CAISSE UNIQUE: CAMILLE THÉRIAULT FAIT LE POINT
Le regroupement collectif des Caisses populaires acadiennes suit son cours. Il entrera en vigueur l’année prochaine. Le président et chef de la direction, Camille Thériault, fait le point, dans une rencontre éditoriale avec l’Acadie Nouvelle, sur le processus ainsi que sur son avenir au sein de la Fédération.
vincent.pichard@acadienouvelle.com
Vous avez le projet de devenir une caisse unique. Où en êtes-vous dans vos démarches?
Légalement, nous allons devenir une caisse regroupée le 1er juillet 2016. Mais le 1er janvier 2016, les membres pourront aller dans n’importe quelle caisse au Nouveau-Brunswick et avoir accès à leurs comptes.
Le volet informatique est en cours, tout comme l’intégration des caisses en une seule entité. Actuellement, nous avons 15 caisses.
Cela signifie pour chacune d’entre elles un changement de culture, de méthodes de travail. Cinq caisses ont déjà été intégrées (Shippagan, Chaleur Fondateur, Dieppe-Memramcook et Trois-Rives). Les membres ne vont pas voir de grands bouleversements.
Nos membres continueront à bénéficier des avantages d’une coopérative. Si au comptoir, nous proposons les mêmes produits et services qu’une banque, notre structure est différente.
Vous espérez aussi être régi par une charte fédérale...
Le dernier volet sur lequel nous travaillons fort présentement, c’est notre demande au BSIF (Bureau du surintendant des institutions fédérales, NDLR), puisque notre projet de regroupement collectif s’accompagne d’un changement de cadre réglementaire.
L’obtention de la charte fédérale n’est pas liée directement à notre projet de caisse unique. Mais la province n’étant pas prête à prendre en charge la gestion du risque, nous profitons de l’ouverture de la charte fédérale des banques aux caisses populaires, décidée par le gouvernement à Ottawa. Nous sommes la première Caisse au Canada à déposer une telle demande. Il y a deux semaines, des gens du BSIF sont venus à Caraquet pour inspecter et observer nos méthodes. Ils ont vérifié notre capital. Je suis fier d’affirmer que nous sommes la caisse ayant le plus fort capital au Canada (plus de 3,5 G$ d’actifs, NDLR).
Ils nous ont testés sur notre liquidité. Là encore, nous sommes parmi les meilleurs au pays. Ils ont été émerveillés de voir la qualité de nos employés à Caraquet. Ça me fait chaud au coeur. À date, ça va très bien. Ce dossier au fédéral est un processus dont nous franchissons petit à petit les étapes. Rien ne nous laisse penser que nous ne respecterons pas les échéanciers que nous nous sommes fixés. Nous avons une équipe de 50 personnes qui travaille là-dessus.
Des postes vont-ils être supprimés?
Depuis le début, nous savons que 110 postes vont être impactés par cette transition: 70 dans le réseau et 40 au siège social, à Caraquet. La plupart le seront par attrition. Malheureusement, 20 personnes vont perdre directement leur emploi au siège social. Depuis le premier jour, nous jouons cartes sur table avec les employés.
Le projet a soulevé une certaine opposition parmi les membres...
Il n’y a pas eu tant d’opposition que ça. Quelque 92 % des membres qui ont voté étaient pour le projet. C’était un débat sur l’avenir de notre caisse, le futur de notre mouvement. Le débat a été sain.
Il y avait des pour et des contre, ce qui est tout à fait normal. Peu d’entreprises de notre stature au Nouveau-Brunswick ont eu un débat public sur leur avenir. C’est la beauté de notre système. Aujourd’hui, 50 % de nos membres pensent que nous sommes déjà une caisse unique.
Certains points de service vont-ils fermer?
Pour les trois prochaines années, il n’y aura aucune fermeture des points de service. Audelà, ce sera selon où nous en serons. La meilleure façon de s’assurer qu’aucun point de service ne ferme, c’est que les 155 000 membres soutiennent leur caisse. Moi, je vois plutôt des opportunités d’ouvertures.
Par exemple, à Miramichi, à Saint-Jean ou dans le nord de Moncton (dans le coin du Costco). Nous surveillons déjà certains marchés. Nous voulons nous assurer d’être au bon endroit.
Le point de service de Fredericton, non loin de l’ancienne prison, connaît des hauts et des bas. Sommes-nous à la bonne place? Certains de nos bâtiments sont vétustes. Celle de PetitRocher (où la première caisse populaire acadienne a été construite, en 1936) a un grand besoin de réparation, peut-être même devraitelle être remplacée. Mais devrions-nous la remplacer là où elle est ou la relocaliser plus au centre-ville de Petit-Rocher? Nous nous posons ce genre de questions.
Le mouvement coopératif traverse des crises, qui semblent vous épargner. Pourquoi?
Je ne peux parler au nom des autres structures. Nous concernant, nous avons toujours su nous moderniser. Nous avons su rester pertinents dans notre communauté, garder un rôle de premier plan. Avec notre nouveau système, notre pouvoir décisionnel reste ici. Nous n’avons pas peur de nous transformer. Nous ne sommes pas Kodak qui a raté le virage du digital. Et nous nous faisons un devoir de nous projeter en permanence là où nous serons dans 5, 10, 15 et 20 ans.
Justement, où sera la Caisse populaire acadienne dans 5, 10, 15 et 20 ans?
Nous allons continuer à changer. En ligne, il va nous falloir être beaucoup plus efficaces. Nos membres devraient pouvoir déposer une demande d’hypothèque par internet, par exemple. L’informatique devient incontournable. Il nous faudrait un centre d’appels aussi. Nous devons mieux desservir nos membres là où ils sont et non de là où nous sommes.
Serez-vous aux commandes de ces chantiers qui s’en viennent?
Je crois foncièrement qu’on ne peut changer sans changer le leadership en place. J’ai emporté la caisse aussi loin que je pouvais. Il est clair que dans les mois à venir, je ne serai plus là. Il faut quelqu’un d’autre, avec autant d’énergie que j’avais quand je suis arrivé en 2004. J’ai donné tout ce que j’avais à donner. Mon travail est de m’assurer qu’il y aura une succession après moi. Nous venons d’embaucher deux nouveaux vice-présidents. Je ne sais pas quand ni à qui je vais transmettre le flambeau. Je n’ai rien planifié. J’espère que ce sera une Acadienne ou un Acadien.