7 Jours

claude «mégo» lemay

«Ça m’a pris du temps à me relever»

- Par Steve Martin PHOTOS: KARINE LÉVESQUE • MAQUILLAGE-COIFFURE: SYLVIE CHARLAND

Bon vivant, calme et affable, l’ancien chef d’orchestre de Céline Dion est un homme fidèle à l’image qu’on a pu se faire de lui au fil des ans. Maintenant que les braises ont refroidi à la suite de sa rupture avec son ancienne équipe, le musicien a choisi de se dévoiler dans une biographie dans laquelle il nous raconte son parcours, des Petits chanteurs du Mont-Royal au glamour de Las Vegas.

Dans un ouvrage signé par le journalist­e Frédéric Arnould, celui qui a été durant plusieurs années le complice musical de Céline Dion revient sur les étapes qui l’ont mené à fouler les plus grandes scènes du monde. «Je me suis toujours beaucoup impliqué dans chaque show auquel j’ai participé, nous raconte celui qui semble avoir retrouvé le sourire après une période difficile. J’ai commencé avec Raôul Duguay, puis j’ai travaillé avec Fabienne Thibeault, Claude Dubois, Jean-Guy Moreau…»

C’est d’ailleurs après avoir travaillé avec ce dernier que vous avez été recruté par l’équipe de Céline. René cherchait quelqu’un qui avait de la répartie pour échanger avec elle durant les spectacles...

C’est ça. C’est le réalisateu­r Jean Bissonnett­e qui m’a fait passer de Jean-Guy Moreau à Céline. Dans son spectacle, Céline faisait un numéro d’imitations, et il lui fallait un fairevaloi­r qui pouvait aussi occuper la scène pendant qu’elle se changeait. Elle sortait, elle enfilait un costume et elle revenait pour imiter Marjo. Pendant qu’elle n’était pas sur scène, je faisais un numéro de piano-bar quétaine. (rires) Je prenais sa place auprès du public, pour quelques instants.

C’est propre au Québec de mêler musique et humour; des chanteurs font des monologues et des humoristes font des chansons durant leurs prestation­s.

C’est vrai. On l’a aussi fait quand je tournais avec Claude Dubois. J’aime beaucoup être à l’arrière-plan. Je n’ai pas besoin d’être la tête d’affiche. Mais je m’implique beaucoup, même au point d’être un peu fatigant. Je peux comprendre que les gens n’ont peutêtre pas toujours le goût de connaître mes opinions!

Ces dernières années, vous avez travaillé avec Lynda Lemay. En quoi est-ce différent de travailler avec deux chanteuses si différente­s?

Ce que j’aime de Lynda, ce sont ses textes. Ce sont comme de petits films et, mon rôle, c’est de mettre ses mots en musique. Avec Céline, on est plutôt dans un show à grand déploiemen­t. Disons qu’on a beaucoup évolué entre le spectacle qu’elle présentait au Théâtre St-Denis, en 1989, et ses concerts au Caesars Palace. Ce sont deux mondes vraiment différents!

En lisant votre biographie, on comprend que vous ne vous attendiez pas à être congédié par l’équipe de Céline. Comment avez-vous vécu cette situation?

Une séparation profession­nelle après autant d’années, ça peut être aussi douloureux qu’une séparation amicale ou amoureuse, parce qu’on s’est beaucoup investi. C’est quelque chose de profond. Ç’a été 28 ans de ma vie, alors ç’a été très dur. Ça m’a pris du temps à me relever de ça. J’ai eu besoin d’un peu plus d’un an avant de me dire: «OK, je suis correct».

Comment expliquez-vous cette rupture?

Je ressens toujours de l’incompréhe­nsion… C’est un questionne­ment interminab­le. Je me suis longtemps demandé ce que j’avais fait. Je me suis remis en question, je n’étais plus certain de savoir où étaient mes repères.

Et vous veniez de perdre votre mère, dont vous étiez très près...

Je l’appelais tous les jours. Elle était très présente dans ma vie.

Vous avez vécu des moments incroyable­s durant toutes ces années et avez fait des rencontres dont certains ne peuvent que rêver. Y a-t-il un moment que vous chérissez particuliè­rement?

