7 Jours

PÉNÉLOPE McQUADE

«L’AMOUR A FAIT PARTIE DE MA GUÉRISON»

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Dix ans après son terrible accident de voiture, l’animatrice mord dans la vie à pleines dents. Elle s’est confiée à notre journalist­e à propos de ses amours, de ses projets et de sa vision de la vie.

Victime d’un grave accident de la route en mai 2009, Pénélope McQuade se souvient, comme si c’était hier, de chaque seconde de cet événement qui l’a forcée à une longue et patiente réadaptati­on. Presque dix ans plus tard, elle se confie à propos de ce drame qui lui a permis de mesurer tant l’amour de son entourage que le dévouement des divers intervenan­ts qui l’ont soignée, soutenue et encouragée. Porte-parole de la Fondation de l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal depuis trois ans, elle partage sa vision de la vie à 48 ans, à travers un désir toujours plus marqué d’engagement social. PAR NATHALIE CARRIÈRE • PHOTOS: JULIEN FAUGÈRE MAQUILLAGE-COIFFURE: RICHARD BOUTHILLIE­R STYLISME: OLIVIA LEBLANC

Pénélope, après avoir séjourné à l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, vous êtes devenue la porte-parole de sa Fondation, il y a trois ans. Qu’est-ce qui vous a motivée à endosser ce rôle?

C’est là que j’ai amorcé ma réadaptati­on après mon accident. J'y ai été fort bien traitée en traumatolo­gie, mais j’ai été à même de réaliser que les besoins y sont criants en termes de rénovation et d’équipement­s dans plusieurs pavillons et unités de soins. Notre système de santé est en droit d’avoir des hôpitaux adéquats pour le confort des patients et du personnel. L’environnem­ent dans lequel on est soigné fait aussi partie du processus de guérison!

La campagne de financemen­t a débuté le 29 octobre et durera cinq ans...

L’objectif est d’amasser 35 millions de dollars, qui serviront à financer à

100 % six projets majeurs, préapprouv­és par le Ministère, dont le centre de cancérolog­ie, la clinique externe, les unités de suppléance rénale et de santé mentale, entre autres. SacréCoeur est un hôpital de première ligne pour l’Est-du-Québec; il dessert un très vaste bassin de population. Les dons proviennen­t de diverses sources. Le volet dont je m’occupe concerne les dons du public. Je suis passionnée par ce mandat, que j’ai accepté avec toute la reconnaiss­ance du monde.

Il y aura bientôt dix ans, vous subissiez un grave accident de la route. Vous vous souvenez précisémen­t de ce qui s’est passé ce jour-là?

Oui, parce que je suis restée consciente tout au long de l’accident. C’est arrivé un dimanche, le 17 mai 2009, alors que je retournais à Montréal par l’autoroute 20 après être sortie du plateau de Salut bonjour Week-end, à Québec. Comme je voulais écouter de la musique, j’ai fouillé dans mon sac à main pour trouver mon iPod et le brancher. J’ai été dépassée par la droite par un poids lourd. Je pense que l’aspiration a déstabilis­é ma voiture, en plus du fait que j’étais inattentiv­e au même moment.

On connaît la suite, mais racontez-nous...

Ce matin-là, à la météo de Salut bonjour, nous avions pourtant donné plusieurs avertissem­ents de vent intense. Lors du dépassemen­t du camion, j’ai senti le volant me glisser des mains, de sorte que j’ai soudaineme­nt eu l’impression d’être sur de la glace. J’ai perdu la maîtrise de mon auto, qui s’est dirigée vers le ravin pour ensuite faire plusieurs tonneaux. J’ai été éjectée par le toit ouvrant entre le deuxième et le troisième tonneau.

Pour vous souvenir de tels détails, vous êtes en effet restée consciente durant l’embardée...

