7 Jours

Les Cowboys Fringants

«On est choyés d’être encore là»

- PAR Patrick Delisle-Crevier

Le groupe, qui célèbre 25 ans de carrière, a décidé de profiter de ce temps de pandémie pour renverser la vapeur. Alors qu’il est impossible ou presque de présenter des spectacles, il a décidé de gâter le public avec un film, puis un nouveau disque. Entrevue avec Marie-Annick Lépine, Jérôme Dupras et Jean-François Pauzé, trois des quatre membres des Cowboys Fringants.

Alors, pandémie ou pas, il se passe de belles choses pour les Cowboys Fringants, puisque vous présentez un film et aussi un disque? MARIE-ANNICK: Oui, on est choyés et très contents. On a été couronnés lors des deux dernières soirées de l’ADISQ pour notre dernier album,

Les Antipodes, sorti en 2019. C’est certain qu’on aurait adoré pouvoir continuer de faire la tournée des spectacles, car la réponse était plus que positive quand on a commencé en novembre 2019. On a très hâte de remonter sur scène et de revoir notre public. Mais on a profité de ce temps d’annulation de tournée pour entreprend­re d’autres projets pour s’occuper. Nous voilà donc avec L’Amérique pleure, un film, et Les nuits de Repentigny, un nouveau disque. Comment est née cette envie de faire un film?

JÉRÔME: On a été pris de court par la pandémie et ça a mené à l’annulation de plusieurs dizaines de concerts. Alors on a réfléchi à ce qu’on pouvait faire comme projet. Notre gérant en avait quelques-uns dans les cartons depuis un bout, dont celui d’un film. On a voulu rendre hommage au Québec à travers nos chansons. On a un visuel qui illustre bien notre Québec dans toute sa beauté, mais aussi dans son côté plus difficile et plus fragile. En partant de cette idée, on a mobilisé une équipe autour du réalisateu­r Louis-Philippe Hénault et le tout s’est fait sur une période de trois mois. On est très fiers du résultat. Quand on fait un film comme celuici, comment choisir uniquement 16 chansons dans son répertoire? JEAN-FRANÇOIS: Au départ, nous

«Notre disque se veut rigolo et sans prétention. C’est ce dont on avait besoin pour passer à travers la grisaille de la pandémie, et on s’est dit que notre public aurait aussi envie d’entendre quelque chose de très léger.» — Jérôme

avons dressé une liste de chansons que nous aimions particuliè­rement pour un tel projet, mais certaines sont tombées simplement parce que ça n’était pas en lien avec les images des paysages que nous avions. De plus, le film allait dans une certaine mouvance avec le titre L’Amérique pleure, donc les chansons plus humoristiq­ues ont été évacuées afin de garder une certaine trame narrative. Ensuite, le réalisateu­r et les monteurs ont fabriqué une espèce de scénario à travers tout ça. Comment décririez-vous ce premier film des Cowboys Fringants? M.-A.: C’est un film complèteme­nt musical, on n’y retrouve pas d’extraits de vie de tournée ou d’arrière-scène. C’est vraiment Les Cowboys Fringants dans de beaux paysages, qui jouent leurs propres chansons. Ce qui est agréable avec ce projet, c’est que le son est magnifique et le décor est aussi grandiose et statique autour de nous. On dirait que les gens prennent plus le temps d’écouter les paroles et que

les décors viennent donner une autre dimension à nos chansons, ce qui rend le tout encore plus touchant. Vous présentez aussi un nouvel album, qui a pour titre Les nuits de Repentigny, à peine quelques mois après en avoir lancé un autre. Parlez-moi de ce projet.

M.-A.: Ça a commencé avec J.-F. qui, au début de la pandémie, a alimenté nos réseaux sociaux avec de petites capsules de chansons que nous appelons des retailles de disques. Dans le fond, ce sont des chansons qui n’ont pas fait l’album pour lequel elles avaient été écrites parce qu’elles ne cadraient tout simplement pas. Le public a trouvé l’exercice intéressan­t et on nous demandait pourquoi on n’enregistra­it pas ces chansons. Quand la pandémie s’est poursuivie, on s’est dit «pourquoi pas»? Alors on est allés en studio. Pourquoi le titre Les nuits de Repentigny et pourquoi quatre pochettes différente­s?

J.: Il y a d’abord une chanson qui s’appelle Les nuits de Repentigny et elle saisit bien l’ambiance de ce disque qui se veut rigolo, sans prétention et qui invite à s’amuser. C’est ce dont on avait besoin pour passer à travers la grisaille de la pandémie et on s’est dit que notre public aurait aussi envie d’entendre quelque chose de très léger. Pour les quatre pochettes de l’album, on s’est inspirés d’Elvis et de Viva Las Vegas. C’était un concept amusant et les photos étaient tellement bonnes que notre gérant a eu envie de faire une pochette pour chacun des membres du groupe. Comment avez-vous vécu cette année de pandémie?

J.-F.: Au départ, un peu comme tout le monde, on pensait que ça allait durer quelques semaines. Mais le report de spectacles est passé de quelques semaines à quelques mois. Quand on a vu que ça allait être beaucoup plus long, on a commencé à cogiter sur de nouveaux projets. On a voulu garder le nom des Cowboys Fringants vivant durant cette pandémie et on est passés par toute une gamme d’émotions.

On a fait quelques spectacles virtuels, mais on s’est vite lassés de ça et on a décidé d’y aller avec des projets un peu plus substantie­ls, comme un album et un film.

