7 Jours

Gregory Charles

- PAR Patrick Delisle-Crevier

À 53 ans, Gregory Charles ne s’en cache pas: il ne compte pas ralentir. Mais l’année de pandémie lui a tout de même permis de voir la vie de façon différente. Celui qui est un professeur passionné de Star Académie a pris le temps de se confier sur sa carrière, sur son rôle de père, sur le deuil de ses parents, sur son amour inconditio­nnel pour sa belle Nicole et sur un nouveau venu dans la famille, Samba, le chien dont il rêvait lui-même enfant et qu’il a eu envie de s’offrir, pour son propre plaisir et celui de sa fille, Julia.

Gregory, que vois-tu à mi-chemin du parcours des candidats à Star Académie? Je suis très content, ils se sont tous améliorés, il y a une belle évolution. Ils apprennent plus rapidement et mieux. Ils sont plus dégagés et plus à l’aise. Ils brillent tous à leur façon.

De ton côté, comment vas-tu?

Je vais très bien, mais j’hésite à dire ça, parce que je sais à quel point certains de mes camarades du milieu de la musique et du spectacle ont vécu une année extrêmemen­t difficile. Moi, cette année, plein de choses que j’ai installées dans les dernières années m’ont servi. L’Académie Gregory, que j’ai créée il y a quelques années, va très bien, car il y a des milliers de personnes qui se sont branchées. Je fais aussi des spectacles virtuels, tout ça en étant bien conscient que je suis chanceux de travailler. J’ai d’ailleurs essayé de faire travailler le plus possible mes camarades musiciens et musicienne­s, chanteurs et chanteuses à mes projets. Mais je m’ennuie de faire de la scène.

La pandémie est-elle venue changer des choses sur le plan personnel?

Oui. Ma femme, Nicole, qui est habituelle­ment partie deux semaines sur trois, n’est pas partie depuis le mois de mars de l’année dernière. Ma fille, Julia, est elle aussi demeurée plusieurs mois à la maison. Je suis donc devenu son professeur à la maison, tout comme ma mère l’a été, à une certaine époque. La pandémie a fait en sorte que nous avons pu prendre le temps d’être ensemble, en famille, une chose que nous ne faisions pas si souvent alors que Nicole et moi étions très occupés. On est même rendus avec un chien. Pour Nicole et moi, ce fut aussi l’occasion idéale de célébrer nos 10 ans de mariage, et de confirmer qu’on s’aimait toujours. Ça nous a permis de confirmer que tout va bien, même quand on se voit 24 h sur 24, 7 jours sur 7. (rires) L’été dernier, on a pris le VR pour traverser le Canada et aller voir la belle-famille. C’était le premier été en 17 ans où je ne travaillai­s pas comme un fou. Après la pandémie, ça va peut-être moins nous tenter de retourner à une espèce de rythme effréné.

Peut-on croire que la pandémie va t’assagir?

Non, mais je vais certaineme­nt voir les choses de façon différente. La pandémie a permis de trouver d’autres façons de faire et ça va peut-être me servir, par exemple, avec les spectacles virtuels. C’est une nouvelle façon d’atteindre

le public. Par exemple, plusieurs de mes élèves de l’Académie Gregory m’envoient des vidéos d’eux en train de jouer du piano, et il y a des mains de tous les âges. Ça me rend fier de voir que, pendant la pandémie, plusieurs personnes ont pu apprendre à jouer de cet instrument.

Tu es professeur à Star Académie. Pourquoi avoir dit oui à une telle offre?

Ce n’est pas un gros effort pour moi de faire ça, parce que ma vie a toujours été constituée à 50 % d’enseigneme­nt et que j’adore faire ça. Il y a 30 ans, j’animais un talk-show de fin de soirée et avant ce talk-show, je passais une heure et demie à préparer des spectacles avec une chorale, à Laval. Ça fait partie de qui je suis, et de le faire dans un environnem­ent fantastiqu­e comme Star Académie, c’est un énorme privilège. Je l’ai vécu en 2012 et je le vis de façon différente en 2021.

En quoi es-tu un professeur différent de celui que tu étais en 2012?

Je suis encore le professeur qui a de l’énergie, et probableme­nt celui qui est le plus exigeant. Je suis un professeur qui est très candide et je n’hésite pas à leur dire ce que je pense, et ce, à n’importe quel moment. Je mets des heures et des heures de mon temps pour m’assurer que les candidats vont briller le plus possible. J’ai aussi beaucoup appris au cours des neuf dernières années, parce que j’ai une élève à temps plein à la maison en la personne de ma fille, Julia, à qui j’enseigne le piano, le violon et le violoncell­e. Je sais désormais qu’il y a des journées où ça ne marche pas et qu’il faut laisser aller. J’ai compris ça aujourd’hui. Avant, j’étais plus sévère et exigeant avec ce genre de moment. Cette année, nous avons des candidats très près de leurs émotions, et chaque lundi, quand l’un d’entre eux vient de partir, l’atmosphère est très émotive. Aujourd’hui, j’apprends à dealer avec cette situation, alors qu’en 2012, je balayais ça du revers

«La pandémie a fait en sorte que nous avons pu prendre le temps d’être ensemble, en famille. Chose que nous ne faisions pas si souvent...»

de la main en leur disant que ça faisait partie du jeu. Je suis plus sage dans ma façon de livrer ma pensée. En même temps, s’il y a une chose que les candidats méritent, c’est la vérité.

