Sophie Prégent
«C’est une nouvelle étape que nous assumons pleinement»
La fin de l’été se vivra sous le signe du renouveau pour Sophie Prégent qui, avec sa famille, a quitté sa maison de la Rive-Sud pour s’installer dans un condo temporaire. À la rentrée, son nouvel espace de vie devrait enfin être disponible. À travers cette nouvelle étape, la maman s’assure du bonheur de son fils, Mathis. La sphère professionnelle est aussi chargée, car la présidente de l’Union des artistes (UDA) travaille avec acharnement à trouver des solutions à la crise sans précédent qui secoue le milieu culturel.
«Déménager en temps de covid n’est pas évident, mais nous sommes très heureux et Mathis vit bien ce changement.»
Sophie, qu’en est-il de tes projets professionnels? Certains d’entre eux se poursuivront-ils?
Mes projets de tournage sont reportés. Le tournage de la suite d’Alerte Amber, la série qui s’appellera Alertes, devait commencer au printemps, mais il est reporté. Plusieurs contrats d’animation de soirée ont été remis. Comme tout le monde, j’ignore pendant combien de temps cette pause va se poursuivre. La reprise se fait très lentement, dans le milieu des arts et de la culture. Nous essayons de faire le plus et le mieux possible pour les artistes qui sont membres de l’UDA. En tant que présidente, je suis au travail tous les jours et les journées sont longues.
Quelles sont les questions qui t’occupent actuellement?
Il y en a plusieurs, notamment la prolongation de la prestation canadienne d’urgence (PCU), le respect de la distanciation physique, le respect des ententes collectives. Ce n’est pas parce que nous sommes en période de covid que les ententes ne tiennent plus. Des guides ont été publiés en lien avec notre secteur. C’est très encadré. Il faut respecter les recommandations.
Quelles sont les solutions que les auteurs et producteurs ont trouvées pour reprendre les tournages?
Pour les auteurs, je présume que c’est du cas par cas. Ils devront se demander s’il est possible que leurs personnages ne s’embrassent pas et ne se touchent pas. À mesure que les tournages reprendront, nous verrons
comment chacun s’est adapté et s’est ajusté à la réalité de la covid-19. Tout le monde devra le faire. Je ne crois pas qu’il n’y ait qu’une seule solution. Parfois, il faudra réécrire les textes. À d’autres moments, c’est la réalisation qui devra s’adapter. Je crois que les choses vont se faire de manière progressive. Nous ne sommes pas dans une situation normale, mais c’est temporaire.
Avec les événements que nous traversons actuellement, ton rôle à l’UDA a-t-il changé?
Il n’y a plus rien de pareil… Personne n’aurait pu imaginer que notre secteur serait complètement arrêté, que nous aurions besoin de la PCU, mais c’est là que nous en sommes. Nous devons tous nous ajuster. Ce que nous connaissions avant ne fonctionne plus. À travers tout cela, j’admire notre capacité d’adaptation.
Est-ce que ça donne encore plus de sens à ce que tu fais?
Oui, et j’admire encore plus mes pairs. Pour moi, monter au bureau de la ministre pour lui rappeler qu’il faut penser à eux, c’est facile à défendre. C’est beaucoup de travail, mais je considère que nos artistes méritent d’être bien défendus. C’est une épreuve pour la plupart d’entre nous. Tout s’est arrêté sur le plan des activités professionnelles, mais certaines choses demeurent, c’està-dire la famille, les obligations, les responsabilités.
Après un printemps particulièrement chargé, auras-tu l’occasion de décrocher durant l’été?
Je suis entre deux déménagements. J’ai vendu ma maison en mai et je vis actuellement dans un condo qui ne m’appartient pas. Notre prochaine demeure n’est pas encore terminée. D’ici là, nous sommes dans les travaux.
Qu’est-ce qui vous a motivés à déménager?
C’est une étape de vie que nous assumons pleinement, Charles et moi. C’est une décision réfléchie que nous avons prise au bon moment. Nous sommes très heureux de notre décision. C’est positif. Déménager en temps de covid n’est pas évident, et j’ignore dans quelles conditions se vivra le prochain déménagement, mais nous sommes très heureux et Mathis vit bien ce changement.
Un déménagement, n’est-ce pas en quelque sorte un nouveau départ?
Oui, mais ça, c’est le beau côté. On dit souvent que les trois événements qui sont source du plus grand stress dans la vie sont les «3 D»: deuil, divorce et déménagement. C’est une étape cool, mais pour l’être humain, c’est un peu traumatisant de se déraciner pour aller vivre ailleurs. Actuellement, nous vivons dans un condo qui n’est pas le nôtre, dans des meubles qui ne sont pas les nôtres, mais ce n’est pas grave. Je compte profiter de mon été quand même.
