7 Jours

Luce Dufault

«Avec le temps, on dirait que tout devient plus assumé»

- PHOTOS: SÉBASTIEN ST-JEAN • MAQUILLAGE-COIFFURE: ANABELLE DESCHAMPS

La chanteuse Luce Dufault possède certaineme­nt l’une des plus grandes voix de la chanson québécoise. Une voix chaude, réconforta­nte et apaisante... l’équivalent musical du comfort food, en quelque sorte! Bonne nouvelle: Luce nous a récemment offert un tout nouvel album, Dire combien je t’aime.

Luce, après sept ans, tu as enfin présenté un nouvel album ce printemps! Y a-t-il longtemps que tu y pensais?

L’idée était là depuis toujours. Quand on a fini le dernier, en 2013, j’ai commencé à ramasser des chansons et je me disais que j’allais préparer un autre album. Depuis 2016, je répétais souvent que ça s’en venait, que j’y travaillai­s, et j’avais même avancé des noms de collaborat­eurs. Mais finalement, le temps a fait en sorte que ce n’était plus possible. Ça me trottait dans la tête, mais à cause de ce qu’est devenue l’industrie de la musique, faire un album devient une carte de visite pour faire de la tournée. Ça finit par coûter cher pour faire des shows. Nous, on est à notre compte. Faire un disque, injecter de l’argent dans ce projet et risquer de ne pas en revoir la couleur, ce n’est pas évident. Ça ne me tentait pas qu’on pige dans nos économies personnell­es.

Malgré tout, entre ces deux albums, tu n’as pas arrêté de travailler...

Non! Il y a quelque temps, une femme m’a reconnue dans un magasin et m’a dit: «Ah, vous êtes à la retraite!» Pourtant, je n’ai pas arrêté de faire de la scène. J’ai fait, entre autres projets, le spectacle Entre vous et nous avec Marie Michèle Desrosiers et Marie-Élaine Thibert. Mais si tu n’es pas sur scène à Montréal et que tu n’es pas à la télé, tu n’existes pratiqueme­nt pas! Pour Entre vous et nous, j’ai travaillé avec le producteur Martin Leclerc, qui m’a proposé de me prendre sous son étiquette. Ça m’a enlevé cette espèce de pression que j’avais et ça m’a permis de rêver à un autre disque et de voir les choses se préciser.

Chose certaine, tu y as mis le temps!

J’ai choisi les chansons une à une, j’ai vraiment pris mon temps, et celles qui sont arrivées en dernier étaient tellement espérées! On les a beaucoup travaillée­s.

Tu as d’ailleurs composé une musique pour la première fois, n’est-ce pas?

Oui! C’est Richard Séguin qui me disait depuis des années que, comme je suis capable d’improviser quand je chante et d’aller ailleurs avec une mélodie, je serais capable de composer une musique. Tout ça a commencé quand Marc Chabot est arrivé avec le texte La chanson de Cohen, qu’il a écrit quelque temps après la mort de Leonard Cohen en sachant à quel point j’étais une fan depuis toujours. Richard a également reçu ce texte, et je pensais qu’il en ferait la musique, mais il m’a appelée pour me dire que le moment était venu, que je devais essayer de composer la musique pour cette chanson. J’étais hyper gênée. À la maison, j’attendais que tout le monde soit à l’extérieur pour essayer des affaires. J’enregistra­is des choses avec mon téléphone et

«J’ai l’air bien fine comme ça, mais je ne me laisse pas imposer grand-chose!»

je les effaçais ensuite, sans en parler à personne. Richard me relançait souvent, il m’encouragea­it et il a offert de m’aider. Tout ça s’est passé sur deux ou trois ans, et quand j’ai finalement fini d’écrire la musique, je n’étais pas capable de la faire entendre à personne! Même pas à mon conjoint, Jean-Marie. J’ai finalement enregistré un démo, et c’est comme ça que la chanson s’est retrouvée sur l’album.

Est-ce que ça t’a donné assez confiance pour composer d’autres mélodies?

Je ne sais pas, mais au moins j’en ai une de faite! Richard était super content, Marc aussi, et je dois dire que je suis fière. C’est très simple comme mélodie, mais je suis contente, je commence à m’habituer à l’écouter.

Parlons de toi un peu. Tu as franchi le cap de la cinquantai­ne il n’y a pas si longtemps...