Sur le plan des rencontres, celle avec George Martin ( le producteur des Beatles) était vraiment la réalisatio­n d’un rêve. Lors d’un concert au Wembley Stadium de Londres, on avait repris la chanson Because en version acoustique, et je le voyais devant moi. Ç’a été un des moments les plus forts de ma vie! Un autre grand moment a été la première fois où on a fait le Tonight Show. C’était tellement excitant! C’était le début de quelque chose de très important.

Est-ce à ce moment-là que vous avez réalisé qu’il se passait quelque chose de grand pour Céline sur la scène internatio­nale?

Non. En fait, le jour où j’ai réalisé que ce qui se passait était important, j’étais en voyage aux îles Turks and Caicos. Je faisais de la plongée sousmarine et, à un certain moment, alors que j’étais sur le bateau, juste avant de plonger, la chanson Where Does My Heart Beat Now a commencé à jouer à la radio. C’est là que je me suis dit: «OK, il se passe quelque chose!» J’ai réalisé l’ampleur de ce qui était en train de se passer.

« Après les événements que j’ai vécus, ce livre a été une thérapie. Le fait de me livrer ainsi m’a aidé à me sentir mieux, à faire le ménage.»

Vous avez travaillé avec Céline de très près. Comment expliquez-vous que, audelà de sa voix, elle ait ce charisme qui fait que les fans se sentent près d’elle?

C’est difficile à définir. Le charisme, ce n’est pas quelque chose qui se travaille: on naît avec. Je pense que c’est en partie son héritage familial. Ça lui a donné une stabilité, contrairem­ent, par exemple, à un Michael Jackson, qui ne venait pas d’un milieu sain. Beaucoup d’artistes finissent par tomber dans de mauvaises habitudes parce qu’ils n’ont pas une base solide. De plus, les Dion étaient tous des musiciens. J’ai l’impression que le fait de naître dans un environnem­ent comme celui-là a pu lui donner cette aisance qui fait que tout a l’air facile pour elle. Ça a contribué à son charisme. René a aussi été un bon guide pour elle. Il avait une grande connaissan­ce du show-business. Ginette Reno

l’avait laissé tomber, et cette fille est entrée dans son bureau et a chanté pour lui comme si elle était au Centre Bell. Tout le monde connaît l’histoire!

Pourquoi avez-vous choisi de publier une biographie maintenant?

Avec le recul, je peux dire qu’après les événements que j’ai vécus, ce livre a été une thérapie. Pendant un moment, Frédéric a été mon psychiatre. (rires) Je me sentais comme si je me couchais sur le divan et que je lui racontais mon histoire. Et le fait de me livrer ainsi m’a aidé à me sentir mieux, à faire le ménage, à remettre de l’ordre dans mes idées. Cela dit, ce n’était pas la principale raison. Je voulais d’abord le faire pour laisser quelque chose à mes enfants. J’ai 66 ans, et j’ai deux jeunes enfants qui ont aujourd’hui six et neuf ans. Je suis rendu à l’âge où on commence à se demander: «Combien de temps me reste-til?» Mon père est mort à 69 ans, et ma mère, à 96. Je me situe où, moi, dans tout ça? (rires) Alors, je voulais m’assurer que mes enfants puissent, le jour où ils en auront envie, lire le livre et apprendre à me connaître réellement. C’était la première raison.

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 ??  ?? Le musicien, à Londres, dans ses jeunes années. En 2008, à Dubaï, lors d’un test de son dans le cadre de la tournée Taking Chances. Les deux enfants de l’artiste, Maïka et Nathan, en 2014. C’est pour eux que Mégo a choisi de publier ses mémoires. Avec Céline Dion en 2005, durant la chanson Fever, du spectacle A New Day.
Le musicien, à Londres, dans ses jeunes années. En 2008, à Dubaï, lors d’un test de son dans le cadre de la tournée Taking Chances. Les deux enfants de l’artiste, Maïka et Nathan, en 2014. C’est pour eux que Mégo a choisi de publier ses mémoires. Avec Céline Dion en 2005, durant la chanson Fever, du spectacle A New Day.
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La biographie Mégo…, de Frédéric Arnould, est offerte en librairie.

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