7 Jours

Le retour attendu d’Ariane Moffatt

- Par Samuel Pradier

Maman des jumeaux Paul et Henri, 5 ans, et du petit George, 15 mois, Ariane Moffatt a quand même trouvé le temps d’écrire et de composer un album sublime, Petites mains précieuses, qui nous fait littéralem­ent plonger dans son intimité. Les 10 chansons parlent autant de ses doutes et de ses questionne­ments que de son soutien au mouvement #moiaussi et de son amour pour sa femme, Florence.

Ariane, à qui appartienn­ent ces «petites mains précieuses»?

L’inspiratio­n première de cet album est venue lors de la naissance de mon fils, George, qui a maintenant 15 mois. J’ai tenu sa petite main fragile dans un incubateur pendant un mois, et c’est un cataclysme qui m’a fragilisée. À cause de ce que je vivais, l’écriture m’est venue naturellem­ent; elle s’est même imposée. Et puis, il faut voir ce titre comme la symbolique de la main qui nous relie aux autres. C’est un symbole. Cet album est comme une main tendue vers ceux qui vont l’écouter.

Comment as-tu trouvé ce magnifique titre?

C’est l’expression de mon fils Henri. Il a une obsession pour les mains de son petit frère. C’est lui qui venait souvent près de George et qui disait qu’il avait des petites mains précieuses. Il a inventé cette expression et, quand j’ai commencé à écrire les chansons du disque, j’ai flashé sur ce qu’il disait. Ça venait résoudre une énigme, en quelque sorte. C’est le fil conducteur...

Quand on lit les textes de tes nouvelles chansons, on s’aperçoit que tu te dévoiles beaucoup. Souhaitais-tu aller aussi loin dès le départ?

Tout à fait. Si je voulais parler de l’intime, il fallait que je parle de moi et des choses qui me concernent directemen­t, sans mettre trop de filtres. J’ai accepté d’évoquer des émotions plus sombres qui sont au fond de moi, mais de manière plus libérée. Je n’ai plus 20 ans, j’ai vécu, mais ça me rappelait l’état dans lequel j’ai fait mon premier album, Aquanaute. En même temps,

«J’ai arrêté de m’en faire avec l’âge. Aujourd’hui, j’ai le courage de mes idées, je décide de ma vie.»

c’est un moi exagéré. Je suis partie de petits états que j’ai vécus personnell­ement, mais que j’ai énormément amplifiés sur des musiques au rythme ni trop lent ni trop rapide. C’est une ambiance assez smooth qui va bien avec les chansons.

Il y a aussi des chansons engagées, comme La statue. Est-ce le mouvement #moiaussi qui t’a inspirée?

Complèteme­nt. La chanson invite à faire éclater la statue en la fracassant par terre et, surtout, à ne pas lâcher le morceau. C’est l’image qui m’est venue en premier, celle de ces hommes complèteme­nt immunisés qui pouvaient faire ce qu’ils voulaient et qui sont aujourd’hui comme une statue qui tombe et se fracasse. Je trouvais cette image très belle. Ce n’est pas une chanson joyeuse; on est plus dans la désolation. C’est une façon pour moi de poser un petit geste pour soutenir et encourager toutes ces femmes qui ont osé dénoncer.

Penses-tu que les chansons peuvent changer le monde?

Je pense sincèremen­t qu’une chanson peut changer profondéme­nt l’humain, mais ça reste une chanson. On ne sait jamais l’accueil qu’elle va recevoir et l’impact qu’elle aura. Étonnammen­t, j’ai moi-même été bouleversé­e par une de mes chansons, Les apparences, dont le refrain dit «On ne change pas». Ça ne veut pas dire qu’on doit toujours faire les mêmes choses, mais plutôt que, si on reste toujours la même personne au fond, on peut évoluer de la même façon. J’ai été le cobaye de ma propre chanson. Je m’aperçois que je ne fais plus les choses comme avant, ne serait-ce que dans les choses banales de la vie, dans le quotidien. Ma chanson m’a fait évoluer et je trouve ça intéressan­t. Et puis, je crois surtout que les chansons peuvent être plus qu’un divertisse­ment. Il y a des mots qui peuvent être porteurs de quelque chose de plus profond.

Te considères-tu comme une féministe engagée?

Aujourd’hui, ça a du sens que je me revendique comme féministe, à cause des choix de vie que j’ai faits. J’ai choisi de vivre ouvertemen­t et librement ma vie de femme gaie et homoparent­ale. Au début de ma carrière, c’était différent. J’essayais de me faire une place dans ce milieu éminemment masculin. Je commençais, il fallait que je trouve mon identité, c’était peut-être moins assumé. Mais aujourd’hui, je m’inscris totalement dans le groupe.

Tu as dit de cet album: «Il est aussi fragile que fort, comme la femme que je suis aujourd’hui». L’album ne t’a pas permis d’évacuer ta vulnérabil­ité?

En fait, je veux dire que ma fragilité n’est plus réprimée. Je suis plus libre à l’intérieur de moi-même et j’assume complèteme­nt mes vulnérabil­ités, mes doutes et mes questionne­ments. Je pense que, si on se réfrène et qu’on reste fort tout le temps, ça veut dire qu’on se construit des murs, qu’on se met des barrières. Et dans ce cas-là, on ne peut plus accéder à nos zones fragiles, qui sont aussi importante­s. Pour moi, les zones fragiles me permettent de créer des chansons. Je réclame ma vulnérabil­ité, je la veux et je l’assume! (rires) Je n’ai plus d’angoisses existentie­lles; en fait, quand j’en ai, je les exploite et je m’en sers pour créer.

Comment envisages-tu ta prochaine tournée avec deux enfants de 5 ans et un de 15 mois?

J’ai eu la chance d’avoir des enfants assez tard. Maintenant, j’ai comme une garde partagée avec la musique. Pour la tournée, on s’organise. C’est différent, mais il y a toujours moyen de trouver un compromis. Je vais faire moins de dates rapprochée­s, mais je vais étirer la tournée sur une plus longue période. C’est ma façon d’être maman et artiste, et de pouvoir cultiver ces deux aspects importants de ma vie. Mes musiciens sont super contents, car soit ils sont pères de famille, soit ils travaillen­t avec d’autres artistes. Ça fait leur affaire. Cela dit, j’ai vraiment hâte de retrouver la scène; c’est vraiment mon terrain de jeu. Je m’y sens très bien. En plus, on va avoir une très belle scénograph­ie, ça va être le fun!

Le 26 avril prochain, tu auras 40 ans. Est-ce une date importante pour toi?

Quand j’ai fait l’album 22h22, j’avais autour de 35 ans, et j’ai comme arrêté de m’en faire avec l’âge. Aujourd’hui, j’ai le courage de mes idées, je décide de ma vie. Je suis à l’aise avec tout ça, je ne m’en fais pas trop. Je ne suis pas déprimée par la quarantain­e, si c’est ce que tu veux savoir. En fait, ce dont j’ai le plus hâte, c’est de pouvoir recommence­r à voyager. Ça s’en vient bientôt.

L’album Petites mains précieuses sera disponible à compter du 19 octobre. La tournée débutera en novembre. Pour connaître toutes les dates de son spectacle: arianemoff­att.com.

« Aujourd’hui, ça a du sens que je me revendique comme féministe, à cause des choix de vie que j’ai faits.»

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