«Ça brasse des choses de voir ça»
Dans son roman intitulé Anna et l’enfant-vieillard, Francine Ruel s’est inspirée de son histoire pour raconter son lien avec son fils, Étienne, qui vit dans la rue. La série Anna et Arnaud, inspirée de ce roman qui met en lumière l’itinérance, risque de faire éclater bien des préjugés. «Quand j’ai écrit le roman, j’ai eu l’impression de ne l’écrire que pour mon fils. Nous ne savions pas que mon roman allait connaître ce succès. Je souhaitais qu’Étienne comprenne à quel point il est un adulte sensible, intelligent, talentueux, et qu’il ne faisait pas grand-chose de sa vie, quoi!, souligne Francine. Il s’autodétruit parce qu’il n’a pas voulu se soigner quand c’était le temps et il ne se soigne pas plus. C’est difficile de comprendre pourquoi. Dans une famille, tout le monde vit le même drame, mais l’un de ses membres n’est pas capable de passer au travers… C’est ce qui s’est passé avec Étienne. Parfois, je me dis que les enfants, quand ils naissent, ont pour la plupart des petits ressorts aux talons, mais d’autres n’en ont pas. Ils ne rebondiront pas et ne s’en sortiront pas. En écrivant ce livre, j’ai ouvert la boîte de Pandore. J’ai entendu des témoignages et lu des messages de gens qui me disaient: “Moi aussi, mon fils, ma fille, mon frère, ma soeur... vit dans la rue.” J’ai travaillé avec une psy qui m’a répété pendant trois ans: “C’est un adulte, redonnez-lui sa vie et essayez de reprendre la vôtre…” Ignorer quelqu’un qu’on a aimé et qu’on aime encore, c’est très difficile… C’est une grande impuissance.» Francine Ruel avoue avoir vécu un véritable mélange d’émotions en visionnant les premiers épisodes de la série. «Ça brasse des choses de voir tout ça en ce moment, surtout que mon fils, Étienne, a perdu sa chambre en pension dernièrement. Il est de retour dans la rue, et je suis encore sans nouvelles de lui. Ça me chagrine beaucoup. Je ne sais pas comment il va, mais il est retombé dans la rue. Il est mal parce qu’il a perdu sa chambre. C’est comme si on jouait au jeu de Serpents et échelles, et nous revoilà à la case départ. Mon fils n’est pas prêt à se sortir de la rue. C’est un constat qui est difficile à faire et, même si je monte au front comme je le fais depuis 29 ans, il doit pouvoir s’en sortir. Et en ce moment, mon Étienne ne peut pas. Tu ne peux pas aider quelqu’un qui n’est pas prêt à se faire aider. Je tente, comme dit ma psy, de lui redonner sa vie et de reprendre la mienne. C’est facile à dire, mais tellement pénible à faire. Je tente de faire oeuvre utile avec la série documentaire à venir et mes rencontres avec les gens dans les salons du livre.» Dans le documentaire intitulé Reconstruire le lien, qui suivra la série, Francine Ruel ira à la rencontre de familles qui tentent, tant bien que mal, de reconstruire le lien avec des enfants qui ont des problèmes de consommation et qui peinent à s’en sortir. «Chuter, ça peut tous nous arriver demain matin.» De plus, le livre de Francine, Anna et l’enfant-vieillard, vient tout juste d’être réédité par Libre Expression. Sur la couverture, nous retrouvons les personnages de la série, dont Guylaine Tremblay qui incarne Anna. «Quand je suis allée sur le plateau, Guylaine m’a demandé combien de temps j’avais été sans nouvelles de mon fils. La plus longue période a été neuf mois. Elle pouvait comprendre ce que ça représentait pour une mère d’attendre et d’espérer des nouvelles de son enfant. Pour moi, c’est un honneur que Guylaine incarne Anna. J’ai aussi aimé Nico (Racicot), qui incarne mon fils. J’ai adoré son jeu!» confie Francine Ruel. (M.L. et P.D.-C.)
Le documentaire Reconstruire le lien sera présenté dès le 1er novembre sur TVA + et le 22 novembre à 21 h sur les ondes de TVA.
La réédition d’Anna et l’enfant-vieillard est disponible en librairie et sur qublivre.ca.