7 Jours

ENTREVUE BIEN-ÊTRE

Lory Zephyr

- PAR SAMUEL PRADIER • PHOTOS: BRUNO PETROZZA MAQUILLAGE-COIFFURE: SYLVIE CHARLAND

Avant même de devenir mère — elle a quatre enfants entre un an et demi et six ans —, Lory Zephyr s’intéressai­t déjà à la psychologi­e périnatale. Dans les derniers mois, elle a soutenu sa thèse de doctorat et écrit Ça va, maman?, forme de guide pour aider les femmes à surmonter l’angoisse et la culpabilit­é maternelle­s.

Lory, comment est née l’envie d’écrire cet ouvrage de thérapie maternelle en 90 jours?

L’idée était présente avant même la pandémie. Sur les réseaux sociaux, je vois à quel point il y a énormément d’informatio­ns, mais aussi beaucoup de confusion. Quand je lis les commentair­es, j’entends souvent des mamans angoissées ou en panique. Je voulais leur offrir un ouvrage pour qu’elles puissent comprendre et gérer au fur et à mesure ce qui se passe en elles. Comme je sais qu’elles n’ont pas beaucoup de temps pour lire un livre au complet, j’ai écrit des petites fiches qui peuvent se lire rapidement, qu’elles peuvent facilement intégrer dans leur vie. Il faut ensuite laisser le processus évoluer avec elles. Il faut voir sur le long terme: des choses vont changer au fil du temps, d’autres vont s’approfondi­r.

Est-ce que l’idée d’une thérapie en trois mois correspond à ce qu’on appelle désormais «le quatrième trimestre» de grossesse?

De façon clinique, le quatrième trimestre existe déjà, ce sont les trois premiers mois après l’accoucheme­nt. Mon livre serait même un cinquième trimestre, qui arrive on ne sait pas trop quand. Mais il y a un moment où la femme a besoin de retourner à elle-même. Elle a besoin de se reconnecte­r à ce qu’elle vit, à ce qu’elle a vécu et à ses objectifs personnels. J’ai trop souvent rencontré des femmes plus âgées qui étaient restées marquées par la maternité, et pour qui le retour à soi-même, la place faite à ses besoins et l’écoute de ses limites ne sont jamais venus.

Mon livre est un tremplin pour guider les femmes dans le travail qu’elles ont besoin de faire pour se retrouver après avoir donné la vie, pour redécouvri­r qui elles sont vraiment.

Il y a plusieurs thématique­s intéressan­tes dans votre livre. Mais, en premier lieu, qu’est-ce qui pousse les mamans à l’autoflagel­lation permanente?

Les médias sociaux ont beaucoup contribué à ça dans les dernières années. L’image de la mère qui fait de bons repas biologique­s à la maison est très tenace dans la société. On avait une image de la mère au foyer dans les années 1960, elle était critiquabl­e, mais elle n’était pas si pire. Aujourd’hui, on est dans une société de performanc­e et la parentalit­é se résume à savoir si ton enfant porte des couches lavables, si tu as allaité et si tu as fait du «cododo»… On est rendus dans les microdétai­ls. Si les mères et les parents en général s’abreuvent à ces images-là, ils vont avoir l’impression que c’est ça, être parents. Ils vont toujours avoir un sentiment d’échec, parce que ce n’est pas la réalité. On ne peut pas maintenir ce rythme-là longtemps. Au lieu de regarder les images qui défilent sur les réseaux sociaux, il vaut mieux regarder sa propre réalité, ce qui se passe à l’intérieur de nous-mêmes et dans la relation avec notre enfant.

Est-ce que «lâchez prise» est le meilleur conseil à donner aux mamans?

Je ne sais pas. Le lâcher-prise peut aussi avoir un sens d’abandon. Je crois plutôt qu’il faut revenir à l’essentiel. Le plus important, c’est la relation: est-ce que je suis le plus sensible possible aux besoins de mon enfant? Si la réponse est oui, je suis une bonne maman. Le reste, c’est comme de la belle décoration sur un gâteau. On a parfois l’impression qu’il faut que le gâteau soit à trois étages, avec du crémage de toutes les couleurs. Mais si le gâteau est bon au départ, c’est parfait.

