7 Jours

Joël Legendre

«Je suis heureux d’avoir investi dans la thérapie»

- PHOTOS: JULIEN FAUGÈRE • MAQUILLAGE-COIFFURE: STÉPHANIE POULIOT

Authentici­té et humour sont les deux mots qui me viennent en tête pour décrire Joël Legendre. À 54 ans, l’homme aux multiples talents — animateur, imitateur, acteur, chanteur et metteur en scène — apprend chaque jour à s’aimer plus et savoure chaque instant dans son rôle de papa. Après une année d’introspect­ion en mode famille, il peut maintenant ajouter G.O. (gentil organisate­ur) à son long CV!

«Ma carrière ne me définit plus. Je suis un humain que j’apprends à aimer et je réalise que j’ai du bon sens comme personne.»

Notre discussion commence en mode bilan, après une année marquée par la covid ou, comme le dit si bien sa maman, une année de contenteme­nt. «Hier, je jasais avec ma mère, et elle me disait: “2020, c’est une année de contenteme­nt.” Je trouve ça beau et philosophi­que, car oui, on aurait aimé avoir un réveillon, mais on va se contenter de ne pas avoir eu la covid, d’être en santé, de pouvoir être ensemble virtuellem­ent. L’année 2020 restera celle où on a dû se contenter, et à voir le début de 2021… Mais en même temps, il y a du beau dans tout ça. Je n’ai jamais passé autant de temps avec mes enfants, et ça, c’est fabuleux! J’ai “entertainé” mes filles de six ans tout l’été. Grâce au Web, j’ai découvert plein d’activités pour les amuser. Je suis devenu un vrai G.O.! (Il éclate de rire.) De son côté, mon grand Lambert, qui a eu 18 ans, entrait au cégep. J’ai pu être très présent dans ce moment important pour toute la famille.»

ÉQUILIBRE ET IMPLICATIO­N

Joël me parle de Lambert avec grande fierté. L’étudiant est au cégep en profil psychologi­e et individu, et il est aussi l’idole de ses deux petites soeurs, Anaïs et Marion. «Il a un talent inné avec ses soeurs: c’est le seul qui règle les conflits en deux minutes. Il a cette force incroyable de régler les choses. Étudier en psychologi­e est un choix parfait pour lui. Je suis très fier de l’homme qu’il devient.» Il s’arrête et poursuit en me confiant que l’arrivée des jumelles a été difficile pour son fils, alors âgé de 12 ans. «Au début, il ignorait complèteme­nt ses soeurs. Comme il perdait sa place, ç’a été sa façon de se protéger. Je n’ai jamais raconté ça avant, mais avec mon chum, Junior, Lambert et les filles, on est allés rencontrer une pédopsychi­atre pour comprendre ce qui se passait et pourquoi il les ignorait. Je m’en souviendra­i toujours. On est dans le bureau, je tiens une des filles dans mes bras et Junior tient l’autre. D’emblée, la psychologu­e nous dit: “Je comprends tout à fait ce qu’il vit, car depuis que vous êtes

ici, vous ne faites que vous occuper des deux filles. Vous n’êtes même pas ici avec moi, vous êtes avec elles. C’est normal, car ce sont des enfants naissants, mais comment pensez-vous qu’il se sent alors que du jour au lendemain 100 % de votre attention est dirigée vers les filles?” À partir de ce moment-là, nous avons commencé à le faire participer aux tâches quotidienn­es avec nous, à l’impliquer. Avant, nous ne le faisions pas, car nous ne voulions pas l’embêter avec ça. Nous trouvions qu’il en avait déjà beaucoup sur les bras, mais au contraire, il le fallait. Nous le mettions de côté sans le vouloir, mais dans le fond, nous voulions le protéger. Nous avons réajusté notre façon de faire et maintenant, Lambert est l’idole des filles! C’est un super grand frère!»

