Acadie Nouvelle

La guerre d’Erdogan

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Il y a eu 128 victimes lors du double attentat-suicide qui a eu lieu lors d’un rassemblem­ent pour la paix, il y a neuf jours, à Ankara. Les forces de sécurité turques sont certaines que le groupe État islamique, est responsabl­e de l’attentat, et elles ont probableme­nt raison.

État islamique utilise régulièrem­ent des kamikazes, et le groupe est définitive­ment en colère contre le président turc Recep Tayyib Erdogan.

Erdogan traitait plutôt bien ÉI lors des premières années de la guerre civile syrienne, gardant la frontière turque ouverte afin de permettre à ses volontaire­s d’y passer par milliers. Il a même fermé la frontière aux Kurdes qui voulaient participer à la défense de Kobani, une ville de la partie nord de la Syrie, majoritair­ement kurde – un siège de 4 mois qui s’est terminé par une défaite du groupe ÉI.

Erdogan offrait son soutien au groupe État islamique parce qu’il est un musulman sunnite très religieux. Il voulait la chute du président syrien Bashar al- Assad, un alaouite ( chiite) à la tête d’un pays majoritair­ement sunnite, et il lui importait très peu qui était l’opposition, pourvu qu’il s’agisse de sunnites.

Comme il ne voulait pas non plus qu’un mini- État kurde apparaisse de l’autre côté de la frontière sud de la Turquie, il préférait une victoire du groupe État islamique face aux Kurdes de la Syrie. Mais ses priorités ont changé lorsqu’il a perdu l’élection de juin. Son propre pouvoir était alors remis en question et, pour le conserver, il avait besoin d’une crise… ou plutôt d’une guerre.

Supposant que son parti AKP remportera­it sa 4e élection consécutiv­e tout en obtenant une majorité de 60 % des sièges du parlement, Erdogan, après avoir été premier ministre pendant 10 ans, s’est fait élire en tant que président l’an dernier. La présidence est un poste largement protocolai­re, mais avec une « super majorité » de 60 %, il pourrait modifier la constituti­on et en faire un « super pouvoir » .

Mais son parti n’a pas obtenu 60 % des sièges lors de l’élection de juin. Il n’a obtenu que 258 des 550 sièges du parlement en raison, principale­ment, du HDP, un nouveau parti exigeant que la minorité kurde de la Turquie ( 20 %) soit traitée comme des citoyens à part entière à tous les niveaux, incluant la langue. Ce parti en avait surpris plusieurs en obtenant 80 sièges.

Ces votes kurdes perdus ne reviendrai­ent pas au parti AKP. L’autre source possible de voies provenait des ultranatio­nalistes turques qui avaient été aliénés par ses discours de paix avec le PKK, un groupe séparatist­e kurde qui avait mené une guerre de 20 ans à partir de ses bases situées au nord de l’Irak. ( Il y a 4 ans, des discussion­s ont été entamées et les fusillades ont arrêté, mais le cessez- lefeu officiel n’a été déclaré qu’en 2013.)

Erdogan devait alors relancer la guerre contre le PKK et ce geste serait mal accueilli par ses alliés américains. Il a résolu le problème en affirmant qu’il attaquerai­t ÉI et d’autres « terroriste­s » , permettant ainsi d’obtenir l’appui de Washington – mais, depuis le début des bombardeme­nts aériens turcs, en juillet, ils ont frappé 20 cibles PKK pour chaque attaque contre ÉI. Il n’est toujours pas clair si la Turquie a finalement fermé sa frontière syrienne aux volontaire­s d’ISIS.

Le PKK combat, évidemment, mais le groupe État islamique n’apprécie pas à sa juste valeur le fait que la Turquie ne le bombarde ( très légèrement) que pour des raisons diplomatiq­ues. Le groupe État islamique est de plus très probableme­nt responsabl­e des trois attaques kamikazes ayant causé un nombre important de décès en Turquie cette année.

La seule consolatio­n est que la stratégie électorale d’Erdogan ne semble pas fonctionne­r. Un sondage effectué le mois dernier démontre que 56 % des Turcs le croient directemen­t responsabl­e de la nouvelle guerre. Les sondages démontrent également une diminution du partage des votes du parti AKP et une augmentati­on de la popularité du HDP. Erdogan fait face à une défaite bien méritée.

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- Associated Press: Burhan Ozbilici Le président de la Turquie, Recep Tayyib Erdogan, après avoir été premier ministre pendant 10 ans, s’est fait élire en tant que président l’an dernier.
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