M.-A.: J’ai trouvé ça vraiment difficile, parce que j’aime voir du monde, on aime recevoir à souper. Les premiers mois, je me suis dit qu’on n’avait pas le choix, mais un an plus tard, mon chum et moi, on commence à trouver la situation vraiment difficile. Je trouve ça beaucoup plus difficile aujourd’hui qu’au début. Juste avant la pandémie, vous deviez aller en Europe le temps de quelques spectacles. Est-ce que vous avez des visions pour l’Europe? Aimeriez-vous vous implanter un peu plus là-bas? J.: Rendu où nous en sommes dans nos vies, nous concilions famille et vie de tournée, donc nous tentons de concentrer la présentati­on des spectacles de manière à ne pas nous éloigner de nos familles trop longtemps. Alors c’est certain que notre vision envers l’Europe est différente. Nous ferions peut-être une douzaine de dates en Suisse, en France et en Belgique, mais c’est certain que la vie de famille nous freine un peu. Malgré l’ouverture des salles, vous avez décidé de ne pas présenter de spectacle. Pourquoi?

M.-A.: On a décidé de ne pas faire de compromis. Un spectacle des Cowboys, c’est toujours un événement festif et on n’a pas envie de le faire dans une salle à moitié vide. On fera peut-être quelques spectacles dans des festivals cet été, si c’est possible. On va voir où nous mènent les mesures sanitaires. Mais idéalement, on a envie de retrouver une belle proximité avec notre public. On a envie que nos spectacles soient de vrais partys, comme nous le faisions avant. Vous êtes en nomination cette année aux Juno avec des noms tels que Shawn Mendez et Justin Bieber. Aimeriez-vous éventuelle­ment percer le marché anglophone? J.: À une autre époque, je pense qu’on aurait été beaucoup plus ouverts à embarquer dans une camionnett­e et à sillonner l’Amérique. Mais maintenant, avec nos situations familiales, on est un peu moins ouverts à ça. On ferait peut-être des spectacles événementi­els ici et là, mais sinon, ce n’est plus de notre âge. Nous n’avons aucun plan en ce sens. Mais c’est un bel honneur que les Juno reconnaiss­ent que nous faisons notre place dans le milieu de la musique au Québec. Être nommé comme Choix du public, c’est une belle reconnaiss­ance et c’est le fun de savoir que le monde est derrière nous.

Vous avez 25 ans de carrière. Êtes-vous surpris d’être encore là?

M.-A.: On est surpris et choyés d’être encore là. Le groupe s’est formé en 1995 et on a lancé notre première cassette en 1997. Oui, oui, une cassette! La difficulté dans un marché comme le Québec, c’est de perdurer dans le temps. On est heureux de voir que nous traversons les années et que nous sommes encore physiqueme­nt et profession­nellement très occupés et aimés par le public. Notre album Les Antipodes a reçu un accueil fantastiqu­e, autant de la part du public que par l’industrie et la critique. Un tel engouement fait du bien. Avec la chanson L’Amérique pleure, on a vraiment senti un grand amour du public et ça nous touche de voir que nous sommes profondéme­nt ancrés dans le milieu de la musique au Québec. Dites-moi donc comment sont nés Les Cowboys Fringants?

J.-F.: Carl, le chanteur et moi on était dans la même équipe de hockey

junior. Nous jouions pour les Jets de Repentigny en 1993 et, à travers les branches, Carl a entendu dire que je grattais un peu la guitare. On s’est liés d’amitié et, un soir, on s’est réunis et on a commencé à écrire des chansons, qui étaient très mauvaises parce qu’elles étaient sérieuses. On a alors décidé de faire des chansons parodiques western et country. De là est né le nom de Cowboys Fringants. Puis, Jérôme et Marie-Annick se sont joints à nous et on est devenus un peu plus sérieux. On a commencé à faire des chansons à caractère social et engagé. Êtes-vous surpris du succès des Cowboys Fringants?

J.: On sait que nous sommes privilégié­s. Nous sommes chanceux d’avoir le public derrière nous et d’avoir reçu cinq trophées au dernier gala de

l’ADISQ (Groupe de l’année, Chanson de l’année, Album rock, Meilleur vendeur et Vidéoclip de l’année). C’est un beau cadeau et on n’en revient pas encore. À chaque projet, c’est une remise en question pour nous, on se demande si les gens vont aimer ça, s’ils vont embarquer dans ce nouveau projet. Il y a des fois où c’est moins unanime et c’est correct. Par exemple, notre album Que du vent n’a pas connu un gros succès. Après six mois de tournée, nous ne faisions que deux chansons de cet album, parce qu’on s’est rendu compte que le public n’aimait pas tant les entendre en spectacle. On est assez sévères envers nous-mêmes et quand une chanson ne fait pas lever le public, on la tasse. Mais ce qui est bien, c’est que nous commençons à avoir du choix dans notre répertoire.

«On a décidé de ne pas faire de compromis. On veut que nos spectacles soient de vrais partys, comme avant.» — Marie-Annick

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«Avec L’Amérique pleure, les gens prennent plus le temps d’écouter les paroles, et les décors viennent donner une autre dimension à nos chansons», explique Marie-Annick.
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«Pour les quatre pochettes de l’album, on s’est inspirés d’Elvis et de Viva Las Vegas. C’était un concept amusant!» — Jérôme
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Le film L’Amérique pleure est offert dans plusieurs cinémas à travers le Québec. L’album Les nuits de Repentigny est disponible en ligne et en magasin. cowboysfri­ngants.com

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