souvent, et ce sera toujours mon grand, grand chum.»

manque qui n’a jamais été comblé. J’ai dû prendre conscience que ma douleur n’allait pas partir toute seule et que je devais m’en occuper.

La mort de ton père change-t-elle quelque chose dans ta façon d’élever tes enfants?

Oui, c’est clair. Je souhaite être un modèle, comme mon père l’a été pour moi: il était mon idole. J’essaie cependant d’être plus présent que mon père l’a été, car il travaillai­t vraiment tout le temps. Il a eu des commerces à gauche et à droite, dont l’une des premières discothèqu­es à Montréal, le Caribou.

Quand on fait du show-business, c’est facile de tomber dans une forme d’égocentris­me. Ta blonde a-t-elle déjà souffert de ce que le milieu peut développer chez nous?

Je ne pense pas. C’est vrai que les projecteur­s sont braqués sur nous et que c’est facile d’aller vers le narcissism­e. Tu vois, aujourd’hui, on parle de moi dans cette entrevue. Quand j’arrive à la maison, j’essaie de mettre l’attention sur quelqu’un

«La mort de mon père, c’est un gros manque qui n’a jamais été comblé. J ’ai dû prendre conscience que ma douleur n’allait pas partir toute seule et que je devais m’en occuper.»

«Mario est l’une des personnes les plus gentilles du milieu artistique. Je vous fais une confidence: il y a une dizaine d’années, mon père a fait un AVC. Il a toujours été un immense fan des Grandes Gueules, et Mario, qui ne l’avait pourtant jamais rencontré, a pris le temps de lui parler au téléphone pour le faire sourire. Il est comme ça, Mario, généreux et attentionn­é.» — Annie-Soleil

d’autre. J’ai plus de plaisir à parler d’autre chose qu’à parler de moi. Quand on est jeune, on aime avoir cette lumière, puis ça s’estompe avec le temps. J’aime faire ce métier, mais je ne l’ai jamais fait pour être une vedette. Je ne cherche pas d’attention. Je ne fais plus beaucoup d’entrevues. Souvent, je décline les invitation­s à en faire, car la lumière à tout prix, je n’y tiens plus. Je le fais quand j’ai vraiment envie de parler d’un projet et que, comme maintenant, je suis ami avec l’interviewe­ur! (rires)

Tu aimes prendre soin de toi, tu surveilles beaucoup ton alimentati­on. Pourquoi t’imposes-tu ça?

J’aime boire du vin, alors je dois couper quelque part! (rires) Ce n’est pas pour le regard des autres, c’est pour moi. Je n’ai plus 20 ans et je l’accepte, mais je veux prendre soin de moi. Il est facile pour moi d’être discipliné, ça aide. Si je m’entraîne, je le fais à fond. Même dans le ménage, je ne suis pas reposant. Mes filles m’appellent Nanny, parce que je nettoie constammen­t. J’essaie de ne pas devenir achalant avec mon intensité, mais c’est vrai qu’on peut manger par terre chez nous!

Comment fais-tu pour relaxer?

Ouf! Mon petit hamster court tout le temps! Mais quand j’essaie de me détendre, je m’entraîne, je vais voir un film, je lis un livre. J’ai une terre en Estrie et j’adore aller bûcher du bois. Encore là, je vais relaxer, mais je vais fendre deux cordes! Si je sors mon tracteur, je vais tondre le gazon pendant 12 heures! J’aime aussi faire du quatre-roues et du kayak. Si tu veux me faire angoisser, dis-moi qu’il faut que je reste écrasé sur une plage pendant deux heures à me retourner de bord comme une dinde aux 15 minutes! (rires) J’aime aller en vacances dans le Sud, mais dans une journée, je vais en catamaran, je vais au gym, je joue au golf et au tennis... Je ne suis pas capable de ne rien faire. C’est ma façon à moi de relaxer! J’ai besoin de me sentir vivant.

Tu t’impliques dans plusieurs causes. Pourquoi est-ce si important pour toi?

Chaque année, j’anime l’événement des Magasins-Partage avec José Gaudet. En avril, je vais aussi coanimer le TéléDon pour la Fondation de l’hôpital SaintEusta­che. Je suis gâté, et c’est un peu ma façon de redonner. L’an dernier, un petit gars de cinquième secondaire est venu sonner chez moi un dimanche. Il m’a raconté qu’il a eu un traumatism­e crânien à la suite d’un accident de bateau et qu’il s’en est sorti grâce à des soins en traumatolo­gie à l’hôpital Sainte-Justine. Il a voulu faire un don à cet hôpital qui l’a soigné. Je lui ai dit ceci: «Si tu trouves une salle de spectacles, un vrai public et qu’on amasse assez de sous pour que ce soit significat­if, je vais faire gratuiteme­nt ton spectacle.» Il a réussi, le petit maudit! (rires) J’ai donc fait ce spectacle récemment, et on a amassé 21 000 $ pour Sainte-Justine. Quand je vois à quel point les infirmière­s et les préposés se démènent, je veux tous les mettre sur mon testament. On est dans un débat à se demander si on paie les médecins trop cher; moi, je pense que ce sont les infirmière­s et les préposés qu’il faudrait augmenter. Il y a un déséquilib­re, et ce sont ces gens-là qui sont sur la ligne de front. Ils méritent de meilleures conditions.

Mario Tessier sera aux commandes d’un gala ComédiHa! aux côtés de Véronique Claveau le 17 août prochain. Pour info: quebec.comedihafe­st.com. Il est porte-parole du Tremplin de Dégelis, qui aura lieu du 16 au 20 mai.

Merci au restaurant La Magia, à Longueuil, pour son chaleureux accueil. Pour info: restaurant­magia.com.

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