Xavier Huard
Il peut aussi bien camper un conjoint violent dans la dramatique Une autre histoire qu’un homme trop gentil dans le suspense La faille ou encore un dévoué religieux dans le film d’époque Le club Vinland. Discussion avec un comédien caméléon qui se réinven
Xavier, tu as grandi en région, n’est-ce pas?
Oui, dans le coin de Trois-Rivières, plus précisément dans le petit village de Pointe-du-Lac. Comme mes deux parents étaient agronomes, devenir comédien ne m’avait jamais traversé l’esprit, jusqu’à ce que je fasse de l’improvisation au secondaire. Mes amis m’ont persuadé de me présenter aux auditions pour étudier dans une école de théâtre. Je me suis dit que si je ne tentais pas ma chance, j’aurais peutêtre des regrets. À ma grande surprise, j’ai été accepté dans tous les établissements, alors que ce programme est très contingenté.
Ton désir d’être acteur était-il assumé?
Pas totalement, non. Mais le jeu est rapidement devenu une passion. Il faut dire qu’à l’École nationale de théâtre, j’ai étudié auprès d’enseignants incroyablement doués, comme André Melançon. Ce grand réalisateur, à qui l’on doit entre autres La guerre des tuques, était un incroyable directeur d’acteurs. J’ai eu la chance d’être de sa dernière cohorte, juste avant qu’il prenne sa retraite, affligé par la maladie. L’acteur Guy Nadon figure aussi parmi les professeurs qui m’ont marqué. Son amour du métier est contagieux.
On t’a vu dans les deux premières saisons d’Une autre histoire, dans laquelle tu campes Ron, un homme violent. Ce personnage n’est pas très apprécié des téléspectateurs!
J’habite dans le quartier Hochelaga, à Montréal, et habituellement, lorsque les gens m’abordent, ils sont heureux de venir jaser avec un artiste du quartier. Mais, avec Ron, c’est différent. On me dit des trucs du genre: «Je t’ai vu hier à la télé. Tu étais bon, mais… je ne t’aime pas!» Je prends ça comme un compliment: ça veut dire que je fais bien mon travail.
Ça ne doit pas être évident de jouer des scènes de violence conjugale!
Je campe le même personnage que Vincent Graton, mais plus jeune, dans les flash-back. Ron n’est pas violent juste pour être violent: il a quelque
chose de brisé en lui, un trop-plein d’émotions qu’il gère tant bien que mal avec la consommation. Les scènes les plus difficiles à jouer sont celles où il pète sa coche devant ses enfants. De jeunes comédiens sont présents sur le plateau, ils savent que c’est «un jeu», mais je m’efforce tout de même de détendre l’atmosphère entre les prises, pour qu’ils conservent une belle expérience de tournage.
On peut te voir aussi dans La faille. Ton personnage, qui travaille au poste de police, est tellement gentil qu’il en est… inquiétant!
Tant mieux! C’est le but, dans un drame policier: chaque personnage possède une intention cachée. Depuis ma sortie de l’École nationale de théâtre, j’ai auditionné à plusieurs reprises pour le réalisateur Patrice Sauvé. J’ai eu un bon nombre de call-backs avec lui, c’est-à-dire qu’il désirait me revoir en deuxième audition ou pour un tout autre personnage. Au fil de ces rencontres, j’ai appris ses codes, son langage… et j’ai finalement décroché le rôle d’Alain Turgeon dans La faille.
Tu es également du film Le club Vinland, dont la sortie a toutefois été reportée...
J’ai adoré me glisser dans la peau d’un frère des années 1940 qui enseigne à de jeunes étudiants dans un collège de Charlevoix. Je ne vous cacherai pas que, lorsque j’avais des scènes avec tous les frères, soit Sébastien Ricard, Rémy Girard, François Papineau et Fabien Cloutier, j’avais des papillons dans le ventre. Je me trouvais bien chanceux de donner la réplique à des comédiens si talentueux, et plus encore d’être dirigé par un réalisateur que j’admire énormément, Benoît Pilon…
En plus de revêtir la soutane!
C’est vrai que ce vêtement impose une certaine prestance. J’ai aussi adoré côtoyer les jeunes comédiens sur le plateau. Leur jeu était authentique, rafraîchissant. Et puis, nous étions en quelque sorte des mentors pour eux. Je sentais que je pouvais leur insuffler ma passion du métier, comme d’autres l’avaient fait avant, pour moi.
En terminant, tu es également metteur en scène à tes heures! Une autre façon de transmettre ta passion pour le jeu.
(Avant le confinement), je travaillais sur la mise en scène de la pièce AlterIndiens, pour le Théâtre DenisePelletier. Il s’agit d’une comédie
Merci au Hoche Café, 4299, rue Ontario Est, à Montréal, pour son accueil lors de la séance photo, qui s’est déroulée avant le confinement.
ACCOMPAGNER LES COMÉDIENS AUTOCHTONES
Xavier Huard a développé un lien bien spécial avec les communautés autochtones. «J’ai des amis installés au Nunavut et j’y suis allé plusieurs fois, à un point tel que la communauté autochtone est devenue ma deuxième famille. Comme je me suis investi dans différents projets théâtraux au fil des ans avec eux, je connais bien les artistes autochtones. J’ai donc collaboré à la production de la série Épidémie en coachant tous les comédiens autochtones pour leur apprendre les rudiments du métier. Je suis particulièrement fier du travail effectué avec Nancy Saunders. Cette dernière évolue dans le milieu de l’art visuel, mais elle n’avait jamais fait de télévision auparavant, et elle a défendu avec brio un premier rôle dans la série.»