J’ai 53 ans, je vais en avoir 54 en août. Je vis bien ma cinquantai­ne, mais la journée de mes 50 ans a été difficile. Je me suis roulée en boule et j’en ai pleuré une shot! C’est venu me chercher, je ne sais pas trop... Peut-être aussi que c’était simplement une mauvaise journée et que ça adonnait que j’avais 50 ans ce jour-là. Mauvais timing! Après ça, ç’a été correct. Il reste que ce n’est qu’un chiffre; je ne me sens pas différente qu’à 43 ans. En fait, je dirais que je me sens aujourd’hui plus en forme qu’à 33 ans. Je m’entraîne, je suis bien, je fais plus attention à moi qu’à 20 ans.

Tu fais carrière depuis un peu plus de 30 ans. Quel bilan fais-tu de toutes ces années?

Je dirais que c’est formidable de pouvoir encore vivre de ce métier-là aujourd’hui. Entre deux albums, quand il y a des creux de vagues, on se demande si ça va reprendre et si on sera encore capable de toucher à quelque chose qui nous donne envie de faire ce métier. Avec le temps, on dirait que tout devient plus assumé. Je prends plus mon temps pour décider des trucs et je prends plus de décisions aussi. J’ai l’air bien fine comme ça, mais je ne me laisse pas imposer grand-chose! (rires) Je ne veux plus faire des choses qui me tentent moins. C’est tellement un beau cadeau de se retrouver sur scène et de faire ce métier-là, alors il faut que ce soit vrai et que j’aime ce que je fais, sinon c’est dur à porter. Mais dans les faits, je n’ai jamais été hyper malléable!

Tes enfants sont-ils encore à la maison?

Oui. Mon fils, Mika, qui a 19 ans, est encore chez nous et est il est aux études. Lunou, pour sa part, a maintenant 24 ans et elle étudie en théâtre musical.

Jean-Marie et toi, ça fait un bon moment que vous êtes ensemble...

Ça fait maintenant 30 ans. C’est pour ça que, sur mon album, il y a beaucoup de chansons d’amour, des chansons qui parlent de nous, comme Pauvre Terrienne et Marseille. Toutes les chansons qui sont sur l’album me touchent. Il y a toujours un brin de nous ou de quelqu’un qui nous est cher quand on chante quelque chose.

Est-ce qu’il y a une chanson très personnell­e qui te touche tellement que tu as du mal à l’interpréte­r?

Il y a Marseille, mais comme la musique nous amène ailleurs, c’est moins difficile. Si ç’avait été une ballade, ç’aurait été horrible: j’aurais braillé ma vie! J’adore cette chanson-là. Pauvre Terrienne est aussi une chanson qui me touche beaucoup. C’est un texte que j’ai demandé à Moran, qui nous connaît, Jean-Marie et moi, depuis toujours. Il sait comment nous nous sommes rencontrés, il connaît notre vie de l’époque où on avait 20 ans à ce que nous sommes aujourd’hui. Il connaît aussi mon amour pour la Corse, où j’ai passé des vacances de rêve. Quand je lui en ai parlé, je lui disais que, lorsque tu te retrouves en vacances, ça ne se passe pas toujours comme tu le veux, mais ces vacances-là, l’été dernier, ont été juste parfaites. Ç’a été un moment de grâce qui a duré un mois. Je lui ai raconté tout ça, et il a écrit la chanson.

Ces dernières années, on t’a souvent vue participer à l’émission En direct de l’univers et la raison est simple: les artistes invités t’aiment et donnent ton nom dans le questionna­ire qu’ils remplissen­t!

C’est toujours flatteur. C’est un cadeau quand on reçoit une invitation d’En direct de l’univers, parce qu’on sait qu’on a été choisi. En plus, pour y avoir été souvent, je peux vous dire que c’est le plus beau plateau de télé qui existe. L’équipe qui travaille sur cette émission, c’est de l’or!

Comment vis-tu tout ce qui se passe, ou plutôt tout ce qui ne se passe plus, avec la pandémie de COVID-19?

C’est vraiment fou! Je me dis qu’on est tous dans le même bateau, qu’il faut travailler ensemble et rester chez soi. Et je parle de tous les groupes d’âge. J’ai quelques contrats qui ont été annulés ce printemps, parce que je devais chanter dans les spectacles de Brigitte Boisjoli. On se croise les doigts pour l’automne, et on espère que ça va se dissiper le plus rapidement possible. Mais il faut ce qu’il faut. On doit prendre ça au sérieux.

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 ??  ?? Par Daniel Daignault
Par Daniel Daignault
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Dire combien je t’aime est disponible sur toutes les plateforme­s numériques. Pour suivre les activités de l’artiste: lucedufaul­t.com.

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