7 Jours

Guy Jodoin

- PAR Francisco Randez PHOTOS: ERIC MYRE • MAQUILLAGE-COIFFURE: VALÉRIE QUEVILLON

«La routine, j’en suis incapable.»

Pour Guy Jodoin, la dernière année aura été une période de remises en question et de changement­s sur le plan personnel, mais il a également eu la confirmati­on qu’il est toujours aussi passionné par son métier d’animateur et d’acteur. Son amour pour le jeu est indéniable. Ce n’est pas pour rien qu’il s’est lancé à pieds joints cette année sur les plateaux d’Alertes et d’Escouade 99. Deux autres beaux défis l’attendent actuelleme­nt: le Gala ARTIS et un nouveau projet, La belle tournée, qui mettra en valeur son amour pour les voyages. Aujourd’hui, Guy Jodoin ne veut surtout pas rester dans ses pantoufles et accepte de ne plus avoir le contrôle sur sa vie en se laissant surprendre par celle-ci.

Guy, premièreme­nt, comment vas-tu? Je vais très bien. La crise sanitaire m’a permis, en quelque sorte, de remettre les pendules à l’heure. Ça m’a fait comprendre que, dans le fond, j’aime mon métier. Je n’ai pas pu pratiquer ce métier de mars à août, alors je me suis demandé: «Qu’est-ce que je vais faire?» J’avais toujours dit que si je ne faisais pas ce métier, je ne saurais pas ce que je ferais. Je n’ai pas beaucoup d’habiletés... Je ne suis pas bon avec mes mains. (rires) Je ne suis pas bon dans la constructi­on. Et je ne suis pas un bon cook comme l’est ma mère… Créer des personnage­s, rencontrer des gens, faire des voix, c’est ça que j’aime faire depuis que je suis tout petit! J’en ai profité pour lire et découvrir des auteurs. Je me suis aussi remis au jogging, que j’avais négligé à cause du travail. J’ai joggé 12 km, deux jours sur trois. J’ai décidé de remettre mon corps et mon cerveau en forme en me disant que si je réussissai­s ça, j’allais passer à travers. Je me suis aussi amusé en faisant des vidéos de façon bénévole pour divertir les gens; j’en ai fait pour des enseignant­es, des CHSLD, des jeunes. J’ai surtout réalisé que les liens humains sont plus importants que tout, que le matériel n’est pas si important et que j’aime beaucoup ma job au Tricheur!

Tu disais t’être questionné sur le métier que tu ferais si tu ne faisais pas le tien. As-tu trouvé des réponses?

Je serais peut-être professeur, mais je resterais dans le même métier. C’est Marcel Sabourin qui m’a fait réaliser ça. Je suis allé à sa rencontre après avoir gagné le prix de la LNI qui porte son nom, et il m’a confié que, quand il a été professeur, ç’a été une des plus belles choses qu’il a faites dans sa vie. Il m’a dit que son métier de professeur avait fait de lui une meilleure personne et même un meilleur acteur. J’aurais envie de redonner aux autres un bout de ce qui m’a fait grandir, qui est mon métier d’acteur.

J’aurais peut-être aussi envie d’enseigner à travers le monde!

Toi qui aimes voyager, est-ce que ça te manque?

Oui, mais laisse-moi te dire que j’ai profité des derniers mois pour voyager en auto au Canada! Je suis allé voir la Gaspésie et j’ai visité l’Ontario. Je suis même parti seul dans le temps de Noël pour aller cogner à la porte de l’île de Vancouver et je suis revenu. J’ai fait ça en deux semaines. Je me rends compte que j’ai besoin de bouger, de voir des choses, d’aller rencontrer des gens et de découvrir des peuples! J’en parlais dernièreme­nt avec mes parents, Léopold et Julienne, et on se disait: on devrait naître, faire le tour du monde, et ensuite commencer à vivre dans notre patelin. On serait beaucoup plus à l’écoute des autres personnes sur la planète, parce qu’on serait plus touchés après avoir connu ces différents peuples.

On a toujours senti chez toi un mélange intéressan­t de qualités: tu es humble et tu n’as jamais la prétention d’être arrivé. Mais en même temps, tu es très audacieux et tu prends beaucoup de risques. Comment expliques-tu cet équilibre?

Ça revient à la routine... j’en suis incapable! J’ai tout le temps aimé les choses qui sortaient de l’ordinaire. Et je veux absorber tout ce qui est autour de moi. Dans mon métier, oui, j’aime le risque, j’aime jouer! Je crois que c’est un métier où il faut risquer et dans lequel il ne faut pas se croire; le jour où tu finis par croire que t’es bon et que t’es beau, t’es mort! Ironiqueme­nt, je suis quelqu’un qui est foncièreme­nt gêné, ce qui fait que je n’ai jamais voulu avoir de projecteur­s sur moi, mais j’ai voulu créer et inventer des personnage­s. Ça ne se fait pas seul; je considère que dans ce métier, sans les équipes avec lesquelles je travaille, je ne suis rien. Je suis conscient de tous les gens qui sont autour de moi et qui me font briller: les personnes qui m’habillent, qui me coiffent, les réalisateu­rs, les auteurs. C’est un travail de gang.

Je perçois une grande sensibilit­é chez toi, voire une hypersensi­bilité... Est-ce que ç’a parfois été un obstacle à ton bien-être?

