7 Jours

Céline Bonnier

- Par Michèle Lemieux

Parfois, une simple phrase peut avoir un écho insoupçonn­é et changer le cours d’une vie. C’est exactement ce qui est arrivé à Céline Bonnier... Tandis qu’elle poursuivai­t ses études au cégep, une prof l’a encouragée à passer les auditions au Conservato­ire. Toute son existence s’en est trouvée changée! Alors qu’elle célèbre 30 ans de carrière, l’actrice revient sur les hauts faits de son parcours riche en projets et en rencontres.

Céline, quels sont vos projets pour 2019?

Je suis actuelleme­nt en répétition pour un spectacle qui sera présenté à l’Espace Go en mars, sous la direction de Brigitte Haentjens, au sujet de Patti Smith et de son oeuvre. Clara Furey me dirigera dans un autre show solo dans lequel il n’y a pas de paroles; ça fait appel à un autre type de communicat­ion. Puis, je suis toujours de L’heure bleue. Cette série a pris beaucoup de place dans la dernière année.

Vous avez 30 ans de carrière. Ce constat vous rend-il fière de ce que vous avez accompli?

J’ai commencé à travailler tôt dans ce métier. Je n’avais pas terminé le Conservato­ire que je commençais une série d’émissions pour enfants tournée à Québec. Puis, j’ai joué un Tchekhov avec Andrée Lachapelle, Jean-Louis Roux et Jean Gascon. Dès ma sortie de l’école, j’ai été happée par le jeu. Mon premier show, ç’a été avec Guylaine Tremblay. Alors oui, j’ai une carrière assez remplie. J’ai beaucoup joué.

Vous avez donc su rapidement ce que vous vouliez faire dans la vie...

Oui, je le savais. Petite, je voulais jouer, mais je l’avais oublié parce que d’autres choses sont arrivées. Ma personnali­té fait en sorte que je m’intéresse à beaucoup de choses — ce qui n’est pas nécessaire­ment une qualité… (rires) J’ai fait de la musique et je me suis dit que c’est ce que j’allais faire dans la vie. Puis, une prof au cégep m’a vue jouer et m’a dit qu’il fallait que je passe les auditions au Conservato­ire. Ça m’a fait changer d’idée. Sans ce commentair­e, je me demande si j’y serais allée. J’y avais pensé, mais j’étais en train de me tracer une autre trajectoir­e. Je sais qu’elle a fait une différence dans ma vie. Je me suis préparée pour les auditions, et ça a marché.

Quand vous avez décidé de vous engager dans cette carrière, je présume que personne n’a été étonné autour de vous...

Pas tant. J’ai choisi ce métier à 18 ans, ce qui est assez tôt. Quand j’étais petite, mon frère faisait de la musique au même théâtre où un autre jouait avec ma petite

«Il y a toute une autre vie qui commence à partir de 45 ans et dont on ne parle pas suffisamme­nt.»

soeur... Chez nous, c’est un monde artistique, et il y a beaucoup de musique. Ce n’était donc pas étonnant.

Vos parents vous ont-ils laissé la liberté de choisir?

Oui, ils n’avaient pas d’idées préconçues par rapport à ce métier. Mon père m’avait dit que c’était un drôle de monde, mais sans plus. Mes parents ont vu assez rapidement que je travaillai­s et que je pouvais en vivre. Je pense que ce qui inquiétait mes parents, c’était que je ne trouve pas ma place et que ça m’apporte tristesse et frustratio­ns.

Quelles ont été les grandes rencontres que vous avez faites au cours de votre carrière?

Il y a eu Robert Lepage, avec qui j’ai travaillé assez tôt et qui m’a permis de voyager. Durant la vingtaine, j’ai fait beaucoup de tournées avec lui. Ça m’a apporté un premier film, Les plaques tectonique­s. Le jour de mon premier tournage à vie, c’était mon anniversai­re. J’avais 26 ans et j’étais à Venise… Ce n’est pas plate, quand même! (rires) Ç’a été un début de carrière assez fulgurant. Ça, c’est grâce à Robert. Ç’a été une belle rencontre. Il y en a eu plusieurs. J’ai voyagé aussi avec Denis Marleau en Europe, avec Urfaust. André Forcier a aussi été très important pour moi. Je voulais travailler avec lui, et nous avons fait quelques films. J’ai eu une belle rencontre avec Brigitte Haentjens, avec qui j’ai depuis travaillé à quelques reprises, quand j’ai joué dans La cloche de verre. Être 1 h 45 min seule en scène, c’est une école extraordin­aire! Ça donne de la confiance.

Avez-vous connu des temps morts durant toutes ces années?

Je crois qu’une fois seulement, j’ai passé six mois à me demander ce que j’allais faire. Au début, je ne voulais pas faire de télé. Je ne savais pas si j’allais être heureuse en studio. Quand on est actrice, six mois sans travailler, ça peut être difficile. On a besoin d’être désirée. On attend d’être choisie. J’ai toujours trouvé ça pénible. Et c’est encore le cas maintenant! (rires) En même temps, c’est formidable quand tout à coup quelqu’un nous arrive avec un nouveau projet. C’est comme déballer un cadeau.

Arrive-t-on un jour à se dire que notre valeur ne changera pas pour autant?

Ça, je ne le sais pas… Je n’ai pas eu de temps morts depuis un moment, mais j’ai des amis qui en ont eu. C’est tout aussi difficile. Ne pas avoir de contrat, c’est pire à l’approche de la cinquantai­ne. À 50 ans, il y a un passage à vide pour les femmes. Il y a souvent un espace qui nous effraie un peu. Moi, j’ai 53 ans. Ça viendra peut-être, je ne sais pas. Mais jusqu’à maintenant, j’ai été choyée. La jeunesse, c’est bien, mais ce n’est pas la réalité. Il y a toute une autre vie qui commence à partir de 45 ans et dont on ne parle pas suffisamme­nt.

Craignez-vous les passages à vide?

Je n’ai pas cette crainte, mais je me dis toujours qu’on ne sait jamais. Alors, je surveille mes arrières. Je m’intéresse à autre chose. J’aimerais réaliser, faire mes propres films. Être derrière la caméra, ça m’attire. Je suis en train d’écrire des courts métrages. En

30 ans de carrière, j’ai joué beaucoup de rôles. J’aimerais me servir de cette expérience en continuant de la faire évoluer. Je suis une fille de défis; j’en ai besoin. C’est pour ça que les nouveaux projets m’intéressen­t.

«Je n’ai pas eu de temps morts depuis un moment. Ça viendra peut-être, je ne sais pas. Mais jusqu’à maintenant, j’ai été choyée.»

À 50 ans, ressentez-vous l’urgence de réaliser certaines choses?

J’ai toujours eu un sentiment d’urgence. Je me suis toujours trouvée plus vieille que mon âge.

Qu’est-ce qui vous permet de prendre du recul par rapport au travail?

Ma campagne. J’ai toujours été une fille de nature. J’aime vivre chaque saison, dehors. J’ai besoin de la famille, des amis. Et les voyages. Je n’ai pas fini de voyager. J’ai tant de voyages à faire et de livres à lire encore...

Avez-vous des engagement­s qui vous tiennent à coeur?

J’ai signé Le Pacte. Je suis aussi préoccupée par les forêts menacées par des coupes majeures.

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Son rôle dans L’heure bleue continue d’émouvoir les téléspecta­teurs, semaine après semaine...
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Depuis 2012, elle incarne Suzanne Beauchemin dans Unité 9. Ici avec Myriam Côté.

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