7 Jours

MICHEL JEAN «Je me sens concerné par cette histoire»

L’étape des duos improbable­s a donné lieu à des moments magiques. Angélyk et Sunny Boisvert, avec qui elle était jumelée, ont offert une performanc­e à la fois grandiose et émotive. Entrevue avec la jeune artiste.

- PAR PATRICK DELISLE-CREVIER

Une nouvelle série documentai­re à la fois dérangeant­e et nécessaire débarque ces jours-ci sur la plateforme Vrai. Dans Face au diable de la Côte-Nord, la journalist­e Magalie Lapointe et la cinéaste Jani Bellefleur-Kaltush mènent une enquête sur les agissement­s du missionnai­re oblat Alexis Joveneau, qui aurait agressé des centaines de victimes au sein des communauté­s innues de la Basse-Côte-Nord pendant 30 ans. Entrevue avec Michel Jean, qui participe aussi à ce projet qui ne laissera personne indifféren­t.

Michel, qu’est-ce qui vous a amené à participer à un tel projet?

Le sujet m’a interpellé. On parle régulièrem­ent des questions autochtone­s sans donner d’exemple concret, mais dans ce cas-ci, les preuves de ce qui s’est passé sont évidentes. On a aussi des preuves que les gens en place à l’époque n’ont rien fait. Même que la loi du silence règne encore aujourd’hui. Je trouvais que c’était un sujet pertinent, surtout qu’il n’y a toujours rien de réglé. Les victimes du père Joveneau vivent encore avec ça aujourd’hui.

L’un des moments marquants de cette série est votre entretien avec Luc Tardif, responsabl­es des oblats au Québec. Que retenez-vous de cette rencontre?

Celui-ci admet qu’il s’est passé quelque chose à l’époque, mais il ne reconnaît pas complèteme­nt les torts de sa communauté. Sans admettre les faits, il sait tout de même que sa communauté acquiescer­a si jamais on lui demande de relocalise­r la sépulture de Joveneau. Celui-ci est enterré au coeur d’Unamen Shipu, où il a régné en roi pendant 39 ans. Certaines de ses victimes peuvent même voir sa tombe de leur fenêtre. C’est un non-sens.

Que retenez-vous de votre participat­ion à cette série?

Je me sens concerné par cette histoire. Plusieurs membres de ma famille sont allés au pensionnat de Fort George, qui était dirigé par des pères oblats. J’ai senti que les oblats avaient une certaine ouverture à reconnaîtr­e leurs torts, et monsieur Tardif a aussi dit que sa communauté était prête à faire sa part des choses, donc je pense que c’est une grande révélation.

Pensez-vous vraiment qu’ils vont en arriver à poser des gestes concrets?

Le père Joveneau est l’un des pires prédateurs sexuels de l’histoire du Canada. On est incapable de connaître le nombre exact de ses victimes, mais on sait qu’il y en a plusieurs centaines. Une fois que la démonstrat­ion de tout ça aura été faite, je ne pense pas que les gens vont accepter que ça reste impuni.

Est-ce que ç’a été difficile pour vous de creuser un sujet si difficile?

Oui. Ce sont des gens qui ont été humiliés et violés. Les Innus sont croyants, et ce représenta­nt de Dieu a abusé d’eux et de leur confiance. C’est révoltant. Ce drame concerne les Innus, mais ça fait aussi partie de l’histoire du Québec.

Vous êtes à Paris en ce moment. Pourquoi?

J’ai fait quelques tournées littéraire­s cet automne. Je me suis rendu dans cinq pays: la France, l’Autriche, l’Allemagne, la Suède et la Lettonie. Je suis actuelleme­nt à Paris pour une rencontre avec des éditeurs. Je rentre au Québec dans quelques jours pour assister au Salon du livre de Montréal.

Angélyk, que retiens-tu de cette étape des duos improbable­s?

Je n’avais jamais vraiment dansé en duo, et Sunny et moi, nous ne nous connaissio­ns pas du tout. Comme nous avons des styles différents, notre duo a été enrichissa­nt. J’apprends et je grandis tellement à chaque étape de Révolution, c’est fou!

Durant cette période, tu vivais des choses difficiles sur le plan personnel. Sunny a été comme un grand frère...

Je suis très reconnaiss­ante de tout ce qu’il a fait pour moi durant ce mois. Ma grand-maman, qui était atteinte d’un cancer, a demandé l’aide médicale à mourir. Je vivais donc tout ça en même temps que Sunny et moi préparions notre numéro. Je suis allée voir ma grand-mère plusieurs fois, et Sunny était toujours là pour me réconforte­r. Elle est partie une semaine après le tournage de notre numéro. Il a été la meilleure des personnes, il a été un grand frère.

Vous aviez les thématique­s du personnage du Joker et de la chanson À l’ombre du show-business, de Kery James, avec la participat­ion de Charles Aznavour. Comment avez-vous exploré ces thématique­s?

Les deux thématique­s mises ensemble allaient tellement bien avec tout ce que je vivais pendant cette période. Quand on arrive sur scène, le public ne sait pas ce qu’on vit intérieure­ment et ce qui se passe derrière les pro- jecteurs. Ç’a été poignant de danser sur les paroles d’À l’ombre du showbusine­ss avec notre faux sourire du Joker. Ça m’a permis de pousser plus loin et de tout donner sur scène.

Tu avais tenté ta chance à la saison 3 de Révolution, mais tu n’avais pas obtenu le vote des maîtres. Qu’est-ce qui t’a poussée à revenir?

En fait, je ne pensais pas revenir à Révolution, mais après la saison 3, j’ai reçu beaucoup d’amour du public. Et tout ça a été tellement réconforta­nt que j’ai finalement changé d’idée. Et me voilà dans les finales de l’émission. Je ne m’attendais pas à ça!

Tu habites en appartemen­t à Montréal, où tu vis seule avec ton chat. Comment ça se passe?

Ça se passe bien. J’en suis à ma deuxième année à l’École de danse contempora­ine de Montréal et j’adore ça! Avant, j’habitais sur la rive sud de Montréal, mais c’est plus pratique pour moi d’être en ville: il y a plein d’opportunit­és sur le plan de la danse.

Comment la danse est-elle arrivée dans ta vie?

Avant, je faisais de la gymnastiqu­e, mais mon corps ne pouvait plus en prendre. J’avais 11 ans et je sortais de mes entraîneme­nts en pleurant tellement c’était un monde intense. J’avais des amis qui faisaient de la danse; ils m’ont proposé d’essayer. J’ai commencé et je suis complèteme­nt tombée en amour avec la danse. C’est un art et un sport qui apportent tellement de choses positives dans ma vie. C’est thérapeuti­que: c’est mon moyen à moi de tout libérer.

Tu dis que tu as le syndrome de l’imposteur quand tu danses. Pourquoi?

L’année dernière, j’ai participé au spécial du jour de l’An d’En direct de l’univers. Il y avait tellement d’artistes et de vedettes partout que je me demandais ce que je faisais là. J’ai des problèmes avec ma confiance; je dois travailler là-dessus. Je dois accepter que j’ai du talent et que j’ai le droit de faire ce métier-là. J’ai été le coup de coeur d’Anne-Élisabeth Bossé; ça m’a beaucoup touchée qu’elle m’écrive pour me le dire. C’est irréel pour moi tout ça.

Révolution, dimanche 19 h 30, à TVA.

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Jani Bellefleur-Kaltush et Magalie Lapointe sont les instigatri­ces de cette enquête.
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