7 Jours

Jean-Moïse Martin

- PAR PATRICK DELISLE-CREVIER • PHOTOS: BRUNO PETROZZA • MAQUILLAGE: VÉRONIQUE PRUD’HOMME

C’est grâce à son rôle de policier dans Lâcher prise que nous avons pu découvrir Jean-Moïse Martin. Récemment, il a débarqué avec intensité dans la série L’Échappée. Entrevue avec le comédien sur son métier, ses insécurité­s et son besoin d’indépendan­ce, même en amour.

«C’est certain que l’envie, dans notre métier, n’est jamais bien loin. Mais je tente de ne pas me laisser porter par ça.»

Jean-Moïse, te voilà avec un rôle dans la série L’Échappée. Que peut-on dire de ce personnage?

C’est un très beau personnage, il y a une belle intrigue autour de lui. Il se prénomme Dominique St-Pierre, c’est le beaupère de l’un des jeunes qui passe par L’Échappée. Il est en instance de divorce avec sa femme et il se fait sauvagemen­t agresser par son beaufils à coups de batte de baseball. Il se retrouve à l’hôpital et il est très mal en point, alors il tente de comprendre ce qui s’est passé. Il n’est pas en très bons termes avec son ex, qui est la mère de son agresseur. Je suis très heureux de jouer dans une telle série. C’est un personnage qui va passer, le temps d’une intrigue.

On a pu te découvrir dans ton rôle de Simon Phaneuf, le policier dans Lâcher prise. Que retiens-tu de cette expérience?

Ç’a été une magnifique expérience qui a duré quatre ans, et je suis heureux d’avoir fait partie de ce projet. J’ai appris le métier d’acteur en télévision sur ce plateau et ce fut une école fantastiqu­e. Avoir la chance de jouer dans une série qui est bonne et bien écrite, ça ne passe pas si souvent. J’avais un beau rôle, dans un contexte favorable, et j’ai travaillé avec des gens vraiment extraordin­aires, autant devant que derrière la caméra.

Tu es sorti de l’école en 2006. Ç’a été long avant que tu puisses te faire connaître du public?

Oui, effectivem­ent, ç’a été très long. Je travaillai­s comme serveur afin de gagner ma vie. J’ai aussi été traiteur et ça m’aidait, parce que si j’avais une audition ou une journée de tournage, je pouvais m’arranger en me faisant remplacer. Mais ç’a été difficile et j’ai été sur le bord d’abandonner le métier d’acteur et de faire autre chose.

Qu’est-ce qui est venu changer les choses pour toi?

Un appel de Serge Denoncourt. Il m’a proposé de jouer dans une pièce chez Duceppe. En fait, Éric Bruneau, qui est mon grand ami dans la vie, m’a recommandé à Serge, qui m’a offert un petit

«Avant Catherine, ça faisait 10 ans que j’étais seul et j’avais un côté vieux garçon. J’étais habitué à être seul.»

rôle dans la pièce. À partir de là, c’était parti. Je dois beaucoup à Éric et à Serge, qui m’ont fait une super belle passe sur la palette.

As-tu senti le poids de la télévision avec Lâcher prise, qui te révélait au grand public?

Oui, les gens me reconnaiss­aient, et c’était la première fois que ça arrivait. J’ai alors réalisé à quel point la popularité est reliée à la télévision. Mais je ne tiens pas tant à être très populaire, car je ne sauve pas des vies; je fais simplement un métier que j’aime. Donc, je relativise beaucoup.

Qu’est-ce qui t’a amené à vouloir faire ce métier-là?

Un été, comme je ne faisais rien, ma mère m’a inscrit à un cours de théâtre sans me le demander, et ç’a été une révélation. Ensuite, ça m’a pris trois ans à me décider de passer mes auditions pour les écoles de théâtre. Maintenant que je suis acteur, je pense que je ne pourrais pas faire autre chose.

Tu as eu ton premier véritable rôle à la télévision à 38 ans. Est-ce que cela t’a rendu inquiet face à ton métier?

Oui, je vis beaucoup d’insécurité, surtout sur le plan financier. Mon premier amour est le théâtre et j’aime être sur scène, je m’y sens à ma place. Mais on ne peut pas vivre du théâtre au Québec. Souvent, on se questionne à savoir si on veut faire des choses qui nous intéressen­t moins, comme des publicités par exemple. Certaines peuvent être intéressan­tes et ont une matière à jouer, mais toutes ne sont pas comme ça. Parfois, c’est complexe de faire des choses qu’on n’a pas nécessaire­ment envie de faire pour gagner notre vie.

