Lucas DiTecco
À neuf ans, Lucas DiTecco a reçu un diagnostic de leucémie. Grâce à une greffe de moelle osseuse, tous les espoirs étaient permis pour l’enfant qu’il était. Aujourd’hui guéri, l’acteur apprécie à chaque instant le privilège d’être en santé. Son passé singulier lui a aussi donné la sensibilité nécessaire pour incarner Antonio dans Chaos, une nouvelle série qui met en scène une tragédie qui aura des répercussions sur la vie de plusieurs personnages…
Lucas, question de mieux te connaître, parlenous de ton parcours professionnel.
Je suis acteur, performeur et je fais des voix. Je fais aussi de l’improvisation en musique. La musique est l’une de mes grandes passions. Je joue de l’harmonica. Je suis diplômé du programme de théâtre de Dawson depuis 2014 et je suis acteur professionnel depuis 2015. J’ai 27 ans. Comme je suis bilingue, je travaille dans les deux langues. Depuis deux ans, j’écris un scénario.
On te verra cet automne dans Chaos. Peux-tu nous parler de ton personnage?
La série s’articule autour du grand spectacle de fin de tournée d’une idole nommée INVO. Dix VIP sont invités à aller voir le show. Je suis l’un de ceux-là. Mon personnage s’appelle Antonio. Une tragédie surviendra durant ce dernier concert, et nous verrons l’après-tragédie. On suivra chaque personnage individuellement avant, pendant et après le concert. C’est rempli d’humanité, d’amour et ça démontre comment on peut grandir et évoluer après avoir traversé une tragédie. Dans ma vie personnelle, j’ai vécu des tragédies. Je sais qu’on peut en sortir plus fort.
À quoi fais-tu allusion quand tu évoques des tragédies?
À neuf ans, j’ai été atteint d’une leucémie. J’ai fait une rechute à l’automne 2004. J’ai passé Noël à l’hôpital, dans l’attente d’une greffe de moelle osseuse. Il y a maintenant 16 ans que je suis guéri. C’est vraiment extraordinaire! Le plus étrange, c’est qu’en apprenant que j’avais décroché le rôle, ma mère m’a expliqué que j’avais déjà rencontré Josélito (Michaud, coauteur de la série) à l’Hôpital Sainte-Justine lorsque j’étais enfant… Lui et moi avions eu l’occasion de discuter alors qu’il était venu me visiter.
Puisque tu as côtoyé la maladie si jeune, dirais-tu que le cancer a changé ta vie?
Effectivement. Le cancer fait en sorte qu’on n’est plus la même personne après. Avant le cancer, j’étais introverti, dans ma bulle, je me réfugiais dans mon monde imaginaire. Après le cancer, c’est comme si j’avais eu une nouvelle vie. Je
me considère comme tellement chanceux! À l’époque, on parlait de 25 % de chances de guérison; maintenant, c’est 83 %! Les progrès sont quand même importants. Le scénario que j’écris porte justement sur l’un de mes meilleurs amis, joueur de football, très aimé par les amis au secondaire et admiré par les filles. Moi, j’étais tout le contraire! À l’âge de 17 ans, je n’avais pas encore eu de blonde. Ma puberté avait été retardée à cause du cancer et j’étais encore en train de me développer. Même si nous étions très différents, nous sommes devenus de bons amis, lui et moi. Il a eu le cancer en 2015 et il a été moins chanceux que moi: son cancer est revenu. Il a été en rémission pendant un an, puis le cancer s’est répandu et il est finalement décédé en février 2019.
C’est difficile, quand même…
Oui, et quand on perd l’un de ses meilleurs amis, on se sent perdu au début… Cet ami était comme mon frère. Malgré la peine et le sentiment de perte que j’ai éprouvés, c’était comme si je revivais le cancer, mais sans être malade. Je le voyais sans en être atteint. Je me trouve tellement chanceux! À 9 ou 10 ans, j’étais naïf, je prenais les choses une journée à la fois et je me disais que j’allais gagner contre mon cancer.
Quel sentiment de reconnaissance tu dois éprouver!
Oui, et ça m’a montré une autre facette du cancer. C’est ça qui m’a inspiré le scénario sur lequel je travaille. Ça parle d’amitié, d’intensité, de tragédies: comment on peut les surmonter, comment elles nous touchent et nous transforment. Ça parle d’amour, de sexualité, de substances, de rêves. J’aimerais que mon scénario devienne un long métrage. Après avoir combattu le cancer, j’ai terminé mon primaire et ç’a été un peu difficile. À cette période aussi, je me sentais déjà différent parce que tout le monde à l’école savait que j’avais eu le cancer. Au secondaire, ça s’est poursuivi et tout le monde se souvenait de moi parce qu’on m’avait fait parvenir des lettres et de beaux messages de guérison lorsque j’étais jeune. Durant mon secondaire, j’ai subi pas mal de taquineries…
À 27 ans, tu as un vécu incroyable, quand même!
C’est souvent ce que les gens me disent… (rires) Ma vie ne serait pas la même si je n’avais pas eu le cancer. Il y a eu des moments très difficiles. Je les ai gardés en mémoire: être à l’hôpital, prendre des médicaments, vivre des rechutes, perdre mes cheveux, vomir à cause de la chimiothérapie. Je crois que cela m’a rendu plus fort et plus mature. J’en ai vécu, des choses! J’en sais long sur les émotions! Mais ce qui me reste, c’est que nous sommes plus forts que nous le pensons. (sourire) Je tourne dans des publicités pour Héma-Québec, avec lequel je collabore depuis longtemps. J’ai souvent reçu des transfusions dans ma vie, alors je suis devenu porte-parole pour la cause.
Est-ce cet engagement qui t’a donné le goût du métier?
Non, car j’avais cinq ou six ans lorsque j’ai commencé à aimer me produire devant un public. Vers neuf ans, c’est-àdire six mois avant d’être diagnostiqué du cancer, j’ai découvert que je voulais être acteur. Le jeu, c’est le domaine dans lequel je me sentais le plus à l’aise. Lorsque je faisais des choses en étant moi-même, du sport par exemple, je ne me sentais vraiment pas bien dans ma peau… J’avais de la difficulté. Mais avec le jeu, c’était naturel.
La maladie a-t-elle servi à te motiver à faire ce que tu aimes et à vivre la vie à laquelle tu aspires?
Oui, tout à fait… (sourire)