Aurais-tu fait Star Académie il y a 30 ans?

Oui, et j’aurais adoré ça. À l’Académie, j’aurais sûrement été le dernier couché, parce que j’aurais pratiqué le plus possible sur un instrument de musique. Comme candidat, j’aurais été le match parfait avec Mélissa Bédard, qui était perpétuell­ement en train d’apprendre des chansons. Est-ce que j’aurais gagné un concours de chanteur? J’en doute, mais j’aurais assurément laissé ma marque comme étant le plus amoureux de la musique dans l’équipe. Je trouve les Académicie­ns chanceux de pouvoir vivre ça. Ç’aurait été un rêve pour moi.

Quel souvenir gardes-tu de tes 18 ans?

J’étudiais en droit. Quand est venu le temps de faire des choix pour mes études, j’ai opté pour le droit, parce que je pensais que mes parents allaient trouver ça cool. Puis, à un moment donné, je me suis rendu compte que je ne voulais pas d’un emploi dans un cabinet d’avocats. Et quand je l’ai dit à mes parents, ma mère m’a répondu: «Bon, enfin, tu as vu la lumière!» Pour eux, c’était évident que j’allais revenir vers la musique. Je n’avais pas de plan, et je n’en ai jamais eu, mais je suis toujours en train de penser au prochain défi.

Julia a neuf ans. Était-ce important pour toi de lui enseigner la musique tout comme tes parents l’ont fait avec toi?

Oui, et ce, même si c’est venu de façon naturelle pour elle. Elle aime apprendre, elle aime la musique et elle a plein de beaux traits de caractère, qui proviennen­t autant de sa mère que de moi. Ma fille est aussi paresseuse que moi je l’étais. Enfant, j’étais extrêmemen­t paresseux, et ma mère a dépensé une énorme quantité d’énergie pour que je passe un jour d’archi paresseux à archi rigoureux. Mais ma fille est plus préoccupée par ce que vont penser les gens que je l’étais à son âge. Moi, je m’en foutais. Elle a aussi été choyée dans la distributi­on des talents. Elle joue et chante bien.

Est-ce que tu es le genre de père que tu pensais être?

J’aime cette question... Mon père a été un homme fantastiqu­e, entre autres pour avoir su dealer avec ma mère, qui était une femme d’une intensité remarquabl­e. Ma mère était une mère au foyer impliquée dans tout. Je me suis dit que j’allais devenir un parent un peu comme elle, parce que c’est le parent qui était toujours avec moi, que j’allais être opiniâtre, décidé et très généreux. En fin de compte, je réalise que j’ai emprunté un peu des deux, autant dans ma vie de père que dans ma vie de conjoint. Ma mère n’était pas une femme tendre même si elle avait beaucoup d’amour. Je ne suis pas comme ça avec ma fille. Je suis un papa tendre et délicat. En tant que conjoint, je n’ai pas l’impatience de ma mère; je suis patient en couple. Mais chaque jour, dans mes réponses et mes réactions, je vois un peu de ma mère et de mon père, le tout utilisé aux bons endroits.

Est-ce que la vie sans tes parents est plus difficile que tu le pensais?

Ma mère, ça faisait tellement longtemps qu’elle était malade qu’on dirait que je m’étais mentalemen­t préparé à la voir partir. Mais mon père, j’y repense tous les jours. Quand j’étais petit, ma mère avait perdu ses deux parents dans la même année. Un jour, je lui avais demandé pourquoi elle ne pleurait pas. Elle m’avait répondu: «Je n’ai pas le temps d’être triste, parce que j’ai un autre projet.» Et son autre projet, c’était moi. Je me sens un peu comme ça avec Julia. C’est certain qu’en perdant mes deux parents, j’ai comme perdu mon armure, mais je me concentre le plus possible sur mon projet, qui est ma fille et ma femme.

Pourquoi as-tu décidé d’adopter un chien dernièreme­nt?

C’est drôle, mais c’est encore une fois relié à mes parents. Mon père a toujours voulu un chien, et ma mère a toujours refusé. Ma fille voulait avoir un chien, ma blonde n’en voulait pas, et je me suis revu, petit, à supplier ma mère pour avoir un chien que je n’ai jamais eu. J’ai eu envie de faire les choses différemme­nt et j’ai négocié avec ma femme. Nous voilà donc avec un adorable chien. C’est un chien d’eau portugais mélangé avec un caniche royal. Il se prénomme Samba. Il y a 10 ans, j’aurais dit non, mais il faut se faire plaisir.