Tu as les deux pieds dans la quarantain­e; comment vis-tu ça?

Je le vis très bien, car je trouve que la quarantain­e est un bel âge. C’est là que les choses se passent et on ne s’en fait pas trop encore. J’ai 42 ans, j’ai vécu le début de ma quarantain­e en confinemen­t. Je ne fais donc pas autant de choses que je le voudrais. J’en profite pour faire du sport, jouer de la musique. J’ai parfois des envies de spectacles musicaux ou de comédies musicales. Ce n’est pas encore concret dans ma tête, mais ça permet à mon énergie créatrice, qui est un peu en cage en ce moment, d’exulter. La période actuelle me permet aussi de constater que j’accorde beaucoup d’importance à mon métier, au point où, quand je travaille, je suis bien, et quand je ne travaille pas, je suis un peu perdu. Je dois changer mon rapport à cela.

Tu es en couple avec Catherine ProulxLema­y. Comment ça se passe quand deux comédiens sont inquiets pour leur métier et qu’ils ne travaillen­t pas en même temps?

C’est certain que c’est difficile, mais Catherine négocie de façon différente avec cette insécurité-là. Cela dit, quand tu décroches une série de 25 jours de tournage alors que ta blonde n’a rien ou vice-versa, ça devient embêtant. Des fois, tu te sors d’une déprime de ne pas travailler et c’est ta blonde qui vit ça à son tour, alors c’est dur sur le plan émotif. J’encourage donc les gens à ne pas se mettre en couple avec des comédiens. (rires) L’idéal serait de trouver un équilibre dans tout ça, mais ce n’est pas facile à atteindre.

Est-ce dur pour l’ego d’être avec une comédienne reconnue qui décroche des rôles facilement? Même chose quand ton meilleur ami est Éric Bruneau et qu’il travaille presque toujours?

C’est une bonne question, mais je pense que je suis plutôt fier de ma blonde.

Quand je suis sorti de l’école, beaucoup de gens de ma cohorte ont réussi à se tailler rapidement une place dans le métier, ce qui n’a pas été mon cas. Je suis donc un peu habitué et je suis content pour les gens. C’est certain que l’envie, dans notre métier, n’est jamais bien loin. Mais je tente de ne pas me laisser porter par ça et de ne pas me comparer. Je suis surtout fier de la réussite de ceux qui m’entourent. Je me dis qu’à un moment donné, ça va être mon tour. Et on s’entraide beaucoup. J’aide ma blonde avec ses textes, même chose avec Éric Bruneau. Et en ce moment, j’aide un jeune comédien à se préparer pour les écoles de théâtre.

Catherine et toi avez fait le choix de ne pas habiter ensemble. Pourquoi?

Nous ne vivons pas ensemble, mais nous sommes à une minute de marche l’un de l’autre. C’est parfait, parce que chacun peut avoir son espace. Avant Catherine, ça faisait 10 ans que j’étais seul et j’avais un côté vieux garçon. Ç’a donc été déstabilis­ant pour moi d’arriver avec une fille qui a des enfants et une vie de famille alors que, moi, j’étais habitué à être seul. C’était comme deux mondes différents qui se retrouvaie­nt. Pour l’instant, ne pas habiter ensemble est un bon compromis et on verra pour plus tard. Mais une chose est certaine, on est bien ensemble.

Qu’est-ce qui t’occupe ces jours-ci?

J’ai beaucoup de projets qui s’en viennent. On va me voir prochainem­ent dans une série à Radio-Canada, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant. J’en suis à l’étape d’apprendre mes textes et, si tout va bien, nous allons tourner en mars.

As-tu délaissé certaines choses pour ton métier?

J’en ai délaissé certaines, parce que je travaille beaucoup depuis 2014 et que, avant ça, j’ai vécu des années de vache maigre. J’aime faire ce métier, encore plus que je le pensais, mais dernièreme­nt, j’ai réalisé que je devais apprendre à exister autrement qu’à travers lui. J’aimerais peut-être fonder une famille, mais je ne vivrai pas un grand deuil si ça n’arrive pas.

L’Échappée, lundi 20 h, à TVA.

«Mon premier amour est le théâtre, mais on ne peut pas en vivre, au Québec.»

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IL INCARNE L’UN DES NOUVEAUX PERSONNAGE­S DE L’ÉCHAPPÉE
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Dans L’Échappée, son personnage n’entend pas à rire...

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