7 Jours

CHRYSTINE BROUILLET

«Je ne pensais jamais me rendre là»

- PAR MICHÈLE LEMIEUX

En 1987, lorsque Chrystine Brouillet nous présentait un premier polar mettant en vedette Maud Graham, elle ne pouvait imaginer que son personnage allait la suivre pendant 35 ans et 20 romans… Avec Une de moins, l’autrice, qui célèbre ses 40 ans de carrière, aborde la question des féminicide­s, un sujet tristement d’actualité.

Chrystine, parlons de votre plus récent livre. Un 20e roman avec le personnage de Maud Graham, c’est tout un exploit! Je ne pensais jamais me rendre là… Lorsque j’ai écrit mon premier roman avec Maud Graham, je ne savais pas que 35 ans plus tard, elle serait toujours dans ma vie. C’est un cadeau, un privilège que les lecteurs me font de me rester aussi fidèles. Sinon, j’aurais probableme­nt changé de métier. Grâce à mes lecteurs et à Maud Graham, je continue ma carrière, une carrière qui me fait vivre.

Les gens se sont attachés à ce personnage.

Oui, mais ils ont aussi leurs préférence­s. Dans les salons du livre, les gens me disent qu’ils préfèrent soit Maud, soit Grégoire. Je trouve ça chouette que les personnage­s aient une vie pour les lecteurs. Comme lectrice, je vis le même phénomène.

Êtes-vous une lectrice de polars?

De polars, mais aussi de toutes sortes de choses. La rentrée littéraire est affolante! Je suis surexcitée! Je suis déterminée à tout lire! Je lis de deux à trois livres par semaine, ce qui totalise au minimum 1000 pages. Si je ne lis pas, ça me manque. La journée du dimanche est consacrée uniquement à la lecture. Durant la semaine, j’écris et je me consacre à la recherche.

Quand on est rendu à son 20e roman, est-on porté par son personnage?

Maud est une amie. Quand je la retrouve, une partie du travail est facilité. Je n’ai pas à me poser de questions sur elle: je sais ce qu’elle aime, qui sont ses copines, sa famille. Ça m’aide énormément à me consacrer aux nouveaux personnage­s, qui sont généraleme­nt des criminels. J’ai du temps pour eux. Tous les quatre ou cinq livres avec Maud, je fais un livre qui ne lui est pas consacré. À ce moment-là, je pars de zéro. Je n’ai rien devant moi, tandis qu’avec Maud, je suis en terrain connu. Ce qui est plus compliqué avec elle, c’est qu’elle habite à Québec et que ce n’est quand même pas une ville dangereuse. Il y a plus de meurtres dans mes romans qu’il y en a vraiment à Québec. Heureuseme­nt! Quelqu’un qui lit mes polars à Paris peut se poser des questions sur la ville… Je disais à un éditeur français qu’il pouvait venir à Québec, que ce n’était pas dangereux. (rires)

Pour ce nouveau roman, vous avez décidé d’aborder un sujet tristement d’actualité. Donnez-nous un aperçu de l’intrigue.

Claire quitte un conjoint violent et s’installe à Québec. Elle l’ignore, mais Hugo l’a rejointe. Au travail, elle côtoie un homme déséquilib­ré. Sa vie est en danger… J’avais déjà abordé la violence conjugale dans mon roman Six minutes et bien avant dans d’autres enquêtes de Maud Graham. Ça m’apparaissa­it comme une évidence de parler des féminicide­s. La pandémie a tout changé dans nos vies. Au début, je devais écrire un nouveau livre sur Maud Graham, mais comme elle colle généraleme­nt à l’actualité et que je ne savais pas ce qui nous attendait, j’ai décidé d’écrire autre chose: Sa parole contre la mienne. Durant toute l’année, j’ai pris des notes. On se souvient des grands moments, mais on oublie les détails du quotidien. J’ai donc tenu un journal de pandémie qui s’est avéré des plus utiles. J’ai écrit le 18 mars, soit au tout début de la pandémie: «Que vont devenir les femmes enfermées avec leur bourreau?»

Vous aviez pressenti que ce serait un enjeu pour ces femmes?

Oui, je me doutais que ce serait la catastroph­e. J’aurais aimé me tromper… Le seul moment où elles pouvaient communique­r avec quelqu’un, si le mari n’avait pas volé le téléphone, c’est durant la nuit, dans la salle de bains, en chuchotant. Je ne crois pas que cela va s’arranger à cause de la situation économique grave qui prévaut actuelleme­nt. Quand on n’a pas d’argent, comment quitter la maison? Alors, hélas, il y aura encore des féminicide­s.

 ?? ?? Une de moins est disponible dans les librairies. L’autrice est toujours chroniqueu­se à Salut Bonjour, du lundi au vendredi dès 6 h.
Une de moins est disponible dans les librairies. L’autrice est toujours chroniqueu­se à Salut Bonjour, du lundi au vendredi dès 6 h.

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