7 Jours

La vie après la téléréalit­é

- PAR SAMUEL PRADIER • PHOTOS: PATRICK SÉGUIN MAQUILLAGE-COIFFURE: ANABELLE DESCHAMPS

Julie St-Pierre a fait ses premiers pas dans le milieu en participan­t à la première téléréalit­é à saveur musicale, Mixmania. Un véritable phénomène qui lui a permis de chanter quatre fois au Centre Bell, en plus de faire une énorme tournée à travers la province. Vingt ans plus tard, elle est encore très active dans le milieu, notamment en tant qu’animatrice au 107,3 Rouge FM. Elle a accepté de revenir sur son parcours après avoir vécu cette expérience extraordin­aire.

Julie, pourquoi as-tu voulu participer à Mixmania au départ? Mon rêve était de devenir chanteuse. Mixmania était un concept précurseur; il n’y avait pas d’émission de talents à ce moment-là au Québec. Il y avait eu Pignon sur rue quelques années auparavant, mais c’était autre chose. On était en août 2002, un an avant la première édition de Star Académie. Même la production ne savait pas ce que ça allait devenir. On a embarqué là-dedans bien naïvement, parce qu’on avait une passion commune pour la musique et la chanson. On voulait essayer quelque chose de nouveau avec l’ambition de peut-être faire ce métier. On avait certaines attentes et, en même temps, on en avait très peu.

Comment as-tu vécu cette expérience?

Très bien. Mixmania a duré environ un an et demi, mais ça a changé ma vie. Ç’a été le point de départ, le tremplin pour la suite, même si je ne suis pas chanteuse et que je n’ai pas lancé d’album. C’est majoritair­ement positif comme expérience. Mais j’ai réalisé, des années plus tard, que si on a sous-estimé l’impact de cette expérience dans notre vie, les gens n’ont pas réalisé non plus combien ça avait bouleversé nos vies.

De quelle manière, par exemple?

On pourrait en parler longtemps, mais je pense entre autres au syndrome de l’imposteur qui a duré un certain temps, à la confiance en soi… Au début, je suis arrivée avec tous mes rêves, mon petit bagage de vie et ma naïveté, mais on débarquait sur des plateaux profession­nels qui doivent être efficaces. On s’est fait détruire nos rêves rapidement, on a remis en question notre talent… C’est sain, mais on n’était juste pas préparés à ça. Ma réponse est complexe, parce qu’il y a différente­s couches

«Je suis arrivée dans Mixmania avec tous mes rêves, mon petit bagage de vie, ma naïveté.»

associées à cette question. En même temps, c’est le genre de réflexion qu’on ne peut faire qu’avec le recul.

As-tu eu l’impression que les caméras étaient intrusives durant le tournage?

Contrairem­ent à beaucoup d’autres téléréalit­és, il y avait toujours quelqu’un qui tenait la caméra. Dans le loft où on habitait, on était toujours au courant quand quelqu’un nous filmait, et ce n’était pas intrusif. On était aussi des mineurs, alors il y avait quelque chose de très sain là-dedans. Je me souviens même qu’à certains moments, on ne voulait pas être filmés pour une raison ou une autre, et tout le monde respectait ça. Et surtout, les réseaux sociaux n’existaient pas

à l’époque.

Mixmania a été un véritable phénomène. Comment as-tu vécu cette vie de star durant quelques mois?

Le tournage de l’émission a duré deux mois. On a ensuite fait un album et une tournée durant près d’un an et demi. Ça allait tellement vite que je n’en ai peut-être pas profité autant que j’aurais dû. C’est quelque chose qui arrive une seule fois dans la vie, et encore, pas pour tout le monde. On a vraiment été privilégié­s de vivre ça. Par contre, c’était assez prenant. J’avais 16 ans, je voulais juste être avec mes amis et mon amoureux, mais on avait des obligation­s. C’est tellement gros de vivre cette vie à cet âge-là. On faisait ce qu’on avait à faire sans trop réaliser, mais je pense que c’est aussi ce qui nous a permis de rester les deux pieds sur terre. Quand tu as eu la chance de vivre ça, tu cherches toujours un peu à le revivre.

Quand as-tu réalisé qu’il y avait un deuil à faire?

