Un tsunami rouge aussi puissant qu’inattendu
Le balayage des dix circonscriptions néobrunswickoises par le Parti libéral, lors des élections de lundi, en a surpris plusieurs. Même les experts ne s’attendaient pas à voir les autres partis rayés de la carte.
Les sondages avançaient depuis des mois que les libéraux disposaient de solides appuis au Nouveau-Brunswick. La plupart des analystes s’attendaient à ce que la popularité de Justin Trudeau et de son parti fasse mal aux autres partis.
Mais à peu près personne n’avait prédit une telle dégelée. Lundi soir, les conservateurs ont assisté à la défaite de tous leurs candidats, même les députés sortants qui étaient considérés comme les moins menacés.
Quant aux néo-démocrates, ils ont vu le fief d’Yvon Godin leur filer entre les doigts. C’est à se demander si Acadie-Bathurst aurait même renvoyé ce vieux routier à Ottawa s’il avait tenté sa chance cette fois-ci. Quant aux autres gros joueurs du parti, ils ont tous frappé un mur rouge.
Mario Levesque, politologue à l’Université Mount Allison de Sackville, n’avait pas vu ce raz-de-marée venir.
Comme bien d’autres, il pensait que certaines circonscriptions allaient résister à la vague libérale, surtout dans le sud et l’ouest de la province, des régions où l’on trouve de profondes racines conservatrices.
«Je pensais que Tobique-Mactaquac, Fundy-Royal et Nouveau-Brunswick-SudOuest allaient demeurer conservatrices. Mais elles sont devenues rouges.»
Son collègue de l’Université de Moncton, Roger Ouellette, est dans le même bateau. Il ne s’attendait pas aux résultats de lundi soir.
«Ça me rappelle en 1987, quand McKenna avait pris le pouvoir et avait remporté les 58 circonscriptions (lors des élections provinciales au N.-B)», dit-il.
Selon lui, il s’agit vraiment d’un raz-demarée. «Il n’y a rien qui résiste à cela. Pas Acadie-Bathurst, pas Fundy-Royal. Tout y est passé.»
UN VOTE ANTI-HARPER?
La victoire des libéraux au NouveauBrunswick est sans équivoque. Tellement qu’on va finir par manquer de métaphores pour la décrire. Personne ou à peu près ne la remet en question.
On peut cependant se demander ce qui se cache derrière cette victoire. Les gens du Nouveau-Brunswick ont-ils voté pour Justin Trudeau ou contre Stephen Harper?
Selon Mario Levesque, on a bel et bien eu affaire à un vote anti-Harper.
«Je pense que la population était fatiguée de M. Harper. Ils ont dit “on ne veut plus M. Harper”, c’était un référendum sur M. Harper. Ils ne voulaient plus le voir. Je pense que c’est normal, lorsqu’un parti est au pouvoir depuis huit ou dix ans, la population devient un peu fatiguée», dit-il.
Roger Ouellette est à peu près du même avis.
«Je vois ça comme un vote-rejet de M. Harper lui-même. C’était un plébiscite. Il a une personnalité controversée. Certains l’aimaient beaucoup, certains le détestaient.»
Il estime que Justin Trudeau a vite compris que l’électorat canadien voulait montrer la porte à Stephen Harper et qu’il a bien joué ses cartes en exploitant ce filon.
«“Harper est contre le pot? Moi, je vais le légaliser. Tu ne veux pas avoir de déficit? Moi, je vais en faire” et ainsi de suite. Il s’est présenté comme l’antithèse de Harper. Le pauvre (Thomas) Mulcair a voulu être entre les deux. Il a été entre deux chaises.»
«Je pensais qu’il y aurait trois ou quatre conservateurs élus au Nouveau-Brunswick. J’avais tout de même prédit une majorité libérale», dit-il au lendemain des élections.