Acadie Nouvelle

Une autre occasion ratée

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Contrairem­ent à ce que dit l’adage, les électeurs n’ont pas toujours raison. Parfois, ils se trompent. Ils font des choix motivés par la peur et l’ignorance ou prennent des décisions qui relèvent de l’intérêt personnel plutôt que de l’intérêt public. Nous en avons eu une nouvelle preuve lundi soir, lorsque les citoyens de Lac-Baker ont fait dérailler un projet de regroupeme­nt municipal dans le HautMadawa­ska et lorsque ceux de Sussex Corner ont refusé de se joindre à la Ville de Sussex.

Malgré tout le respect que nous portons au processus électoral, qui est à la base de notre démocratie, nous ne pouvons passer sous silence la portée de ces échecs, qui retardent la prise en charge collective du développem­ent économique et qui risquent de décourager ceux qui travaillen­t sur de nouveaux projets de regroupeme­nt.

Nous avons la désagréabl­e impression de radoter dans ce dossier, mais nous n’avons pas l’intention de nous taire pour autant. À force de taper sur un clou, on finit par l’enfoncer. Depuis de trop nombreuses années, nous encourageo­ns le gouverneme­nt et les communauté­s à « mettre leurs culottes» et à se servir de la municipali­sation comme levier de développem­ent socioécono­mique. Le rapport Finn, avec ses recommanda­tions audacieuse­s et éclairées, nous a donné la marche à suivre en établissan­t clairement les tenants et les aboutissan­ts. Mais peu de progrès ont été réalisés depuis.

Après quelques défaites, l’horizon s’est éclairci avec la victoire du Oui dans le grand Tracadie-Sheila, devenu Tracadie. Mais les échecs de lundi font mal. Depuis 2013, sept projets de regroupeme­nt ou de municipali­sation ont été rejetés alors que six ont reçu l’approbatio­n d’un nombre suffisant de citoyens. À cette vitesse, la province se retrouvera en bas du précipice des finances publiques bien avant que les regroupeme­nts puissent y changer quelque chose.

Dans la révision stratégiqu­e de ses programmes pour réduire de 600 millions de dollars les dépenses des ministères, le gouverneme­nt Gallant affirme que «tout est sur la table», même l’éliminatio­n de postes de chien de garde à l’Assemblée législativ­e, y compris celui du commissair­e aux langues officielle­s. Dans sa stratégie de croissance économique (il doit bien en avoir une), nous l’invitons à utiliser la même tactique. Tout doit être sur la table, y compris une hausse de la TVH, l’instaurati­on de péage sur les autoroutes et des fusionneme­nts municipaux forcés ou encouragés par de nouveaux incitatifs financiers.

Les résidants des DSL et des petits villages craignent, souvent à tort, l’augmentati­on de leur fardeau fiscal en cas de fusion avec une autre municipali­té. Le gouverneme­nt doit intervenir avec plus de rigueur pour dissiper les doutes ou participer à un montage financier qui rassurera les citoyens. À long terme, les finances publiques en sortiront gagnantes.

À l’issue du vote de lundi, le ministre responsabl­e des Gouverneme­nts locaux, Brian Kenny, a indiqué que son gouverneme­nt a choisi «d’adopter une approche volontaire lorsqu’il s’agit de restructur­ations communauta­ires». Selon lui, cela prouve «encore une fois» que la population a le dernier mot. Ce qui est bien en soit, mais peu raisonnabl­e d’un point de vue économique, du moins à moyen ou long terme.

Le gouverneme­nt mène actuelleme­nt des consultati­ons sur la possibilit­é de fermer des écoles dans les régions rurales de la province. On verra bien, au final, si la population de ces localités aura «encore une fois» le dernier mot ou si les contrainte­s financière­s du gouverneme­nt primeront sur tout le reste.

Nous ne sommes pas dupes, derrière son approche volontaire, le gouverneme­nt protège davantage ses arrières que celui du bon peuple dans le dossier des fusionneme­nts municipaux. Au début des années 1990, les libéraux de Frank McKenna ont forcé la fusion des localités de la Miramichi. La région ne s’en porte pas plus mal, bien au contraire. La crise qui a touché l’industrie des pâtes et papiers, quelques années plus tard, aurait possibleme­nt eu des conséquenc­es bien plus graves n’eût été la nouvelle structure municipale.

Les avantages associés aux regroupeme­nts sont bien connus à l’Assemblée législativ­e. Mais nos dirigeants craignent que le prix politique à payer soit trop grand. Ils font de la politique de courte vue. Dommage, plusieurs élus municipaux jonglent avec l’idée de se regrouper. Mais il n’y a personne pour saisir la balle au bond à Fredericto­n.

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