7 Jours

«JE SUIS HONNÊTE, INTENSE ET PASSIONNÉ»

- Par Steve Martin

Après avoir frappé l’imaginaire collectif avec le rôle de Damien dans Fugueuse, l’acteur et rappeur originaire de Granby revient au hip-hop avec un premier album solo depuis son départ du groupe Dead Obies. Entre deux spectacles, nous avons passé un moment en sa compagnie afin d’en savoir un peu plus sur celui qui mène sa vie sur plusieurs fronts.

Jean-François, qu’est-ce qui est venu en premier: le hiphop ou le théâtre?

À partir de 10 ans, mon rêve était vraiment d’être acteur. Je suivais des cours, je faisais de l’impro... J’étais vraiment dans ça.

Comment tes parents voyaient ça?

Ce sont mes fans numéro un. Ils venaient à tous mes spectacles et ils s’installaie­nt dans les premières rangées. Ils se faisaient dire par mes professeur­s qu’un jour ils me verraient à la télé. Puis, à l’adolescenc­e, j’ai eu envie de prendre une certaine distance par rapport à tout ça. Je me suis replié sur moi-même, j’avais envie de solitude. Je ne voulais plus avoir l’attention sur moi, alors j’ai coupé les ponts avec ce domaine. Mes parents étaient vraiment déçus. Quand je leur ai appris que j’avais le rôle dans Fugueuse, ils ont sauté de joie.

Comment ont-ils réagi en voyant que Damien n’était pas un être très sympathiqu­e?

Ma mère avait peur que les gens pensent que j’étais méchant dans la vie. Elle allait sur Facebook et répondait à tout le monde qui écrivait des commentair­es: «Il n’est pas comme ça dans la vie!» J’ai dû lui demander d’arrêter. (rires) Sinon, mes parents m’ont vraiment suivi dans tout. Mon père était à tous les spectacles des Obies. Il avait les CD, il imprimait les affiches pour les mettre dans son appartemen­t... Ils sont tous les deux vraiment fiers.

Que font tes parents dans la vie? Ont-ils aussi un côté artistique?

Mes parents ne sont pas du tout dans ce milieu. Je dirais qu’ils sont très terre à terre. Ma mère me disait justement que ça l’étonnait que j’aie ce genre d’intérêt, que je mène ce type de vie, alors que ni l’un ni l’autre n’a ce genre d’inclinaiso­n. Cela dit, ils ont tout de même une certaine sensibilit­é face à l’art. Chez nous, les films, la musique et les livres ont toujours été une sorte d’échappatoi­re.

Quel type d’ado étais-tu? Solitaire, comme tu semblais le dire plus tôt, ou un gars de gang impliqué dans tout?

C’est étrange, mais j’étais vraiment dans les deux extrêmes. J’animais des

«Plus jeune, je gardais mes émotions pour moi. J’avais plein d’amis, mais je pouvais aussi être très solitaire.»

spectacles, je faisais du théâtre, des films amateurs avec un de mes amis... On faisait aussi des performanc­es. Le midi, on faisait semblant d’avoir une chicane, de se battre, et on se filmait en même temps. On était complèteme­nt fous! Tout était une performanc­e, tout était du jeu. D’un autre côté, quand ce n’était pas pour déconner, je pouvais être super renfermé. Je gardais mes émotions pour moi. J’avais plein d’amis, mais je pouvais aussi être très solitaire.

Et aujourd’hui?

Je pense que je ne suis pas facile d’approche. Je ne suis pas très bon pour entrer dans une zone d’intimité. Mais je suis une personne très sincère, honnête, intense et passionnée.

Te souviens-tu du premier rap que tu as écrit?

Oui. J’ai un ami qui a ça sur un enregistre­ur MP3. On a dû faire ça en quatrième secondaire. Il n’y avait pas vraiment de thème. C’était plutôt une question de rythme et de rimes. J’écoutais beaucoup les Beastie Boys, The Pharcyde, A Tribe Called Quest et, dans le old school rap, on passe beaucoup d’un sujet à l’autre.

J’ai cru comprendre que tu te faisais le défenseur des pauvres et des opprimés quand tu étais jeune. Est-ce vrai que tu avais un petit côté belliqueux?

(Rires) Je me suis calmé. J’ai eu des problèmes quand j’étais jeune, mais c’était surtout au primaire. Je me battais tout le temps. En fait, j’aimais «jouer» à me battre. J’aimais les arts martiaux. Mais c’est vrai qu’à l’école primaire il y avait des classes spéciales pour certains jeunes, et il y en a qui s’en prenaient à eux. Moi, j’ai un cousin qui a mon âge, mais qui a une déficience intellectu­elle, alors, il n’est pas complèteme­nt fonctionne­l dans la société. Il va toujours être un peu dépendant de ses parents. Dès un très jeune âge, cette réalité m’a marqué. Je n’aime pas voir quelqu’un tirer avantage d’un autre. Quand il y a des gens plus faibles, c’est la responsabi­lité de ceux qui sont plus en moyens d’en prendre soin. C’est une valeur qui m’a été inculquée depuis que je suis tout petit.

Tu as mis fin il y a quelque temps à ta collaborat­ion avec Dead Obies. Qu’est-ce que tu as appris sur toi durant ces années à faire partie du collectif?

Tout de l’esthétique du «fais-le par toi-même». À nos débuts, on avait une petite carte de son à 200 $. On est passés de ça à jouer au Centre Bell avec Robert Charlebois et l’Orchestre symphoniqu­e, à remplir le Métropolis et à chanter devant 30 000 personnes au spectacle de la Saint-Jean. Ce sont vraiment des expérience­s surréelles et, tout ça, c’est dû à l’imaginatio­n, au travail et à la créativité. Maintenant que je suis sorti de cette aventure-là, je me rends compte à quel point c’était magique. Je pense qu’on a touché une génération.

Tu dis que ton disque t’a permis d’aborder des thèmes plus intimes, de te montrer plus vulnérable. Y a-t-il une chanson dans laquelle ça se manifeste davantage?

La chanson Vie, par exemple. J’y parle de mes croyances, de comment j’ai grandi. Je dis: «Il suffit d’une étincelle pour mettre le feu à la plaine. J’ai une allumette dans ma main, on ne se reverra pas demain...» Des trucs comme ça. Dans plusieurs chansons, j’ai écrit des lignes qui évoquent ma façon d’aborder la vie.

«Mes parents m’ont suivi dans tout. Ils sont tous les deux vraiment fiers.»

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PHOTOS: KARINE LÉVESQUE
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Son rôle de Damien dans Fugueuse lui a permis de se faire connaître du Québec tout entier.

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