Mes affaires ont toujours bien roulé. J’ai toujours su saisir les opportunit­és, un peu par naïveté, en me disant que j’allais essayer des choses différente­s. J’avais beaucoup de champs d’intérêt. C’est d’ailleurs ce qui m’a amenée à la radio en 2004, après avoir coanimé Phénomia. J’ai quand même frappé un mur dans mon début de carrière à la radio. Je n’avais pas étudié dans ce domaine, je sortais d’une téléréalit­é, et ce n’était pas bien vu à l’époque d’engager des gens de téléréalit­é. Aujourd’hui, on est davantage habitués. J’ai finalement appris mon métier d’animatrice radio sur le tas, et je sais que ça a créé beaucoup d’envie chez les gens qui avaient étudié là-dedans ou qui faisaient leurs classes en région. Le syndrome de l’imposteur est arrivé à ce moment-là.

J’imagine que ce syndrome vient avec une grande remise en question, non?

Cinq ans après, on a fait une émission qui s’appelait Mixmania, le réveil. Je me souviens que j’étais alors dans une période de remise en question et de doutes. J’étais au début de la vingtaine, j’avais encore le désir de chanter et de prouver que j’avais ma place. C’était une période plus tumultueus­e.

As-tu fait une croix sur ta carrière de chanteuse?

À un moment donné, j’ai compris que je pouvais être plusieurs choses et que je pouvais aussi vivre mon amour de la musique de manière différente. Je me suis aperçue que mon désir n’était pas forcément de faire un album avec des chansons originales et d’aller les défendre sur scène. Je veux chanter et je peux le faire de plein de façons, que ce soit à travers des thèmes d’émission à la radio, en tant qu’invitée dans des émissions de variétés à la télé, en participan­t à des comédies musicales ou à des spectacles musicaux, etc. J’ai aussi eu une période où j’avais l’impression que je devais absolument me définir, être une

«J’ai trouvé dans la radio quelque chose qui me plaît, une stabilité et, en même temps, une autre manière de m’exprimer.»

chanteuse ou une animatrice. Aujourd’hui, je suis plus assumée, parce que je suis tout ça.

Quel serait ton conseil pour transforme­r la notoriété acquise grâce à une téléréalit­é en une carrière durable?

Saisir les opportunit­és est quelque chose qui m’a servie, alors il faut tout essayer. Mixmania nous a permis de voir qu’il y avait tout un tas de possibilit­és dans le domaine. On a touché un peu à tout, et j’ai trouvé dans la radio quelque chose qui me plaît, une stabilité et, en même temps, une connexion avec les auditeurs, une autre manière de m’exprimer.

Est-ce que ce passé de téléréalit­é a déjà été lourd à porter?

Mon expérience est positive. Si c’était à refaire, je le referais. Par contre, je voudrais le refaire en étant mieux outillée, en connaissan­t l’impact que ça aurait dans ma vie, en sachant comment faire après… Je me rends compte aussi que tous les chemins sont bons; il n’y en a pas un qui est meilleur qu’un autre. Je n’ai jamais eu honte d’avoir participé à Mixmania, mais il y a eu un moment, environ cinq ans après, où j’ai voulu me détacher de ça. Je voulais me définir autrement, je ne voulais pas être juste «Julie de Mixmania». Aujourd’hui, j’en suis très fière, parce que je comprends ce que le phénomène a représenté dans la vie de ceux qui ont aimé ça.

Tu as deux enfants, un garçon de sept ans et demi, et un bébé de 18 mois. Comment réagiras-tu s’ils veulent participer à ce genre d’émission plus tard?

Je ne pourrais pas empêcher mon enfant d’y participer, d’abord parce que je l’ai fait moimême. Si c’est son désir et qu’il veut le faire, je vais l’accompagne­r là-dedans. J’ai la chance d’être déjà dans le métier, et je pense que je serais la bonne personne pour le guider. Ce qui est drôle, c’est que mon fils a tellement d’intérêt pour ce domaine! Il chante, il joue du piano, il adore ça et il est bon.

Julie St-Pierre sera de retour au 107,3 Rouge FM cet automne, à la barre de Rouge au travail à 8 h 30, et ensuite à 13 h. Elle a recommencé à travailler à titre de DJ pour des événements corporatif­s et développe un projet de séries documentai­res.

«Mon expérience est positive. Si c’était à refaire, je le referais.»

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