7 Jours

Josée di Stasio LE RÉCONFORT DANS LA CUISINE

- PAR SAMUEL PRADIER

Même si elle est moins présente à la télévision ces dernières années, Josée di Stasio a véritablem­ent réinventé les émissions de cuisine en s’éloignant des recettes pour parler aux producteur­s, en allant visiter des chefs chez eux, mais surtout en prenant le temps de créer des ambiances et d’alimenter des conversati­ons passionnan­tes sur le sujet. Mais elle, qu’est-ce qui la passionne dans une cuisine?

«La cuisine est un mode de communicat­ion, c’est comme un langage.»

Josée, vous sortez un nouveau tome de Mes carnets de saison. Les recettes sont désormais omniprésen­tes sur le Web, pourquoi faire encore un livre de cuisine?

Pour l’amour des livres, pour ceux qui aiment l’objet, le consulter et l’apprécier. Ce n’est pas juste pour les recettes; car certaines des recettes du livre sont aussi disponible­s sur le Web, identiques ou avec des variantes. C’est en fait un peu une réponse à l’avalanche d’offres présentes sur le Web. Je voulais créer un livre d’ambiance. Je trouve que c’est réconforta­nt ne serait-ce que de le feuilleter. Il a une teinte, une personnali­té qui sent le réconfort et qui invite au cocooning. C’est vraiment un objet en soi.

Ce nouveau tome est comme la suite du volet printemps-été sorti l’an dernier. Quelle était votre idée au départ?

J’avais pensé faire les quatre saisons dans un même livre, mais je n’avais pas pris la mesure du nombre de recettes avec lesquelles je travaillai­s et donc la sélection qu’il m’aurait fallu faire. Tout a commencé avec des amis qui m’ont raconté qu’ils imprimaien­t les recettes qu’ils avaient adoptées et se faisaient une sorte de cahier personnel de recettes à refaire, plutôt que de laisser ça sur leur tablette ou leur ordinateur. De là, je me suis dit que je pourrais faire un carnet avec mes recettes incontourn­ables. Mais je ne pouvais pas tout mettre dans un seul livre, donc on l’a scindé en deux. Il y avait aussi une question d’ambiance. Pour le volet printemps-été, on a mis beaucoup de lumière. Je voulais qu’on sente la fraîcheur du printemps et la luminosité de l’été. Le nouveau tome présente davantage une ambiance et une lumière d’automne. Pour moi, l’approche est autant axée sur les recettes que sur la facture visuelle, l’ambiance et la signature. Ce qui m’allume beaucoup, ce sont les journées de photo en studio. J’aime choisir la palette de couleurs, les recettes... Tout ça fait partie du plaisir de préparer un livre de cuisine.

En feuilletan­t Mes carnets de saison: Automne-hiver, on a l’impression d’être au bord d’un feu de foyer réconforta­nt. Comment arrivez-vous à créer ces ambiances?

Par la teinte et la facture visuelle du livre, mais aussi par la sélection des recettes. Ça commence avec l’idée de prendre le temps, de préparer des boissons chaudes, ensuite on aborde l’heure du brunch, on se tourne vers les légumes de saison, etc. Les introducti­ons des chapitres nous mettent déjà dans l’ambiance. Je parle aussi du plaisir d’utiliser des objets qu’on a choisis et qu’on aime. Entre se préparer un thé vite fait sans y penser ou faire un thé en regardant les feuilles s’ouvrir, en prenant le temps d’être présent, en choisissan­t sa plus belle tasse, le plaisir ne sera pas le même.

Les photos des carnets contribuen­t à créer l’ambiance. Comment travaillez­vous avec la photograph­e Dominique T. Skoltz?

On a fait mes quatre derniers livres ensemble. Dominique connaissai­t l’émission À la di Stasio et elle avait envie de travailler avec moi. J’avais vu ses photos et j’avais été séduite par ses ambiances et son talent, même s’il n’y avait quasiment aucune photo de nourriture dans son portfolio. On a commencé à collaborer sur le livre Le carnet rouge, et je me suis aperçue que je n’appréciais pas juste la qualité de ses photos, mais aussi le plaisir de travailler ensemble chaque jour. On a le même regard sur les choses. C’est créatif et simple, avec un éclairage très naturel. Elle arrive à sublimer les objets et les détails. Je peux déposer une assiette sur la table et laisser traîner un petit ruban, elle va réussir à aller capter le détail pour le rendre magnifique. J’aime son studio, sa maison, la musique qu’elle met... Quand on travaille ensemble, il y a quelque chose de très naturel. On le fait pour le plaisir de le faire.

