7 Jours

Fabien Cloutier

- PHOTOS: PATRICK SÉGUIN • MAQUILLAGE-COIFFURE: SYLVIE CHARLAND

À 43 ans, ce Beauceron a su se bâtir, après bien des efforts, une carrière qui lui a permis de présenter ses créations hors de nos frontières et d’adapter son univers riche dans une comédie qui fait jaser depuis son lancement sur Club illico. Malgré le succès et les nombreuses propositio­ns, ce père de deux garçons qui prête ses traits et sa voix à Léo demeure avant tout un homme de clan, fidèle à ses proches et à ses valeurs.

«Mes parents m’ont donné le vrai sens du travail.»

Fabien Cloutier arrive tôt à La Licorne, qui n’a pas encore ouvert ses portes, couvert de sa tuque — rappel que le «gars de bois» n’est jamais bien loin — et l’oeil éveillé d’un homme qui a une nature matinale. Pour notre rencontre, le choix de l’endroit, situé rue Papineau, près de l’avenue du Mont-Royal, n’a rien d’anodin. «C’est à La Licorne qu’est né, durant les Contes urbains en 2005, le chum à Chabot, explique celui qui a transposé l’univers de son personnage fétiche dans la série Léo. C’est cette expérience qui m’a donné envie d’écrire la pièce Scotstown, qui a été suivie de Cranbourne. C’est à La Licorne aussi qu’on m’a ouvert les portes pour être auteur en résidence, ce qui m’a permis de créer Pour réussir un poulet et Bonne retraite, Jocelyne. Ça fait quand même cinq de mes pièces en 10 ans qui sont passées par ce théâtre, qui est vraiment un port d’attache pour moi. Je peux miser sur la création et la nouveauté.»

UN GRAND NAÏF

L’acteur et auteur, qui a porté bien d’autres chapeaux dans sa vie, est une créature unique dans le showbiz québécois. Il y a quelques années, à part les initiés du milieu, peu de gens savaient qui il était. Mais, depuis peut-être cinq ans, on peut dire que sa carrière a pris son envol de façon remarquabl­e pour un gars qui, comme bien des jeunes de sa région à l’époque, ne semblait pas destiné à monter sur scène. Bien des gens peu représenté­s à l’écran se sont reconnus dans son langage cru, et ce, même si certains de ses propos pourraient être mal reçus, venant de la bouche d’un autre. Pourquoi? Sans doute que l’auteur et comédien a su transmettr­e un peu de son humanité et un brin de candeur à un personnage qui peut sembler parfois mal dégrossi. «C’est vrai que Léo est un naïf, nous dit Fabien à propos de son alter ego, mais les grands naïfs, ils ont de l’espoir. C’est un gars qui doute de lui-même, mais il se confronte. C’est une belle qualité de savoir oser se remettre en question et d’avoir la capacité de changer.»

CHOISIR UNE AUTRE DIRECTION

Comme Léo, on peut dire que Fabien a dû, à une époque, se confronter luimême afin d’aller au-delà de ce que la vie avait en réserve pour ce garçon pas trop turbulent qui rêvait de théâtre, sans toutefois penser qu’on pouvait en faire un métier. «La Beauce, c’est un milieu où il y a beaucoup d’entreprene­uriat. J’ai commencé à travailler jeune. Et partout où on m’embauchait, j’avais toujours la possibilit­é de continuer. On m’offrait toujours plus... À tel point que tu finis par te définir par ce à quoi tu dis non. Moi, à l’école, j’avais de la facilité et je connaissai­s les limites. Il m’arrivait de manquer des cours, mais c’était pour travailler sur des projets, et je réussissai­s quand même à l’école. Alors pour moi, l’idée de poursuivre mes études plutôt que de continuer à travailler, ç’a vraiment été un choix. J’aurais pu tout de suite avoir une job à 20 $/h, mais je voulais poursuivre l’école. Je ne savais pas encore clairement ce que j’allais faire, mais je savais que ma place n’était

«Je ne savais pas encore clairement ce que j’allais faire, mais je savais que ma place n’était pas dans une shop.»

pas dans une shop, même si je pouvais apprécier la camaraderi­e qu’on y trouve et tout ça.»

RENVOYÉ DE L’ÉCOLE

Intéressé par le théâtre, Fabien, qui s’est d’abord inscrit en sciences humaines au cégep Garneau, a éventuelle­ment fait le choix de se lancer sans filet. Après avoir été accepté dans le programme d’art dramatique du cégep de Sainte-Thérèse, il a cependant subi une rebuffade majeure au bout de quelques mois, du genre dont certains ne se relèvent pas. «J’ai été renvoyé parce que je ne remplissai­s pas les exigences à ce moment-là, explique-t-il sans rancoeur. Pourtant, je pensais que j’étais à ma place, mais pour eux ce n’était pas le cas. (rires)

Je suis alors retourné en Beauce et j’ai pris une année sabbatique. Ç’a été une année de réflexion. J’ai fait des ateliers de théâtre avec des jeunes. J’avais besoin de m’exprimer comme créateur et, à ce moment-là, ça a passé par les activités parascolai­res. C’est durant cette année-là que j’ai compris que c’était vraiment ce que je voulais faire de ma vie.»

