7 Jours

ANDRÉ ROBITAILLE «J’AIME ME METTRE EN DANGER»

- PAR DANIEL DAIGNAULT • PHOTOS: JULIEN FAUGÈRE • MAQUILLAGE-COIFFURE: ANABELLE DESCHAMPS

André Robitaille est multitalen­tueux et, entre deux tournages des Enfants de la télé, voilà qu’il renoue avec le théâtre aux côtés de son grand ami Jean-Michel Anctil. C’était une belle occasion de rencontrer l’animateur et comédien dont la tête fourmille de projets!

André, comment es-tu tombé sur la pièce Des cailloux plein les poches?

C’est une pièce de théâtre britanniqu­e qui a remporté le prestigieu­x Laurence Olivier Award et que j’ai lue. Je voulais trouver quelque chose qu’on pourrait jouer ensemble, Jean-Michel et moi. Depuis que j’avais dirigé Les voisins, on avait comme un petit kick théâtre ensemble. Donc, c’était l’occasion de monter ça tous les deux, et Normand Chouinard a fait la mise en scène. On l’a montée munis d’un bâton de six pieds à tout instant pour vérifier nos distances; le spectacle est donc covid-proof. On va le jouer en juin, juillet et août, et après ça, on verra ce qui se passera avec la covid.

Vous avez du plaisir à jouer ce spectacle ensemble?

Oui, c’est assez solide comme trip. On est amis avant tout et on est très complices. On est aussi exigeants et on est deux belles petites têtes de cochons. On se challenge, et Normand Chouinard a été inspiré par le show. Il adorait le spectacle et il tripait sur nous deux, alors ça fait un trio très fort. Je pense qu’on va jouer longtemps, à moins que le public déteste ça, mais je ne pense pas.

Les gens réagissent-ils bien?

On a de grosses réactions. Il s’agit d’un succès mondial, une pièce qui est jouée partout dans le monde, particuliè­rement en anglais. Le public rit beaucoup et est aussi touché, et dans ce temps-là, la soirée est parfaite. La performanc­e des acteurs fait que les gens applaudiss­ent fort aussi. On joue 15 personnage­s à deux avec rien. On tourne notre casquette de bord et on change de personnage, c’est un peu une ambiance de LNI. C’est un bijou qu’on a l’opportunit­é de jouer ensemble, Jean-Michel et moi.

Ça faisait longtemps que tu n’avais pas joué sur scène?

La dernière fois, c’était en 2018, lorsque j’ai joué dans Les Fourberies de Scapin, au TNM puis en tournée.

Je l’ai beaucoup jouée, et Scapin, ça prend beaucoup d’énergie, ç’a été exigeant.

Depuis combien de temps animes-tu Les enfants de la télé?

Ça va faire 8 ans, et ça sera la 12e année de l’émission. L’auditoire a d’ailleurs explosé cette année. La covid nous a peut-être aidés...

Beaucoup de gens ont dit qu’ils aimaient mieux l’émission sans spectateur­s. Qu’en penses-tu?

J’aime ça sans public, moi aussi. Mais ça va être bon de l’entendre applaudir à nouveau; ça donne un autre show. Je ne sais pas si tu as vu récemment sur les réseaux sociaux un segment où Ricardo et moi on s’envoyait promener durant une pause publicitai­re. On faisait un show, on niaisait, et le public réagissait. Ça m’a justement rappelé à quel point la présence du public créait de l’ambiance.

Les gens aiment toujours quand ils ont le sentiment qu’il y a du dérapage, qu’il se produit quelque chose qui n’était pas prévu…

C’est ce que j’aime aussi. Quand j’étais à la radio et pendant 6 ans à Entrée principale — tous les jours en direct durant 90 minutes —, il est arrivé bien des choses à revirer, à ressortir et à sauver. Ça m’excite, j’aime me mettre en danger. Moi, je suis super préparé, mais je ne peux pas écrire les choses d’avance. Les gens m’ont dit, au sujet du segment avec Ricardo, que c’était bien écrit; mais non, c’était improvisé, comme une bonne impro à la LNI.

Dirais-tu que toutes ces années à animer Entrée principale et à aborder différents sujets ont fait de toi un meilleur animateur?

Oui, être en direct tous les jours, à gérer une entrevue sur le cancer et une chronique sur les bruits de pets dans le même 10 minutes, pour moi, ç’a été une aventure exceptionn­elle. Je me suis rendu compte durant toutes ces années que j’étais chanceux. Je le disais à l’équipe: «On en profite tous les jours, gang!» Et maintenant que je ne suis plus là, je le réalise encore plus. Tous les membres de la gang, on s’écrit encore, on s’entend bien et on ne lâche pas cette énergie-là.

On t’a aussi vu faire de grandes entrevues, avec Janine Sutto et, récemment, avec Dodo. C’est une autre belle aventure?

Oui, et avec Dodo, ç’a été extraordin­aire. Ça s’imposait pour Janine, elle me l’avait demandé, et Dodo, j’avais vraiment envie de faire une entrevue avec elle. C’était mon idée et je le lui ai demandé. Je le prends vraiment personnel, ce projet-là. J’aimerais bien en faire une série et je me demande qui je devrais interviewe­r la prochaine fois. Regarde Michel Louvain, par exemple, qui est parti trop tôt...

Tu devais d’ailleurs le rencontrer, non?

On devait tourner le 26 avril (Michel est décédé le 14 avril). On en parlait depuis longtemps, lui et moi. Sa dernière visite aux Enfants de la télé a confirmé notre envie de le faire ensemble, il y avait une certaine confiance qui existait entre nous. Il voulait parler à son public à travers ce rendez-vous-là, mais on a finalement été pris de court, c’est vraiment triste.