Déménager avec un enfant comme Mathis demande-t-il une préparation particulière?
Oui, bien sûr. Même si notre condo n’est pas terminé, nous expliquons à Mathis que c’est là que nous irons habiter, nous lui montrons l’emplacement de sa future chambre. Il se promène et il se crée déjà des habitudes. C’est un chantier de construction, mais il apprivoise l’endroit et c’est très bien ainsi. Ça se passe bien pour lui. Mathis réagit bien, il est heureux avec nous et nous sommes heureux d’être là avec lui. Il a besoin de temps, mais il y arrive. Nous allons être bien, dans ce nouveau lieu de vie.
Mathis se prononce-t-il sur sa future chambre?
Non, c’est moi qui l’aménagerai, comme une bonne maman. Et ça va être beau! J’y mets du temps. Mathis a 18 ans: il n’aura pas une chambre d’enfant. C’est une autre étape. Ça faisait longtemps que j’en parlais avec Charles: je trouvais qu’il était trop grand pour avoir encore une collection de papillons sur son mur. Nous allons lui aménager une chambre d’adulte. Il a hérité des meubles de jeunesse de son grand-père paternel. Ce sont évidemment des meubles vintage, alors le thème de sa chambre sera vintage.
Comment parle-t-on de distanciation sociale avec Mathis?
Nous n’en parlons pas vraiment… Nous avons essayé de lui mettre un masque, mais nous avons vite renoncé. Ce n’est pas clair pour lui. Nous devons faire attention. Nous ne l’emmenons pas n’importe où, car nous savons qu’il ne respectera pas la distanciation sociale. Il sort, mais il ne vient pas partout avec nous. C’est facile avec Mathis: il est docile. Lorsque je lui rappelle qu’il est trop près de quelqu’un, il ne se rebute pas.
«Pour moi, monter au bureau de la ministre pour lui rappeler qu’il faut penser à eux, c’est facile à défendre. C’est beaucoup de travail, mais je considère que nos artistes méritent d’être bien défendus.»
«J’ai souffert de ne pas voir les membres de ma famille, de ne pas pouvoir les serrer dans mes bras. Ça me manque encore et je trouve ça difficile.»
Ça se passe relativement bien.
En tant que femme, quelles leçons as-tu tirées de cette période que nous venons de traverser?
Je dirais que je suis encore dedans… Je crois que c’est avec un peu de recul que je tirerai des leçons. Je me rends compte que nous sommes des êtres profondément sociaux et que nous avons besoin des autres. Nous avons beau dire que nous sommes indépendants, lorsque nous ne voyons plus personne et que nous sommes isolés, nous réalisons notre besoin de l’autre. Personnellement, j’ai souffert de cela. J’ai souffert de ne pas voir les membres de ma famille, de ne pas pouvoir les serrer dans mes bras. Ça me manque encore et je trouve ça difficile.
As-tu vu ton père, depuis?
Oui, mais tout récemment. Mon père a 76 ans. Il ne sortait pas et j’étais bien d’accord avec sa décision. J’ai un frère qui vit à Toronto et qui est isolé. Nous vieillissons tous, les gens autour de nous aussi. Nous les sentons plus fragiles. C’est tout cela que ça mettait en lumière: notre fragilité et le fait que nous soyons éphémères. Nous ne sommes que de passage…
Avec deux carrières que tu mènes de front, une vie de couple et des responsabilités familiales, comment prends-tu soin de toi?
Honnêtement, je ne prends pas beaucoup soin de moi. Ce serait mentir que de dire que je prends du temps pour moi, surtout dans le contexte actuel! J’aimerais bien pouvoir prendre une semaine avec mon chum en septembre. Si la vie reprend son cours, ça me plairait… J’ai mon travail à l’UDA, mon travail de mère, mon travail d’actrice. Je n’arrive pas à prendre du temps pour moi.
Beaucoup de femmes se reconnaîtront dans tes propos…
La vérité, c’est que je ne vais même pas chez le coiffeur, que je ne me fais pas faire les ongles. Je ne magasine pas non plus. La seule possibilité qu’il me reste, c’est de boire un verre de vin… (rires)
Puisque Charles a ralenti le rythme compte tenu des circonstances, êtes-vous plus souvent ensemble?
Je pars tous les matins travailler à l’UDA et Charles reste à la maison. Avant, il rentrait toujours plus tard que moi, mais nous avons inversé les rôles: c’est maintenant moi qui arrive plus tard que lui. Charles travaille de la maison. Lorsque je rentre chez nous le soir, mon souper est déjà prêt. Cette année, ça fait 20 ans que nous sommes ensemble, Charles et moi, et c’est la première fois que nous inversons les rôles.
L’Union des artistes a une fondation qui vient en aide aux artistes, la Fondation des artistes. On s’informe au fondationdesartistes.ca