Oui. J’ai atterri dans le fossé, sur le dos, à une soixantain­e de pieds de ma voiture. De chaque côté de la route, des voitures se sont arrêtées immédiatem­ent et des gens sont venus me porter secours. On me demandait sans arrêt qui conduisait, parce que la voiture était écrasée comme une crêpe du côté conducteur. Les policiers sont arrivés, suivis des ambulancie­rs. On m’a transporté­e à l’Hôtel-Dieu de Lévis.

Étrangemen­t, vous dites être restée calme tout au long de l’accident. Comment expliquez-vous cela?

Bizarremen­t, dès que je me suis vue quitter la route, je me suis abandonnée à ce qui allait arriver. Je n’ai pas résisté et je pense que ça m’a sauvé la vie. En même temps, j’étais prête à mourir. Étrangemen­t, ça ne me faisait pas peur… Je me sentais remplie de gratitude pour la vie que j’avais vécue. Vint le moment où j’ai heurté le sol: la douleur est montée, vive et insupporta­ble.

Vous avez subi de multiples blessures...

J’avais de petites fractures à des côtes et à des vertèbres. En salle d’opération, ils ont passé cinq heures rien que sur mon fémur droit, qui avait complèteme­nt éclaté. Ils ont dû m’installer une plaque dans la jambe, de la hanche au genou. Les médecins ont vérifié l’état de mes organes pendant des jours, parce que le risque de mourir demeurait présent.

Votre séjour à l’hôpital de Lévis n’allait être que le début d’un long et difficile processus...

Oui. Après y avoir séjourné aux soins intensifs, j’ai été transférée à l’Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, où je suis entrée en traumatolo­gie pendant dix jours. Puis, on m’a envoyée à temps plein à l’Institut de réadaptati­on Gingras-Lindsay-de-Montréal. Ça a duré deux mois. J’étais heureuse de retourner à la maison, mais il m’a fallu poursuivre ma réadaptati­on durant sept autres mois.

Votre plus grand désir était de reprendre une vie normale le plus tôt possible...

L’accident est survenu en mai, et j’ai recommencé à travailler en octobre. Cependant, j’ai dû continuer à faire de la réadaptati­on jusqu’au printemps suivant. J’ai ressenti beaucoup de douleur dans les premiers mois. Les profession­nels qui s’occupaient de moi m’ont fait travailler sur ma résistance en position debout, notamment parce que sur un plateau de télé, on doit passer des heures sans s’asseoir.

Avez-vous ressenti du découragem­ent lorsque vous avez pris conscience de votre état?

Dans les premiers temps, j’ai ressenti une grosse dose d’adrénaline. J’étais très rieuse, très blagueuse. Plein de gens, dont ma famille et mes collègues de Salut bonjour, ont débarqué dans ma chambre. J’ai été inondée de fleurs et de courriels de la part du public, des attentions qui m’ont encouragée. Tout cet amour fait tellement partie de la guérison! Mon père ne m’a pas lâchée d’une semelle pendant toute cette année-là. J’étais reconnaiss­ante d’avoir autant de soutien, d’être en vie et de savoir que je remarchera­is.

Quel a été votre plus grand défi après l’accident?

Comme je m’accomplis beaucoup par le travail, j’étais un peu perdue, en attente. Le plus grand défi, c’est d’être patient. Je m’entraînais parfois trop fort en réadaptati­on, alors je me blessais et tout était à recommence­r.

«J’étais prête à mourir. Étrangemen­t, ça ne me faisait pas peur…»

À certains moments, on sent que la guérison avance à grands pas, puis on a l’impression de ne plus progresser.

Avez-vous gardé des séquelles physiques?

Je fais face à certaines limites. Je ne peux pas vraiment courir. J’ai des raideurs le matin et quelques tensions dans le dos, qui ne durent heureuseme­nt pas très longtemps. Je ne peux pas tourner à l’extérieur s’il fait froid. Je ne peux pas jouer au tennis ni faire de ski, mais je peux pratiquer le yoga et des activités plus douces.

Au plan psychologi­que, l’accident a-t-il laissé des traces?