DÉFI ET ÉQUITÉ

Il me confie aussi à quel point être papa de jumelles est un grand défi psychologi­que. «Je t’explique: la notion de justice et d’équité est importante jusqu’au jour où elle ne l’est plus du tout. Quand elles sont petites, si tu donnes un biberon à l’une, tu dois en donner un à l’autre. Même chose avec les cadeaux. Il ne faut jamais que tu oublies à qui tu as donné quoi pour que tout soit toujours juste. Et puis, vers cinq ou six ans, elles ont besoin de se démarquer et surtout, elles veulent connaître la vérité. Elles font chacune un dessin et te demandent lequel est le plus beau. Elles ne veulent pas que tu leur dises que les deux sont beaux: tu dois choisir! Si c’est le dessin d’Anaïs qui est le plus beau, la prochaine fois, ça doit être celui de Marion. Je comprends tout à fait leur quête de vouloir être unique. Je trouve que c’est un drôle de karma d’être jumeaux ou jumelles. On encense beaucoup ça, mais ils ont un immense travail de partage à faire à tous les niveaux, à commencer par les parents. Je trouve que ces enfants vivent un enjeu quotidien. Elles ont commencé le primaire cette année. Au début, on faisait les devoirs avec les deux en même temps, mais finalement, ce n’est pas possible. Elles sont différente­s, elles n’ont pas les mêmes forces ni les mêmes lacunes. Élever des jumelles est pour moi plus difficile que d’avoir élevé mon fils.»

RESPECT ET POSITION

Les deux filles, des jumelles non identiques, ont des caractères très différents et une très forte personnali­té. Celui qui a souffert plus jeune de ne pas être capable de se défendre ou de prendre sa place est très heureux qu’elles ne se laissent pas marcher sur les pieds. «Mon père était un homme très doux, trop même, qui s’est parfois fait manger la laine sur le dos, et moi, j’ai hérité de ça. Mais je ne voulais pas que mes enfants soient comme ça. Je les mets donc au défi, je les questionne, je les provoque même pour qu’elles soient capables de me challenger. Parfois, c’est aussi simple que d’interdire quelque chose pour qu’elles puissent se défendre et argumenter pour faire valoir leur point de vue. Je veux qu’elles apprennent à se positionne­r, à se faire respecter et à dire non.» Apprendre à dire non est un grand cheminemen­t pour Joël qui, un peu par insécurité et par peur de déplaire, aurait toujours envie de dire oui. Mais avec les années, il a appris à se donner du temps avant de répondre. «Maintenant, je dis toujours: “Je vais y penser et je te reviens.” Car si je m’écoutais, je dirais encore toujours oui. Donc, quand on me propose quelque chose, je laisse passer une journée pour y réfléchir, et ensuite je me sens moins mal de dire non. À bientôt 55 ans, je travaille encore là-dessus! Mais quand on y pense, dire non, c’est aussi se respecter soi-même.»

GUÉRISON ET COMPRÉHENS­ION

Celui qui a été élevé à la campagne a toujours été habité par une grande sensibilit­é artistique, qui n’a heureuseme­nt pas été brimée dans son noyau familial. Mais en dehors de la maison, c’était plus difficile. «À la maison, je pouvais être qui je suis. Je jouais à la poupée avec ma soeur, et elle jouait aux camions. Je réalise que, pour cette époque, nous n’étions pas très genrés à la maison. J’étais chanceux. Mais à l’extérieur de la maison, c’était autre chose. J’ai vécu du rejet, et ça, ça marque longtemps.» Afin de guérir ses blessures et de retrouver le

«Mon père était un homme très doux, trop même, qui s’est parfois fait manger la laine sur le dos, et moi, j’ai hérité de ça. Mais je ne voulais pas que mes enfants soient comme ça. Je veux qu’ils apprennent à se positionne­r, à se faire respecter et à dire non.»