Quel effet a, sur vous, le fait de cuisiner, de préparer un repas?

La cuisine a toujours été une source de réconfort pour moi. Probableme­nt que c’est ce que je transmets à travers mes émissions et mes livres. Je ne suis pas consciente de l’effet que ça fait aux autres, mais c’est réellement ce que ça me procure à moi. J’ai déjà fait un livre sur les soupes, que je considère comme du réconfort à la cuillère. Même dans les moments plus difficiles, la cuisine a toujours été là pour moi. Dans des périodes de vie où j’avais besoin de soutien et d’encouragem­ent, je me faisais une soupe ou simplement un thé. Ce sont des choses toutes simples, mais qui apportent une présence rassurante. La cuisine est un mode de communicat­ion, c’est comme un langage. Si on cuisine pour quelqu’un, qu’on porte attention à ce qu’on fait, on transmet quelque chose. Et ce n’est pas forcément avec des recettes compliquée­s qu’on y arrive, c’est juste dans l’intention et le partage. Je ne pense pas qu’un menu six services est plus sympathiqu­e qu’un plat unique improvisé. Au contraire, les choses les plus simples parlent beaucoup plus.

À l’heure où tout va très vite dans nos vies, vous invitez les gens à prendre le temps, à profiter du moment présent. Mais est-ce facilement possible?

Je crois beaucoup aux rituels, qui n’ont pas besoin d’être faits au quotidien. On se crée des rituels, que ce soit avec les enfants, en couple ou entre amis. Par exemple, pour chaque saison, on se trouve une recette qu’on va avoir envie de faire ensemble. On prend le temps de partager des moments, et je trouve qu’il y a quelque chose de rassurant dans tout ça.

Pourquoi avez-vous décidé de dédicacer ce livre à Daniel Pinard?

Il avait écrit la quatrième de couverture de mon premier livre avec beaucoup de générosité. Je n’avais jamais osé lui dédicacer un livre avant; j’avais comme une espèce de pudeur. Je ne le sentais pas. Mais cette fois-ci, j’ai eu envie d’oser.

«Dans des périodes de vie où j’avais besoin de soutien et d’encouragem­ent, je me faisais une soupe ou simplement un thé.»

«Tout a commencé avec des amis qui m’ont raconté qu’ils imprimaien­t les recettes qu’ils avaient adoptées et se faisaient une sorte de cahier.»

L’idée m’est venue comme un flash. Je le lui ai annoncé au téléphone, mais je ne lui ai pas encore donné le livre. Il faut que j’aille lui porter.

Pour terminer, quand allons-nous vous revoir à la télé?

C’est la question qu’on me pose tous les jours, où que j’aille! (rires) Je vais faire une émission spéciale pour les 20 ans de l’émission À la di Stasio, qui sera diffusée à Télé-Québec au début décembre. On va parler de l’évolution du paysage culinaire dans les 20 dernières années, avec des invités qui sont souvent venus sur le plateau. C’est une seule émission, et on verra pour la suite. Mais je n’ai pas envie de refaire ce que j’ai déjà fait. Si je devais revenir plus régulièrem­ent, j’irais probableme­nt ailleurs. Je ferais davantage des émissions spéciales qui ne sont pas axées uniquement sur les recettes, mais qui ratissent plus large, avec un propos, des rencontres, des sujets parallèles... Par contre, la nourriture sera toujours un prétexte. J’ai aussi un autre projet de livre qui ne contient quasiment pas de recettes, mais qui touche à l’alimentati­on.

Mes carnets de saison: Automne-hiver, de Josée di Stasio, est actuelleme­nt en librairie. L’émission spéciale À la di Stasio: 20 ans d’inspiratio­n sera diffusée le 2 décembre à 20 h, à Télé-Québec.

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