7 Jours

Luc De Larochelli­ère

Sauvez mon âme, le deuxième l’album de Luc De Larochelli­ère, célèbre son 30e anniversai­re. Pour l’occasion, une version numérique remastéris­ée de celui-ci est disponible. Entrevue un brin nostalgiqu­e avec Luc De Larochelli­ère.

- PAR PATRICK DELISLE-CREVIER

Luc, l’album Sauvez mon âme a 30 ans. Pourquoi était-ce important pour vous de le ressortir?

J’ai vécu ce genre de choc nostalgiqu­e une première fois il y a deux ans, avec l’album Amère America. Comme ils n’étaient plus disponible­s, je tenais à donner une seconde vie à mes deux premiers albums, car ils sont un peu les fondations de ma carrière. C’est une grande partie de mes chansons que les gens connaissen­t le plus. Hélas, ils étaient introuvabl­es depuis 15 ans. Il y a un tirage en vinyle pour chacun des deux disques, et j’en suis bien content.

Que représente cet album pour vous?

C’est un disque important, qui est issu du même élan créatif que celui de mon premier album, qui ne comportait que neuf chansons. Avec le premier disque, j’étais parti rapidement en tournée et, comme je n’avais pas un grand répertoire, j’avais créé de nouvelles chansons qui sont d’abord nées sur scène. C’est un album aux chansons plus rythmées et plus joyeuses, parce que c’est ce dont j’avais besoin pour équilibrer mon spectacle. Elles ont été écrites au cours de la tournée et, peu à peu, il y a en eu assez pour faire un deuxième album.

Avec le recul, quel regard portez-vous sur le succès de celui-ci?

À l’époque, je ne savais pas à quel point c’était phénoménal, puisque c’étaient les deux premiers albums que je sortais dans ma vie. Mais j’étais conscient du

fait que je suscitais une très grande réaction et que ça n’arrivait pas à tout le monde. Quand Sauvez mon âme est sorti, Amère America allait devenir disque d’or. Mais Sauvez mon âme s’est vendu trois fois plus: plus de 150 000 exemplaire­s en deux ans! C’est seulement par la suite, quand tout s’est calmé, que j’ai compris que tout ça était exceptionn­el. Je n’ai jamais réussi à égaler un tel succès dans ma carrière. C’était un feu roulant pour moi à cette époque-là. Ensuite, il y a eu la France, et tout allait vite sur les deux continents en même temps. Ç’a été une période extrêmemen­t dense et épuisante. Tout ça a pleinement marqué ma jeunesse.

Qu’est-ce que le Luc d’aujourd’hui, qui a maintenant 54 ans, dirait à celui de l’époque?

Je pourrais lui dire bien des choses, mais je ne suis pas certain qu’il écouterait. Je pense qu’il faut passer tant à travers le positif que le négatif de l’affaire, donc je le laisserais faire, sinon il ne serait pas l’homme qu’il est aujourd’hui. Je lui dirais d’être conscient de la beauté de ce qu’il vit et je le rassurerai­s en lui disant qu’il pratiquera­it encore ce métier dans 30 ans.

Quelle est votre chanson favorite de l’album et pourquoi?

Si fragile est ma chanson favorite; c’est celle-ci qui est le plus entrée dans la vie des gens. Cette chanson fait du bien. Et j’ai eu l’impression de me sentir utile en l’écrivant. On m’en parle tellement souvent encore aujourd’hui.

Qu’est-ce qui avait inspiré les paroles de cette pièce?

J’étais au début de la vingtaine, je vivais une grande remise en question et je ressentais beaucoup d’insécurité. Quelqu’un dans mon entourage avait attenté à sa propre vie. L’équation de tout ça a donné naissance à cette chanson. C’est sorti tout naturellem­ent; j’ai composé la musique et écrit les paroles en moins d’une heure.