petit Joël, il est suivi en hypnothéra­pie et en psychothér­apie. «Je suis très heureux d’avoir choisi d’investir dans la thérapie, ça me sert beaucoup, et encore plus avec ce qu’on vit présenteme­nt. Je pense que c’est le but de la vie d’arriver à être une meilleure personne. J’ai ce profond désir de guérir mes blessures et de revenir au petit enfant que j’étais. Je veux retrouver le petit Joël pour mieux comprendre et accompagne­r mes propres enfants. Plus on se connaît, plus on travaille sur nous, plus je pense qu’on est de meilleurs parents, de meilleures personnes. À bientôt 55 ans, je veux rester jeune pour voir grandir mes enfants. La santé, tant physique que psychologi­que, a toujours été importante pour moi, mais là, encore plus que jamais.»

PERFORMANC­E ET VULNÉRABIL­ITÉ

J’ai toujours perçu Joël comme un éternel positif. Quand j’en parle avec lui, il est d’accord, mais me parle aussi d’une certaine mélancolie. «C’est Clémence DesRochers qui disait qu’elle avait une mélancolie artistique, et je suis comme ça. Une mélancolie qui est toujours présente, mais qui me permet de faire rire le monde et de rassembler. Je m’en sers dans ma vie personnell­e, mais aussi dans mon travail de metteur en scène. Je me souviendra­i toujours du moment où Denise Filiatraul­t m’a donné mon premier contrat comme metteur en scène pour Revu et corrigé au Théâtre du Rideau Vert. Elle était assise à côté de moi, on regardait la répétition et elle m’a dit: “Un jour, tu vas être content de pouvoir léguer ce que tu as appris aux autres. Moi, tu vois, c’est à toi que j’ai envie de léguer ça. Ce que j’ai appris, je te le lègue.” Pour vrai, c’est un travail d’une vie qu’elle m’a transmis! Je pense souvent à ça. Comme avec le Gala Célébratio­n que j’ai mis en scène pour une huitième année. J’essaie de mettre tout mon parcours de vie devant l’acteur ou le chanteur afin de transmettr­e tout ça, comme Denise l’a fait. Je veux donner ce qu’il y a de mieux, car être metteur en scène, c’est aussi être psychologu­e. On doit rassurer l’artiste, travailler avec ses insécurité­s, etc. Performer demande beaucoup: c’est se mettre à nu devant les autres.»

CARRIÈRE ET IDENTITÉ

En 2020, il a perdu beaucoup de contrats à cause de la covid. Celui qui se définissai­t auparavant par sa carrière se définit maintenant autrement. «Avant, le travail était ma première source d’identité personnell­e. Aujourd’hui, je ne suis plus mon travail. J’ai reconnu les blessures qui m’amenaient à mettre ma carrière au premier plan. Travailler comme un fou me rendait heureux en surface, mais j’étais valorisé par ce que je faisais et non par ce que j’étais. Je vais continuer, car j’adore mon métier et je ne sais rien faire d’autre, mais ma carrière ne me définit plus. Je suis un humain que j’apprends à aimer, à accepter au jour le jour et je réalise que j’ai du bon sens comme personne. Je suis aussi fier d’être un père présent comme l’était le mien et comme l’étaient les parents que j’ai eus. Finalement, le passé doit être inclus dans notre présent, car c’est ce passé qui fait la personne qu’on est aujourd’hui.» Merci, Joël… Que 2021 te soit douce! xxx

Il est un Fantastiqu­e à Véro et les Fantastiqu­es, présentée du lundi au jeudi à 15 h 30, à Rouge FM.

Il est ambassadeu­r pour l’institut de beauté et d’esthétique Espace Mawaii. Info: mawaii.com

Il fait la mise en scène de la tournée Les immortels dans laquelle Philippe Berghella, Julie Massicotte, Martin Giroux, David Thibault et Rita Tabbakh feront revivre sur scène cinq grands fleurons de la chanson française. Info: production­martinlecl­erc.com.

«Nous n’étions pas très genrés à la maison. J’étais chanceux, mais à l’extérieur de la maison, c’était autre chose. J’ai vécu du rejet, et ça, ça marque longtemps.»

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