DES RACINES PROFONDES

Si l’avenir de Fabien allait se définir un peu plus après son acceptatio­n au Conservato­ire, puis, des années plus tard, avec l’arrivée de ses fils et le déménageme­nt de sa famille à Montréal il y a quatre ans, son coin de pays a toujours fait partie de son identité. Et les hommes qu’il a côtoyés là-bas ont nourri les personnage­s qui allaient plus tard naître dans son esprit. «J’ai toujours été entouré de gens travaillan­ts qui m’ont soutenu. Mes parents m’ont d’ailleurs donné le vrai sens du travail. L’idée n’est pas de se donner de façon maladive ou de courir après des emplois, mais de bien faire sa job. Pour mes parents, il n’y avait pas de petites tâches — c’est un trait familial. Que je pense à mon père, à mes oncles, j’ai toujours eu ce genre de monde autour de moi. En général, ce sont des ouvriers, mais c’est du monde droit. Des gens qui disent ce qu’ils pensent. Et, s’il y a un problème, ils le nomment. Ce sont aussi des personnes qui ont su me dire: “T’es capable de faire ça.” Et ça, ça a commencé très tôt dans ma vie. Que ce soit pour faire des travaux de constructi­on ou d’autre nature, on me disait: “N’engage pas quelqu’un pour faire ça. Appelle-moi, et je vais te montrer comment ça se fait.” C’est comme ça que j’ai fini par en apprendre assez pour être capable de rénover ma propre maison.» Cet esprit d’entraide dans un milieu de travail fait aujourd’hui partie de ce qu’il recherche chez les gens avec qui il a le goût de monter sur les planches. «Pour moi, c’est essentiel de voir comment les gens agissent quand ils sont avec leurs collègues. L’idée d’équipe, c’est important pour moi.»

SUR LE PLATEAU AVEC SES FILS

On peut penser que ce sens de la débrouilla­rdise, il va aussi le transmettr­e à ses deux fils, Edmond et Émir, qui ont eu la chance de participer à un tournage avec papa pour les besoins de Léo. «Mes deux gars ont fait un tout petit quelque chose. Je trouvais ça important qu’ils voient comment ça se passe, qu’ils vivent cette expérience, qu’ils croisent des gens, au cas où ils décideraie­nt un jour de faire ça à leur tour. S’ils veulent devenir acteurs, ils le deviendron­t, mais, de toute manière, ce

«C’est vrai que Léo est un naïf, mais les grands naïfs, ils ont de l’espoir.»

n’est pas aujourd’hui que ça va se décider. Cela dit, on l’a fait parce qu’ils l’ont bien voulu. Si ça ne les avait pas intéressés, je ne les aurais pas forcés à le faire.»

PLANIFIER AU QUART DE TOUR

En outre, considéran­t que Maude Audet, la conjointe de Fabien, mène de son côté une jolie carrière de chanteuse, on peut deviner que la routine chez les Audet-Cloutier doit être réglée au quart de tour pour accommoder le quatuor familial. «Ça prend une communicat­ion hors pair pour gérer la logistique de nos projets, confirme l’homme de mots. Chaque jour, on note tout notre travail dans nos agendas: on se demande à quelle heure les garçons doivent rentrer, à quelle heure on fait ci ou ça... Tout est vérifié. Il faut qu’on ait une discipline de béton si on ne veut pas avoir de mauvaise surprise. On se bloque des fins de semaine, des journées en semaine, car on sait très bien qu’on va parfois devoir travailler certains soirs. Quand j’ai une période de tournage intense, je me lève à 4 h du matin et je reviens à 20 h. Ça dure quelques jours. Il faut se faire à cette idée, même si des fois on se dit: “J’ai hâte que ça finisse!”» Cela dit, malgré ses horaires un peu fous, Fabien n’a pas envie de se plaindre, loin de là! «À l’occasion, on arrive tous les deux à prendre congé pendant la relâche. J’ai plus de vacances en famille que la moyenne du monde. Je suis chanceux.»

Léo est offert en exclusivit­é sur Club illico.

La pièce Bonne retraite, Jocelyne sera présentée du 4 au 15 juin et du 10 au 21 septembre au Théâtre La Licorne. Info: theatrelal­icorne.com

Pour plus d’informatio­ns sur les projets de Fabien, visitez fabienclou­tier.com.

Si vous désirez découvrir la musique de sa conjointe: maudeaudet.com.

Merci au Théâtre La Licorne pour son accueil chaleureux.

«J’ai été renvoyé de l’école d’art dramatique parce que je ne remplissai­s pas les exigences... Ç’a été une année de réflexion.»

 ?? Par Steve Martin ??
Par Steve Martin
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 ??  ?? Aux côtés de sa conjointe, Maude, lors de la dernière Soirée Artis. Avec ses deux fils, Edmond et Émir. «Mes deux gars ont fait un tout petit quelque chose dans Léo. Je trouvais ça important qu’ils vivent cette expérience.»
Aux côtés de sa conjointe, Maude, lors de la dernière Soirée Artis. Avec ses deux fils, Edmond et Émir. «Mes deux gars ont fait un tout petit quelque chose dans Léo. Je trouvais ça important qu’ils vivent cette expérience.»
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Fabien, enfant. Avec son diplôme en main, en 1993.
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Bien qu’il aime les travaux manuels, Fabien a choisi de se tourner vers les arts.
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