En faisant l’exercice de réécouter vos deux premiers albums, est-ce qu’il y a des chansons que vous auriez aimé changer?

C’est certain que si je récrivais certaines chansons aujourd’hui, certaines images ou tournures de phrase seraient différente­s. Mais j’étais un jeune auteur autodidact­e à l’époque et je suis assez fier d’avoir sorti de bonnes affaires qui tiennent encore la route aujourd’hui. Mais c’est aussi important pour moi d’assumer mes mauvais coups.

Il arrive qu’un chanteur se tanne de chanter une de ses chansons. Est-ce que ç’a été le cas pour vous?

Oui, c’est certain qu’il y a des chansons que je n’avais plus envie de faire en spectacle. Je me souviens d’avoir été tanné de Sauvez mon âme.

Après vos deux premiers albums, ceux qui ont suivi ont été moins populaires. Est-ce que ç’a été difficile pour vous de vendre moins d’exemplaire­s?

Oui. J’ai vécu une déception avec mon disque Los Angeles, qui ne s’est vendu qu’à 40 000 exemplaire­s. Ceci dit, ç’aurait été un bon succès aujourd’hui. Mais à l’époque, ç’a été un dur coup pour moi, puisque j’avais déjà connu des ventes phénoménal­es. Je me souviens avoir vécu ça comme un échec. J’ai dû remettre les choses en perspectiv­e parce que, à un moment donné, je me mesurais à moi-même, en comparant le nombre d’exemplaire­s que je vendais et le nombre de Félix que je récoltais. C’était une grave erreur de me mesurer au succès de mes débuts.

Êtes-vous nostalgiqu­e de cette époque où les disques se vendaient?

Oui, c’est certain, simplement parce que les ventes de disques n’ont été remplacées par rien. Aujourd’hui, notre musique est diffusée et écoutée, mais sans que nous puissions gagner notre vie avec ça, et c’est infernal. Tout ça est de plus en plus abstrait. Je regrette aussi qu’en dématérial­isant la musique on enlève de la valeur au travail de l’artiste. De nos jours, le moyen de gagner sa vie avec la musique, c’est de faire des spectacles.

Parlez-moi de votre chanson Un dessert en enfer, qui se retrouve sur la version 2020 de l’album.

C’est une chanson sur la guerre du Golfe; elle est comme tombée entre deux chaises à l’époque, et nous étions presque rendus ailleurs quand est venu le temps de la mettre sur un disque. Le sujet était derrière nous, alors elle est tombée dans l’oubli. Mais elle faisait partie de l’aventure Sauvez mon âme sur scène.

Quelle chanson êtes-vous le plus fier d’avoir écrite?

Il y en a plusieurs. Bien sûr, Si fragile en fait partie, mais sinon, toutes les chansons de mon album Un toi dans ma tête, paru en 2009. Je suis tellement fier de ce disque: c’est mon préféré et mon plus abouti.

Y a-t-il une chanson que vous aimeriez ne pas avoir écrite?

La machine est mon amie n’est pas une de mes préférées. Même que je ne l’ai pas chantée souvent sur scène.

Peut-on s’attendre à entendre Sauvez mon âme sur scène dans son intégralit­é dans le cadre d’un spectacle, comme vous l’aviez fait avec Amère America?

Oui, je touche du bois pour le présenter cet automne. Il était question du 14 novembre, dans le cadre des Coups de coeur francophon­e, mais ça a été reporté. Je comptais faire un spectacle en deux parties: la première consacrée à Amère America, et la deuxième, à Sauvez mon âme pour jouer les deux albums dans leur intégralit­é.

La version numérique de Sauvez mon âme est déjà disponible sur les plateforme­s musicales. La version vinyle sera offerte en magasin en édition limitée dès le 11 décembre.

Pour suivre les activités de l’artiste: lucdelaroc­helliere.com

«Je regrette qu’en dématérial­isant la musique on enlève de la valeur au travail de l’artiste.»

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