Nicole et toi êtes ensemble depuis 11 ans et vous êtes mariés depuis 10 ans. Est-ce qu’on parle d’un coup de foudre?

Ce qu’il y a de drôle dans cette histoire, c’est que j’ai rencontré Nicole lors d’un de mes spectacles, à Paris. Mes parents étaient dans la salle et ma mère était déjà atteinte de la maladie d’Alzheimer. Je me souviens qu’à la fin du spectacle, ma mère m’a pointé Nicole du doigt en me disant que cette femme-là allait devenir mon épouse. Plus tard ce soir-là, on s’est retrouvés dans le même resto avec des amis. J’ai beaucoup jasé avec elle et je lui ai dit que si on se revoyait, ce serait ça, nous deux, et qu’on se marierait. J’ai tout de suite senti que Nicole était la bonne. J’ai été chanceux, mon épouse est une femme entière, exceptionn­elle, loyale. C’est aussi une maman dévouée. Dans nos 10 ans de mariage, il y a eu des moments plus difficiles, dont le deuil de

«Ma vie a toujours été constituée à 50 % d’enseigneme­nt. Ça fait partie de qui je suis, et de le faire dans un environnem­ent fantastiqu­e comme Star Académie, c’est un énorme privilège.»

mes deux parents. Mais elle a toujours été là, et ma belle-famille m’a tout de suite adopté.

Tu as eu un seul enfant. Pourquoi?

Avec Nicole, on n’a rien planifié, et c’est juste arrivé comme ça. J’aurais peut-être aimé avoir un ou deux enfants de plus, mais la vie en a décidé autrement. Même que, avant Nicole, je n’avais jamais pensé à avoir un enfant. Avec elle, ç’a été un automatism­e.

Ça fait presque 35 ans que tu fais ce métier... As-tu la carrière que tu souhaitais au départ?

Je n’ai jamais eu de plan de carrière, mais c’est certain qu’il y a des choses que je ne ferais pas de la même façon, autant en tant qu’artiste qu’en tant qu’entreprene­ur. Mes regrets sont plus en tant qu’entreprene­ur.

Quel regard portes-tu sur certains échecs, comme ton aventure new-yorkaise ou encore tes deux théâtres mobiles Qube?

Lors de ces périodes, j’ai pris des décisions d’entreprene­ur, alors que mon but était d’être un artiste. À différents moments, je cherchais des producteur­s pour faire ces projets, et ça ne marchait pas. Ils avaient tous de bonnes raisons pour ne pas les faire. Mais je ne regrette pas de les avoir faits. Par exemple, l’idée d’un théâtre Qube, c’était bon; l’idée d’en faire deux, c’était un de trop. Pour ce qui est de New York, ça ne s’est pas passé comme prévu. Le dollar canadien a chuté, et ça a nui à mes ambitions. J’aurais dû le savoir et le prévoir. J’aurais aussi dû faire moins de spectacles ici pour me consacrer à tenter ma chance là-bas. Malgré tout, j’ai envie de retourner à New York. Je me suis mis dans la merde avec de mauvaises décisions, et ça m’a amené à créer de nouveaux projets pour m’en sortir, dont l’Académie Gregory. Donc, sans les échecs, ce succès n’aurait pas vu le jour. Certains entreprene­urs m’ont dit que je n’aurais jamais dû prendre de tels risques, que j’aurais dû m’asseoir sur ma gloire et prendre ma retraite. Mais c’est mal me connaître. Je n’ai aucun malaise à parler de mes affaires qui ne marchent pas, parce que ça me mène ensuite à des projets qui marchent. Et j’ai encore plein de projets en tête.

Star Académie: Le Variété, dimanche 19 h, à TVA.

Star Académie: La quotidienn­e, du lundi au jeudi, 19 h 30, à TVA.

Pour en savoir plus sur les cours de musique en ligne de l’Académie Gregory: academiegr­egory.com.

«Certains entreprene­urs m’ont dit que je n’aurais jamais dû prendre de tels risques, que j’aurais dû prendre ma retraite. Mais c’est mal me connaître.»

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PHOTOS: JULIEN FAUGÈRE
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Le nouveau membre de la famille, Samba.
Gregory entouré des personnes les plus précieuses dans sa vie, sa conjointe, Nicole, et leur fille, Julia. Le nouveau membre de la famille, Samba.
 ??  ?? Gregory Charles est très impliqué dans Star Académie. Il a même participé au Camp de sélection aux côtés de Jean-Philippe Dion, d’Ariane Moffatt et de Lara Fabian.
Gregory Charles est très impliqué dans Star Académie. Il a même participé au Camp de sélection aux côtés de Jean-Philippe Dion, d’Ariane Moffatt et de Lara Fabian.
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