Tu animes, tu joues, tu produis des spectacles... Qu’est-ce qui t’allume le plus dans tout ça?

C’est une bonne question... Je ne le sais pas. Il y a des petites affaires qui s’ajoutent aussi. J’enseigne à l’École nationale de l’humour, et ça me fait vraiment triper. Il y a un autre truc aussi, une installati­on sur l’avenue du Musée pendant l’été (à côté du Musée des beaux-arts de Montréal). C’est moi qui vais la monter cette année, même si je ne pensais jamais diriger un tel projet dans une rue. Je travaille avec des chums avec qui je joue au hockey, des gars qui sont hot dans leurs carrières respective­s, que ce soit avec le Cirque du Soleil, Moment Factory ou encore Robert Lepage… On est une dizaine et on a monté un collectif qui s’appelle Incognito, dont je suis le directeur artistique.

C’est prévu pour quand?

On ouvre la rue dans quelques jours. Je travaille avec Joséphine Bacon, à partir de poésies qu’elle a écrites. Les gens vont pouvoir écouter Joséphine

«Quand je repense à toutes ces années de carrière, je suis fier de la diversité qui s’y trouve. J’ai touché à tout.»

et ses poèmes pendant qu’ils seront assis au coeur de cet événement-là. C’est relié à l’environnem­ent, qui est négligé par l’être humain, et aux Premières Nations, qu’on devrait écouter.

Crois-tu que cette expérience va t’ouvrir d’autres portes?

Je me suis souvent dit qu’un contrat en amenait un autre. J’imagine que c’est comme ça que j’ai traversé 30 ans de carrière.

Ça fait 30 ans cette année?

En réalité, ça fait 32 ans, puisque je suis sorti de l’École nationale de théâtre en 1989. Et avant ça, je faisais du théâtre dans le Bas-du-Fleuve. À six ans, j’en faisais déjà aussi! C’est plus anecdotiqu­e, mais il y a toujours eu ça.

Quand tu regardes ton parcours, y a-t-il des choses dont tu es particuliè­rement fier?

Ce que j’aime, quand je regarde le portrait, c’est la diversité. Il y a du niaisage, de l’humain, de l’interventi­on sociale, de l’intellectu­el... le portrait est sympathiqu­e. Il y a de l’acting, de l’animation et du concept, aussi. Ça me rend fier que la palette soit large.

Le gars flyé en toi, le comique, rêve-t-il de nouveaux projets?

Si tu me parles d’être acteur pour la caméra — parce que je suis déjà gâté sur scène —, je ferais bien des folies, oui. Le comique m’attire, mais je jouerais aussi du drame. Par exemple, j’aime beaucoup le parcours de Guy Jodoin. Lui et moi, on est très proches, on est amis et ça me flatte quand les gens me disent qu’on se ressemble. Il anime, il joue, j’aime beaucoup son énergie. Je ne suis pas ésotérique, mais on est un peu comme deux frères.

Parlons de tes enfants, ils vont bien?

Oui. Lili a 17 ans, elle va en avoir 18 en juin. Elle est spectacula­irement brillante, et je n’ai aucune objectivit­é! J’ai des enfants assez épanouis, magnifique­s et rayonnants. David est plus vieux, il a 26 ans. Ma fille a passé une année covid difficile, comme tous les jeunes de cinquième secondaire qui terminent leurs études et qui n’ont pas de bal, qui sont entrés au cégep et qui ont étudié en Zoom. Je trouve remarquabl­e le parcours qu’elle a fait, avec le moral et la motivation qui sont restés. On vit toujours ensemble, alors que David a son appartemen­t, mais on se parle trois fois par jour. On est vraiment très liés. Il a deux maisons de production, qui s’appellent Casadel films et Club Vidéo, et il fait ça avec son cousin Patrick. J’ai deux enfants très connectés, ils sont merveilleu­x, et ils se sont aussi adaptés à notre séparation, à Martine et moi. Ça s’est bien passé, dans le respect et l’ouverture, comme la fin d’un voyage.

C’était essentiel et avec Martine, on est encore en lien, on fait nos affaires, toujours dans le respect.

Ta fille compte-t-elle suivre tes traces?

Je pense qu’elle va suivre ses traces à elle. Je pense que c’est une actrice. Elle étudie à temps plein en lettres, arts et communicat­ion, elle est en train de prendre ce chemin-là. Elle est pognée avec un talent, et il va falloir qu’elle l’utilise. Elle est vraiment très bonne, très juste. À elle de le confirmer, mais je pense qu’elle s’en va vers ça. Mais elle te répondrait certaineme­nt que ce sont ses études avant tout; elle a cette droiture-là.

Recommence­s-tu les tournages des Enfants de la télé seulement cet été?

Non, on est déjà de retour en studio. On prend de l’avance et, sur papier, on a une très belle saison à venir.

Allez-vous nous offrir d’autres émissions hommage?

C’est inspirant et il y en aura d’autres, on a une liste. Et oui, c’est tripant. Ç’a été le fun avec Guy A. et avec René Simard, quand on l’a surpris avec Patrice L’Ecuyer. C’est de l’ouvrage pour l’équipe, mais c’est le fun à animer. J’avoue que j’aime beaucoup les émissions spéciales à thème, j’aime les têtes d’affiche, mais les trios réguliers, c’est aussi le fun quand ça lève. C’est vraiment un privilège d’être dans cette chaise-là, surtout là où je suis rendu, c’est parfait. Moi, je suis un maniaque de télé et mon lien avec la communauté artistique est aussi très large. D’un politicien à un humoriste débutant, on dirait que je les connais tous. Je suis à la bonne place pour animer cette émission-là.

«J’ai deux enfants très connectés, ils sont merveilleu­x, et ils se sont aussi adaptés à notre séparation, à Martine et moi.»

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