Tout petit, quand l’attention était sur moi, j’étais mal! Alors je faisais une blague pour faire rire tout le monde et détourner l’attention, et là, j’étais bien. Depuis que je suis petit, je suis hypersensi­ble aux énergies des gens; on dirait que je capte tout. Ça fait quelques années que j’ai fait la paix avec ça et, étonnammen­t, c’est une rencontre dans le métro il y a cinq ans qui m’a permis de mettre des mots làdessus. Une dame s’est approchée de moi et m’a dit: «Ça fait un bout que je te regarde aller et c’est clair que tu es un hypersensi­ble, que tu perçois tout ce que les gens sentent autour de toi. Moi, ça m’a beaucoup nui jusqu’à ce que je l’accepte; et j’en ai fait quelque chose de positif.» C’est un moment qui m’a permis d’ouvrir la porte à tout un univers!

Quand as-tu su que tu étais sur ta voie?

J’avais environ six ans. J’allais à l’École Sacré-Coeur de Sherbrooke, une école où, en plus des matières de base, je faisais de la danse, du théâtre, et je jouais du piano et du violon. On y faisait une grande place à l’art et à la culture, et je pense que, si tout le monde passait par des écoles comme celle-là, tout le monde aimerait l’école! Mais le moment marquant

«J’avais toujours dit que si je ne faisais pas ce métier, je ne saurais pas ce que je ferais.»

dont je me souviens le plus clairement, c’est mon premier spectacle de fin d’année, à la salle MauriceO’Bready, devant des milliers de personnes. J’avais mes petits chaussons de ballet et je jouais un chasseur. Il faut savoir que mon père m’avait prêté de vrais accessoire­s de chasseur, dont une carabine 22 — pas une carabine en carton, une vraie! Dans mon numéro, je pointais les gens dans la salle avec ma carabine et je me souviens du rire collectif et des applaudiss­ements que ça a provoqués. Moi, j’étais gêné dans la vie, mais à ce moment-là, J’ÉTAIS un chasseur. Cette énergie m’a rempli de quelque chose d’indescript­ible: j’ai vraiment pogné de quoi! Ensuite, j’ai vu Gilles Latulippe à la télévision: j’admirais le plaisir qu’il avait à jouer, et c’est là que j’ai su que c’était ce métier que je voulais faire!

Tu parles beaucoup de prise de risque... C’est quoi, en fait, ce risque?

Pour moi, ça part de la création de quelque chose, une situation, un personnage que je n’ai jamais vu. Le risque, c’est d’être incompris dans cette création, de déstabilis­er le public, de l’emmener sur un terrain inconnu. Je dois me faire rire dans mon délire, il faut que j’aie du fun. Ta question me fait réaliser que ce n’est pas que je veuille prendre des risques... Quand je regarde ça avec du recul, je me rends compte que mes décisions artistique­s deviennent des risques. Il reste que ce qui me pousse, c’est avant tout le plaisir intense de créer quelque chose que je n’ai jamais vu.

Dans les derniers mois, tu as beaucoup parlé du fait que tu as graduellem­ent lâché prise sur le matériel et que tu as adopté un mode de vie plus minimalist­e. Est-ce que ton impression de ton processus de création qui fait juste commencer est en lien avec ce lâcher-prise?

Ça remonte à loin, ça! Dans l’enfance, je me suis mis à collection­ner toutes sortes d’affaires: des cartes de hockey, de baseball, des timbres, de la monnaie. Je collection­nais TOUT! Je

«J’ai tout le temps aimé les choses qui sortaient de l’ordinaire!»

croyais que j’allais devenir millionnai­re plus tard grâce à mes collection­s. J’ai fini par me retrouver avec une quantité extraordin­aire d’objets et j’ai eu envie d’épurer. Je me suis donc mis à donner mes objets à des gens que ça rendrait heureux. C’est ma copine, Edith, qui m’a aidé à élaguer; elle m’a enseigné à choisir chaque objet que je garde dans ma vie en fonction de la joie qu’il m’apporte. J’ai trouvé ça génial! Mais pour moi qui suis collection­neur à la base, ç’a été un grand défi de me défaire de tous ces objets. Ça a pris du temps, mais ça me rend heureux d’épurer et de donner.

Tu m’as confié avant l’entrevue qu’Edith et toi, vous étiez dans un flou amoureux. Pourtant, il semble qu’il y a beaucoup d’amour et d’harmonie entre vous deux...

Il semble qu’on ait de la difficulté à se comprendre en ce moment… Edith est devenue une très grande amie, mais on se demande si on est amoureux. Moi, je le suis, mais je sens qu’elle l’est peut-être moins… au fil du temps. On a développé une amitié hyper forte, et c’est important pour moi qu’elle puisse me dire comment elle se sent. Et je veux qu’on prenne le temps, doucement, de comprendre tout ça. Malgré ça, on vit beaucoup de bonheur et de joie ensemble!

Ce que je trouve très beau et touchant, c’est qu’il semble que, dans ce processus d’élagage à travers lequel Edith t’a accompagné, tu te permettes de vivre au-delà des définition­s et tu es ouvert à vivre cette relation simplement pour ce qu’elle est…

Je ne peux pas définir dans quoi je suis, mais je suis bien. Et, surtout, j’accepte présenteme­nt ce que souvent j’ai voulu contrôler dans ma vie, pour me rassurer et pour me préserver. Oui, c’est insécurisa­nt; j’ai toujours été quelqu’un de très cartésien qui voulait que les choses soient claires, mais aujourd’hui je ne veux plus encabaner la vie et je ne veux pas forcer les choses. Cela dit, ce que je trouve difficile, par rapport aux médias et au public, c’est de l’expliquer…

Je trouve ça très beau et puissant. Je sais que c’est très intime, Guy, mais me permettrai­s-tu de partager ça avec nos lecteurs? Je suis convaincu que ça ferait du bien à plein de gens.

Je fais confiance à ta sensibilit­é, Francisco.

«Je considère que, dans ce métier, sans les équipes avec lesquelles je travaille, je ne suis rien.»

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