7 Jours

«J’étais rendu là»

- IL LANCE SA BIOGRAPHIE, PAR PATRICK DELISLE-CREVIER

Au bout du fil, Patrick Norman entame notre conversati­on en me chantant une chanson de Chantal Pary. L’homme est visiblemen­t heureux, même s’il admet qu’il a trouvé le confinemen­t difficile. À 75 ans, l’artiste, qui célèbre ses 50 ans de carrière, a cédé à la tentation et a écrit ses mémoires avec sa complice d’écriture, Carmel Dumas. Il nous explique pourquoi cet exercice a parfois été émotif.

Patrick, qu’est-ce qui vous a convaincu d’écrire enfin vos mémoires?

C’est avant tout pour souligner mes 50 ans de carrière; je pense que j’étais rendu là. Il y avait longtemps que les gens, tant mes amis artistes que le public, me disaient que je devrais écrire un livre sur ma vie. L’idée a fait son bout de chemin, même si je me suis longtemps demandé si j’avais vécu une vie assez intéressan­te pour en faire un livre. Finalement, j’ai réalisé que je devais le faire.

Comment avez-vous trouvé l’expérience de revisiter votre vie?

Certaines périodes ont été difficiles et pénibles à revivre, simplement parce qu’elles racontent des moments passés avec des gens qui ne sont plus là aujourd’hui. Ç’a été un exercice très émotif. D’autant plus qu’avec le confinemen­t, je suis particuliè­rement émotif; je pleure souvent. Ça affecte beaucoup ma corde émotive. Certaines choses que je regrette sont aussi remontées à la surface, et j’ai trouvé ça un peu pénible. Mais l’exercice a aussi été bénéfique pour moi, car ça m’a permis de me rendre compte de certaines choses. J’ai réalisé qu’Yvon (son vrai nom est Yvon Éthier) vivait

la vie de quelqu’un d’autre, celle de Patrick Norman, depuis plusieurs décennies. Depuis 1969, Patrick Norman a pris presque toute la place. Yvon Éthier remontait de temps en temps pour sortir les vidanges, mais c’est à peu près tout. C’est mon défunt oncle qui m’a fait réaliser tout ça. J’ai enfilé l’habit du personnage et je ne l’ai pas souvent enlevé.

Et dans cette biographie, c’est Yvon ou Patrick qui se dévoile?

Je pense que ça alterne entre les deux. Yvon prend beaucoup plus sa place aujourd’hui, et dans le livre aussi. Yvon ne l’a pas eu facile: à l’école, il n’était pas accepté, il se faisait crier des noms et il se faisait traiter de «moumoune». Il faisait face à l’adversité. Je mangeais une volée quotidienn­ement à l’école. On m’intimidait aussi parce que j’avais les yeux croches. Tout ça part de là. Et plus tard, et ce, durant longtemps, ce furent les gens du métier qui ne voulaient pas de moi. Ça a fait en sorte que ça ne me tentait pas de me ramasser sous les feux de la rampe. Je voulais juste faire de la musique et m’amuser.

Quand et pourquoi est né Patrick Norman?

Je pense que c’est au moment où j’ai réalisé que je méritais ma place.

Mon entourage a aussi fait en sorte que je me suis mis à y croire. Un soir, Fernand Gignac est venu m’entendre chanter et il m’a encouragé à continuer. Peu à peu, j’ai vu qu’il y avait peut-être une place pour moi dans ce milieu.

Quelle période de votre vie a été la plus difficile à revivre?

Je dirais la fin des années 1960 et le début des années 1970, alors que je faisais des spectacles dans des petits bars et que j’avais encore ma job de jour. C’est aussi la période où, même si j’étais encore marié avec la mère de mes filles, dans ma tête, j’étais célibatair­e. C’est une période dont je ne suis pas très fier. Mais quand je relis ma biographie, je me dis que j’ai mené une belle vie. Elle contient environ 90 % de fun et 10 % de tourments.

Vous êtes-vous gardé un jardin secret en écrivant vos mémoires?

Oui, il y a des endroits où j’ai préféré ne pas aller. Tout simplement parce que ça ne me tentait pas d’y aller.

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