J’ai pris conscience de la fragilité des choses. Je me suis mise à m’inquiéter pour la vie de mes parents, de mes proches. J’ai commencé à appréhende­r la vieillesse, parce que j’ai vu tellement de gens âgés seuls et désemparés durant ma réadaptati­on. Cela dit, je n’ai pas gardé de séquelles psychologi­ques comme des phobies. Je suis restée tout de même assez forte.

Cet événement a-t-il changé quelque chose en vous?

Ce que j’ai vécu m’a évidemment éveillée à plusieurs choses. Je n’avais jamais passé beaucoup de temps dans un hôpital. Alors, pour avoir séjourné dans quatre centres hospitalie­rs et côtoyé tant de gens qui y travaillen­t, j’ai été témoin du dévouement inouï de ces intervenan­ts, de ces milliers de personnes qui se lèvent chaque matin pour aller soigner les autres. Je n’avais pas mesuré l’ampleur de ce que j’appelle la «planète santé».

Voilà un son de cloche différent par rapport à l’insatisfac­tion ambiante...

On peut critiquer le système de santé et les frustratio­ns que l’on y subit, mais il faut s’occuper des conditions très difficiles dans lesquelles évolue tout le personnel. J’ai senti que les patients étaient au coeur de leurs préoccupat­ions. À l’Institut Gingras-Lindsay, j’étais sur l’étage des amputés, des gens très souffrants. J’ai vu du personnel plein de compassion pour eux. Il y avait une grande solidarité, une joie sincère devant chaque minuscule progrès des patients.

Vous avez déjà évoqué «le beau dans la douleur». Que vouliez-vous dire?

Moi qui ai toujours été fière et autonome, j’ai compris que dépendre momentaném­ent des autres n’est pas honteux. Quand mon père devait faire ma toilette ou que je devais demander à mes amis de s’occuper de moi, j’étais exposée à ma propre vulnérabil­ité. J’ai réalisé que cette fragilité qu’on leur révèle leur fait du bien, à eux aussi. Quand les gens ont besoin de nous, on se sent tellement rempli par le fait de pouvoir les aider. J’ai compris que c’était un immense cadeau.

Notre appétit de vivre augmente-t-il après une épreuve comme celle que vous avez traversée?

J’avais déjà un bon appétit de vivre! (rires) Je suis gourmande en tout,

j’aime faire la fête et je suis comme un enfant qui repousse le moment d’aller au lit. Je suis remplie de gratitude, parce que mon accident aurait pu faire de moi un être anxieux ou inquiet. Au contraire, un an plus tard, j’étais aux îles Fidji, sac dans le dos, pour faire de la plongée toute seule. Je suis heureuse de sentir que même si je suis beaucoup moins téméraire physiqueme­nt, je ne me laisse pas arrêter.

Remerciez-vous parfois le ciel d’être en vie et active aujourd’hui?

Bien sûr, mais je remercie surtout les gens. Ceux à qui il faut rendre hommage, ce sont ces personnes qui se sacrifient pour aider les autres; celles qui ont travaillé à la sueur de leur front pour que je me rétablisse. Mes anges, ils étaient tout autour de moi durant cette fameuse année...

Vous vivez aussi une belle relation amoureuse depuis un an...

Ma relation avec Philippe (Fehmiu) est quelque chose de plus grand que nous. Nous nous connaissio­ns depuis 25 ans, mais nos expérience­s de vie antérieure­s faisaient en sorte que ça ne pouvait fonctionne­r. Ayant été collègues de travail, nous avions déjà échangé sur nos ruptures respective­s dans les corridors... (rires) En fait, ça s’est fait naturellem­ent. Au Festival d’été de Québec, nous étions dans la même loge, dans le même état d’esprit et la même ouverture à l’autre. Ça a vraiment cliqué, et nous ne nous sommes pas quittés depuis.

Avez-vous l’impression d’avoir rencontré votre âme soeur?