Vous dites qu’une mère ne sera pas la même maman pour chacun de ses enfants. Comment l’expliquez-vous?

Le contexte change, la maman change au fil du temps. La force de l’humain est l’adaptation à la vie. Au premier enfant, on est deux adultes pour un enfant, on peut répondre à tous ses besoins. Quand arrive un deuxième, on manque déjà de sommeil, nos emplois ont éventuelle­ment changé, la situation géographiq­ue ou financière n’est peut-être plus la même. Il faut s’ajuster à la relation avec son enfant dans la perspectiv­e familiale. L’objectif n’est pas de se concentrer sur un seul des enfants, mais de voir ce qui se passe dans la dynamique familiale, de quoi tout le monde a besoin et comment on peut trouver un équilibre.

Le papa n’est pas très souvent évoqué dans votre livre. Pourquoi?

Je me suis spécialisé­e en santé mentale maternelle et j’ai déjà l’impression que je pourrais en apprendre encore plus. Autant il y a des connexions et des choses similaires avec la santé mentale paternelle, autant il y a des particular­ités intéressan­tes que je connais moins. La pression induite par les réseaux sociaux, par exemple, est beaucoup plus grande et plus lourde pour les mamans que pour les papas.

Quel est le message principal que vous voudriez adresser à une nouvelle maman?

J’aurais envie de lui dire de prendre le temps de s’aimer, de se regarder et de s’accepter en faisant confiance à ce qu’elle est, qui est suffisamme­nt bon pour accompagne­r son enfant dans sa vie. Certaines mamans se mettent beaucoup de pression pour être quelqu’un qu’elles ne sont pas... Or elles se sentiraien­t tellement mieux si elles faisaient l’inverse!

Une des idées-clés de votre livre est aussi d’arrêter de se comparer…

On est dans une société de performanc­e et la parentalit­é n’y a pas échappé. Une maman qui vit une journée un peu plus difficile, même à l’intérieur de son foyer, ne peut pas échapper à la comparaiso­n à cause des réseaux sociaux. Avant, les mères se comparaien­t en allant au parc ou à l’église. Quand elles n’avaient pas le goût de se comparer, elles restaient chez elles. Elles avaient une intimité, une bulle. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Mais on peut se désabonner de certains comptes qu’on suit sur Instagram. On a le contrôle sur ce qui nous nourrit ou pas.

Comment avez-vous fait pour rédiger une thèse de doctorat et un livre avec quatre enfants en bas âge?

Comme je l’explique dans le livre, c’est la force de l’entourage. Comme humain, pas juste comme maman, plus on apprend à utiliser les gens qui sont autour de nous, plus on apprend à se connecter, plus on apprend aussi à se dévoiler. Des mamans vont parfois avoir peur de demander de l’aide à une belle-mère ou à une tante par souci de ce qu’elles vont penser. Moi, je suis capable de demander de l’aide. J’ai été extrêmemen­t choyée et je suis très reconnaiss­ante d’avoir été si bien soutenue. Ma thèse est arrivée en même temps que la remise de mon livre. Si je n’avais pas eu d’aide, je n’y serais certaineme­nt pas arrivée.

Ça va, maman? Minithérap­ie pour surmonter l’angoisse et la culpabilit­é maternelle, de Lory Zephyr, publié aux Éditions de l’Homme, actuelleme­nt en librairie.

«On est dans une société de performanc­e, et la parentalit­é n’y a pas échappé.»

 ??  ?? Docteure en et psychologi­e auteure, Lory Zephyr intervient régulièrem­ent les médias. dans
Docteure en et psychologi­e auteure, Lory Zephyr intervient régulièrem­ent les médias. dans
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada