MICHEL JEAN «Je me sens concerné par cette histoire»
L’étape des duos improbables a donné lieu à des moments magiques. Angélyk et Sunny Boisvert, avec qui elle était jumelée, ont offert une performance à la fois grandiose et émotive. Entrevue avec la jeune artiste.
Une nouvelle série documentaire à la fois dérangeante et nécessaire débarque ces jours-ci sur la plateforme Vrai. Dans Face au diable de la Côte-Nord, la journaliste Magalie Lapointe et la cinéaste Jani Bellefleur-Kaltush mènent une enquête sur les agissements du missionnaire oblat Alexis Joveneau, qui aurait agressé des centaines de victimes au sein des communautés innues de la Basse-Côte-Nord pendant 30 ans. Entrevue avec Michel Jean, qui participe aussi à ce projet qui ne laissera personne indifférent.
Michel, qu’est-ce qui vous a amené à participer à un tel projet?
Le sujet m’a interpellé. On parle régulièrement des questions autochtones sans donner d’exemple concret, mais dans ce cas-ci, les preuves de ce qui s’est passé sont évidentes. On a aussi des preuves que les gens en place à l’époque n’ont rien fait. Même que la loi du silence règne encore aujourd’hui. Je trouvais que c’était un sujet pertinent, surtout qu’il n’y a toujours rien de réglé. Les victimes du père Joveneau vivent encore avec ça aujourd’hui.
L’un des moments marquants de cette série est votre entretien avec Luc Tardif, responsables des oblats au Québec. Que retenez-vous de cette rencontre?
Celui-ci admet qu’il s’est passé quelque chose à l’époque, mais il ne reconnaît pas complètement les torts de sa communauté. Sans admettre les faits, il sait tout de même que sa communauté acquiescera si jamais on lui demande de relocaliser la sépulture de Joveneau. Celui-ci est enterré au coeur d’Unamen Shipu, où il a régné en roi pendant 39 ans. Certaines de ses victimes peuvent même voir sa tombe de leur fenêtre. C’est un non-sens.
Que retenez-vous de votre participation à cette série?
Je me sens concerné par cette histoire. Plusieurs membres de ma famille sont allés au pensionnat de Fort George, qui était dirigé par des pères oblats. J’ai senti que les oblats avaient une certaine ouverture à reconnaître leurs torts, et monsieur Tardif a aussi dit que sa communauté était prête à faire sa part des choses, donc je pense que c’est une grande révélation.
Pensez-vous vraiment qu’ils vont en arriver à poser des gestes concrets?
Le père Joveneau est l’un des pires prédateurs sexuels de l’histoire du Canada. On est incapable de connaître le nombre exact de ses victimes, mais on sait qu’il y en a plusieurs centaines. Une fois que la démonstration de tout ça aura été faite, je ne pense pas que les gens vont accepter que ça reste impuni.
Est-ce que ç’a été difficile pour vous de creuser un sujet si difficile?
Oui. Ce sont des gens qui ont été humiliés et violés. Les Innus sont croyants, et ce représentant de Dieu a abusé d’eux et de leur confiance. C’est révoltant. Ce drame concerne les Innus, mais ça fait aussi partie de l’histoire du Québec.
Vous êtes à Paris en ce moment. Pourquoi?
J’ai fait quelques tournées littéraires cet automne. Je me suis rendu dans cinq pays: la France, l’Autriche, l’Allemagne, la Suède et la Lettonie. Je suis actuellement à Paris pour une rencontre avec des éditeurs. Je rentre au Québec dans quelques jours pour assister au Salon du livre de Montréal.
Angélyk, que retiens-tu de cette étape des duos improbables?
Je n’avais jamais vraiment dansé en duo, et Sunny et moi, nous ne nous connaissions pas du tout. Comme nous avons des styles différents, notre duo a été enrichissant. J’apprends et je grandis tellement à chaque étape de Révolution, c’est fou!
Durant cette période, tu vivais des choses difficiles sur le plan personnel. Sunny a été comme un grand frère...
Je suis très reconnaissante de tout ce qu’il a fait pour moi durant ce mois. Ma grand-maman, qui était atteinte d’un cancer, a demandé l’aide médicale à mourir. Je vivais donc tout ça en même temps que Sunny et moi préparions notre numéro. Je suis allée voir ma grand-mère plusieurs fois, et Sunny était toujours là pour me réconforter. Elle est partie une semaine après le tournage de notre numéro. Il a été la meilleure des personnes, il a été un grand frère.
Vous aviez les thématiques du personnage du Joker et de la chanson À l’ombre du show-business, de Kery James, avec la participation de Charles Aznavour. Comment avez-vous exploré ces thématiques?
Les deux thématiques mises ensemble allaient tellement bien avec tout ce que je vivais pendant cette période. Quand on arrive sur scène, le public ne sait pas ce qu’on vit intérieurement et ce qui se passe derrière les pro- jecteurs. Ç’a été poignant de danser sur les paroles d’À l’ombre du showbusiness avec notre faux sourire du Joker. Ça m’a permis de pousser plus loin et de tout donner sur scène.
Tu avais tenté ta chance à la saison 3 de Révolution, mais tu n’avais pas obtenu le vote des maîtres. Qu’est-ce qui t’a poussée à revenir?
En fait, je ne pensais pas revenir à Révolution, mais après la saison 3, j’ai reçu beaucoup d’amour du public. Et tout ça a été tellement réconfortant que j’ai finalement changé d’idée. Et me voilà dans les finales de l’émission. Je ne m’attendais pas à ça!
Tu habites en appartement à Montréal, où tu vis seule avec ton chat. Comment ça se passe?
Ça se passe bien. J’en suis à ma deuxième année à l’École de danse contemporaine de Montréal et j’adore ça! Avant, j’habitais sur la rive sud de Montréal, mais c’est plus pratique pour moi d’être en ville: il y a plein d’opportunités sur le plan de la danse.
Comment la danse est-elle arrivée dans ta vie?
Avant, je faisais de la gymnastique, mais mon corps ne pouvait plus en prendre. J’avais 11 ans et je sortais de mes entraînements en pleurant tellement c’était un monde intense. J’avais des amis qui faisaient de la danse; ils m’ont proposé d’essayer. J’ai commencé et je suis complètement tombée en amour avec la danse. C’est un art et un sport qui apportent tellement de choses positives dans ma vie. C’est thérapeutique: c’est mon moyen à moi de tout libérer.
Tu dis que tu as le syndrome de l’imposteur quand tu danses. Pourquoi?
L’année dernière, j’ai participé au spécial du jour de l’An d’En direct de l’univers. Il y avait tellement d’artistes et de vedettes partout que je me demandais ce que je faisais là. J’ai des problèmes avec ma confiance; je dois travailler là-dessus. Je dois accepter que j’ai du talent et que j’ai le droit de faire ce métier-là. J’ai été le coup de coeur d’Anne-Élisabeth Bossé; ça m’a beaucoup touchée qu’elle m’écrive pour me le dire. C’est irréel pour moi tout ça.
Révolution, dimanche 19 h 30, à TVA.