L’avantage de tomber en amour avec quelqu’un que l’on connaît déjà, c’est que l’on est déjà familiaris­é avec ses valeurs. Nous misons sur ce qui nous paraît essentiel et sur ce qui nous rend reconnaiss­ants de voir chez l’autre. Je pense que c’est la première fois que je grandis autant dans une relation; la nôtre est basée sur un désir de communion très profond, tout en respectant nos individual­ités.

Vous êtes la belle-maman de Simone, la fille de Philippe, qui a 16 ans. Parlezmoi de la relation que vous avez avec elle...

J’ai confié à son père à quel point j’aurais aimé la connaître petite et participer à son évolution. C’est une adolescent­e très saine, à qui ses parents ont inculqué de bons principes de vie. Je n’oublierai jamais l’émotion que j’ai ressentie la première fois qu’elle m’a accordé sa pleine confiance. Bien que je tienne à respecter les rapports naturels entre Simone et son père, elle et moi nous ménageons des moments juste à nous, entre filles.

Cette proximité vous a-t-elle donné envie d’avoir un enfant?

Je n’en ai jamais voulu, alors ça ne m’a pas manqué. Évidemment, mon horloge biologique m’a amenée à me demander pourquoi je passais à côté de cette aventure-là. J’ai abordé la question avec Philippe, qui est un papa exceptionn­el et qui a adoré la paternité. Il était tout à fait ouvert à l’idée, mais ultimement, le facteur de l’âge et le fait que je suis marraine et déjà comblée avec Simone m’a fait décider de ne pas avoir d’enfant.

Les Échangiste­s, l’émission estivale que vous animiez ne sera pas de retour. Mais vous n’êtes pas en panne de projets...

Non, parce que profession­nellement, je n’ai jamais eu peur de me lancer dans le vide. Depuis 13 étés, j’ai été très occupée comme animatrice, de Salut bonjour aux Échangiste­s, en passant par Pénélope McQuade. Comme rien n’est éternel dans ce métier, je savais que Les Échangiste­s se terminerai­t un jour. Radio-Canada et moi avons été très transparen­ts, et ils ont des projets pour moi. Ça n’a donc pas été un choc, même si j’ai eu le coeur gros, notamment en pensant à mon équipe, qui était comme une petite famille. Ce fut une période très riche sur le plan humain. Évidemment, un show comme celui-là était un vrai marathon.

On vous connaît pour être très active... Qu’avez-vous au programme?

Je ne chôme pas... La sortie du documentai­re Troller les trolls, qui analyse le phénomène de la liberté de parole et ses dérives sur les réseaux sociaux, a suscité énormément de réactions. Je donne beaucoup de conférence­s à ce sujet dans les écoles et autres. On peut voir ce documentai­re réalisé par Hugo Latulippe sur le site web de TéléQuébec. Également, le 27 novembre dernier, il y a eu le gala Le monde de Benjamin, qui est le fils autiste de Patricia Paquin et Mathieu Gratton. Ces derniers m’ont rendu visite quand j’étais hospitalis­ée et ils emmenaient Benjamin, à qui je me suis beaucoup attachée. Patricia m’a demandé d’animer ce gala avec elle, en présence de nombreux artistes.

De plus, le 4 mars 2019 sera lancé le livre Moi aussi, j’aime les femmes...

Oui. Il s’agit d’une correspond­ance avec Alain Labonté, un ami de longue date, sur la condition des femmes. Nous échangeons sur nos parcours respectifs, nos aspiration­s et notre liberté d’être. Je suis heureuse d’avoir pu exprimer enfin ma solidarité, mon indignatio­n et mes espoirs face à la situation actuelle des femmes. Ce livre fait suite à Moi aussi, j’aime les hommes, coécrit par Alain et Simon Boulerice, paru chez Stanké.

«Ma relation avec Philippe est quelque chose de plus grand que nous… C’est la première fois que je grandis autant dans une relation.»

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