7 Jours

«Je me suis retroussé les manches»

Trente ans après Les insomniaqu­es s’amusent, Daniel Bélanger poursuit sa route avec Mercure en mai. Cet album lumineux est un bouquet de petites joies musicales.

- PAR MARIE-HÉLÈNE GOULET

Daniel, que signifie pour vous le titre de votre nouvel album, Mercure en mai?

Je vous l’avoue, c’est d’abord un peu esthétique comme choix de titre. J’ai ensuite réalisé que Mercure était la planète la plus proche du Soleil et ça m’a plu.

À l’écoute de l’album, on réalise rapidement qu’il s’en dégage beaucoup de joie et de sérénité. Était-ce votre intention initiale?

Non, ce n’était pas mon intention. J’essaie de tout contrôler, mais il y a des affaires qui demeurent incontrôla­bles. C’est après m’être retrouvé avec un tout et en faisant la moyenne des pièces que j’ai remarqué que c’était un album assez positif, avec des chansons aux paroles lumineuses.

Est-ce que cette aura lumineuse reflète l’état d’esprit dans lequel vous étiez lors de sa compositio­n?

Je pense qu’on cherchait tous un peu de lumière et de chaleur durant le pire de la pandémie et que j’ai été influencé par ce désir. J’ai marché et fait beaucoup de vélo pour profiter de ce qui me restait durant le confinemen­t: le jour et la lumière. Finalement, j’ai réalisé que c’était déjà beaucoup. Et comme il y avait tellement un pessimisme généralisé, je me suis retroussé les manches! Il faut dire que j’ai été moins touché par la pandémie que bien des gens, comme ces parents qui se sont demandé tous les jours s’ils envoyaient ou non leurs enfants à l’école. Je n’avais pas ces questionne­ments-là, j’avais juste à m’asseoir sur un banc et à observer.

Une jolie anecdote est à l’origine de votre chanson Soleil levant, pouvez-vous nous la raconter?

Soleil levant est très proche de la vie que j’ai menée pendant les mois de pandémie. Mon habitude, d’ordinaire, est de sortir prendre un café chaque matin et de faire mes mots croisés avant d’aller m’enfermer en studio. Quand les cafés ont fermé et qu’il ne restait que les comptoirs pour emporter, je me suis mis à me lever très tôt et à marcher avec mon café. Tranquille­ment, j’ai croisé d’autres clients qui faisaient de même, et quand je me suis arrêté pour discuter avec une personne que je connaissai­s, je me suis retrouvé avec un club social du matin. C’était tout nouveau pour moi qui faisais auparavant du matin un moment sacré de solitude. Soleil levant est une photo de ça.

Est-ce que c’est la chanson qui a lancé l’inspiratio­n de Mercure en mai?

Non, la toute première que j’ai composée est Joie. Habituelle­ment, lorsque je compose, je tombe à un moment donné sur une chanson locomotive qui va rattacher tous les wagons derrière elle. C’est le rôle qu’a eu Joie pour cet album.

Vous êtes-vous ennuyé de la scène ces derniers mois?

Je me suis ennuyé qu’elle existe! J’avais pris la belle et grosse décision visionnair­e de ne pas planifier de spectacles en 2020 et 2021 afin d’en profiter pour voyager un peu. Finalement, je n’ai rien pu faire à cause de la pandémie, mais je n’en suis pas malheureux. Ce qui m’a le plus touché, c’est de voir la scène paralysée. Ça m’a beaucoup confronté et troublé qu’on ne puisse plus aller entendre de la musique en direct.

Est-ce que ce silence vous a effrayé?

Ce qui me faisait peur, c’est de voir ceux qui tenaient à tout prix à faire de la musique pour toutes sortes de raisons valables. Les entendre dans des clips de qualité communauta­ire, j’ai trouvé ça dur. N’empêche que ce que j’ai trouvé le plus difficile, c’est l’idée que plusieurs artistes allaient se trouver une autre job afin de gagner leur vie et qu’ils ne reviendrai­ent pas vers les arts. C’est une purge bien cruelle.

«ON CHERCHAIT TOUS UN PEU DE LUMIÈRE ET DE CHALEUR DURANT LE PIRE DE LA PANDÉMIE ET J’AI ÉTÉ INFLUENCÉ PAR CE DÉSIR.»

Il y a 30 ans déjà, vous lanciez votre premier album, Les insomniaqu­es s’amusent. Comment votre processus de création a-t-il changé depuis?

Je suis plus habile avec mes outils. Comme je suis meilleur musicien, il y a de moins en moins de pollution entre mes inspiratio­ns et mes deux mains. Je m’exprime mieux physiqueme­nt sur des instrument­s de musique, donc j’arrive à mieux exprimer aux autres ce que je pense. J’ai plus confiance aussi.

Qu’est-ce qui alimente votre passion depuis trois décennies?

C’est tout bêtement la curiosité. Je suis animé par le plaisir d’aller quelque part et de ne pas savoir ce qui va m’arriver en chemin, mais d’y aller quand même avec confiance.

Vous avez lancé à la fin août le recueil de poésie intitulé Poids lourd. Comment ce livre est-il né?

Par la force des choses, je me suis retrouvé avec une centaine de poèmes et je me suis demandé si je pouvais en faire un recueil. Je l’ai soumis à Roxane Desjardins chez Herbes Rouges, qui est pour moi une maison d’édition mythique au Québec. Nous nous sommes rencontrés et ça a tout de suite cliqué.

Avez-vous dû faire des choix déchirants parmi les textes que vous aviez écrits?

Non, je ne suis attaché à rien vis-à-vis de moi. J’estime que je ne fais jamais rien de sacré!

Si quelqu’un en qui j’ai confiance juge qu’un poème n’est pas bon, eh bien, ce n’est pas bon. Ce n’est pas grave, il y en aura d’autres!

Mercure en mai sera offert dès le 14 octobre. Poids lourd est déjà en librairie. Pour suivre les activités de l’artiste: danielbela­nger.com.

«JE SUIS ANIMÉ PAR LE PLAISIR D’ALLER QUELQUE PART ET DE NE PAS SAVOIR CE QUI VA M’ARRIVER EN CHEMIN.»

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