Passer aux choses sérieuses
La campagne électorale est passée à une nouvelle étape, la semaine dernière, avec le congé de la fête du Travail. À un mois du jour du scrutin, les chefs et les candidats redoublent d’ardeur pour convaincre les électeurs. C’est vrai aussi au Nouveau-Brunswick.
Les choses ont bougé depuis ce printemps. Les sondages de Corporate Research Associates révèlent deux tendances dans notre province: le Nouveau Parti démocratique gagne des points, alors que le Parti libéral est en perte de vitesse.
C’est un petit séisme. Le Nouveau-Brunswick n’est pas exactement une terre fertile pour le NPD. Outre la grande exception à toutes les règles qu’a été Yvon Godin dans Acadie-Bathurst, les électeurs n’ont que très rarement fait confiance à cette formation par le passé, tant sur la scène fédérale que provinciale. Alors que les provinces voisines du Québec et de la Nouvelle-Écosse se sont laissées tenter par le changement (la N.-É. a même élu un gouvernement néo-démocrate en 2009), nous avons toujours misé sur les même vieux partis traditionnels.
Sans commencer à parler d’une vague orange (nous en sommes encore très loin), il est néanmoins intéressant de noter que les mentalités changent petit à petit. En 2011, le chef Jack Layton a fait élire, à la surprise générale, pas moins de 58 députés néodémocrates au Québec. Or, M. Layton n’avait pas laissé les Néo-Brunswickois indifférents. Une «vaguelette» orange s’était rendue jusqu’à nous. Des candidats ont terminé premier (Yvon Godin) ou deuxième dans sept circonscriptions sur 10 (sans compter Shawna Gagne, qui a terminé troisième malgré plus de 14 000 voix, dans Moncton-Riverview-Dieppe).
La possibilité d’élire plusieurs députés fédéraux néo-démocrates ne relève donc plus de la science-fiction.
Le sondage de CRA, rendu public cette semaine, montre que les troupes de Thomas Mulcair ont vu l’appui des électeurs décidés passer de 26 % (en mai) à 35 % (en août). Pendant ce temps, les libéraux ont suivi le chemin inverse, de 40 % à 29 %.
Il ne faut pas faire l’erreur de compter le Parti conservateur pour battu.
Ses appuis sont restés stables, de 28 % à 31 %. Il y a bel et bien une lutte à trois qui se joue dans notre province, ce qui risque de nous réserver quelques surprises, le 19 octobre. Des dix sièges à l’enjeu, très peu sont considérés imprenables.
Cela dit, il semble de plus en plus évident que la durée exceptionnellement longue de la campagne électorale favorise le NPD. Le chef Mulcair était relativement peu connu de la population au déclenchement des élections. Ses positions, ses politiques et ses priorités l’étaient encore moins, ce qui explique que le mouvement antiHarper s’est d’abord réfugié dans les bras de Justin Trudeau, qui dominait les intentions de vote au printemps.
Souvenez-vous de cette phrase révélatrice qu’avait laissé tomber M. Trudeau à Fredericton, à la mi-juillet: «L’idée qu’on gagne seulement trois sièges ici, je trouve ça un peu hilarant».
Le discours est un peu moins triomphaliste ces jours-ci...
Par ailleurs, la chute des appuis libéraux dans la région ajoute du poids à la thèse voulant que le gouvernement Gallant ait reculé sur la question de la hausse des frais imposés aux aînés en foyer de soins afin de cesser de nuire aux cousins fédéraux.
Le sondage CRA n’a en effet pas été une révélation pour les équipes Trudeau et Gallant. Elles comptent sur leurs propres sondeurs et savaient déjà que les rouges étaient en pleine dégringolade. Les annonces des derniers jours (lettre de Justin Trudeau à Brian Gallant, recul sur la question des aînés) visent à freiner l’hémorragie. Les prochains sondages nous diront si la stratégie fonctionnera ou s’il est déjà trop tard.
Enfin, il est bon de rappeler que malgré le mouvement dans les intentions de vote, la lutte reste extrêmement serrée. Seulement six points de pourcentage séparent les trois principales formations politiques. Il est donc hasardeux d’essayer de prédire qui remportera le plus de sièges dans la province. La lutte reste très ouverte.
De même, s’il fallait qu’un parti se détache sur la scène nationale et se retrouve en position de former le gouvernement, cela aura un impact sur le vote des électeurs néobrunswickois. Historiquement, le N.-B. a souvent joué le rôle de baromètre. La majorité de nos circonscriptions se tournent vers la formation qui a le plus de chance de prendre le pouvoir.
Reste désormais à deviner quel parti formera le prochain gouvernement. Et ça, personne n’est capable de le dire avec certitude à ce point-ci de la campagne.