Pathétique
Brian Gallant a tenu des propos irresponsables en remettant en question le travail de la commissaire. Son gouvernement a beau chercher à réparer les pots cassés, il faudra du temps pour nous faire oublier une telle bourde et pour calmer l’ardeur des opposants à la Loi sur les langues officielles, à qui il a donné une tribune inespérée.
En 1982, lors d’audiences publiques, des oeufs sont lancés par des participants anglophones en direction des coprésidents de la commission PoirierBa star ache, à Miramichi et Riverview. Leur rapport mena, non sans peine, à la reconnaissance de l’égalité des deux langues officielles au Nouveau-Brunswick.
En 2015, la commissaire aux langues officielles, Katherine d’Entremont, doit défendre et expliquer son rôle devant les élus provinciaux. Des manifestants anglophones tentent de perturber ses interventions en toussant bruyamment et en se raclant la gorge.
Plus ça change, plus c’est pareil dans le dossier linguistique au Nouveau-Brunswick. Depuis 30 ans, il y a eu du progrès sur plusieurs fronts et des avancées indéniables qui ont permis à la communauté francophone de s’épanouir et de lutter contre les effets de l’assimilation. Mais peu de gains sont le résultat d’un consensus ou d’un débat éclairé, basé sur les faits. Il a fallu recourir aux tribunaux plus souvent qu’à notre tour. Il a fallu se défendre, démontrer, mettre le poing sur la table et les points sur les i. Le fardeau de la preuve est toujours de notre côté.
L’équilibre linguistique est bien fragile dans la province. L’harmonie entre les deux communautés est une lubie de politiciens, qui s’en servent comme d’une carte d’affaires dans un banquet. Une francophobie latente menace de s’enflammer à la moindre étincelle. Et la majorité silencieuse anglophone, qui serait pour le bilinguisme selon les sondages, demeure silencieuse la plupart du temps.
Ce qui est inacceptable dans le cas qui défraye les manchettes depuis une semaine, c’est que celui qui a soufflé sur les braises est le premier ministre luimême, celui qui devrait se placer au-dessus de la mêlée et faire preuve de leadership. Il a failli à la tâche.
Brian Gallant a tenu des propos irresponsables en remettant en question le travail de la commissaire. Son gouvernement a beau chercher à réparer les pots cassés, il faudra du temps pour nous faire oublier une telle bourde et pour calmer l’ardeur des opposants à la Loi sur les langues officielles, à qui il a donné une tribune inespérée.
La gestion de cette affaire sent l’amateurisme à plein nez. Serge Rousselle, constitutionnaliste et expert en matière de droits linguistiques, affirme qu’il «n’a vu à ce jour que du bon travail de Mme d’Entremont». Des propos qui détonnent par rapport à ceux du premier ministre et du ministre responsable du dossier des langues officielles, Donald Arseneault, qui disaient que la commissaire s’était aventurée trop loin et cherchait la confrontation (en enquêtant de son propre chef sur un travailleur unilingue dans un édifice gouvernemental).
En pleine controverse, le gouvernement lance un examen des postes de hauts fonctionnaires indépendant et le ministre responsable, Victor Boudreau, répète que «tout est sur la table» au sujet de l’avenir du commissariat aux langues officielles, tout en affirmant, du même souffle, que les droits des francophones seront respectés...
Ça ne vole pas plus haut du côté de l’opposition, où les conservateurs disent aussi une chose et son contraire dans la même phrase. On y perd notre latin. On ne sait plus s’ils sont pour, contre, ou tout simplement dans le champ. Ils affirment que la commissaire a agi dans les limites de son mandat, mais ils veulent modifier la loi pour qu’elle ne puisse plus agir comme elle l’a fait. Avant de toucher à la Loi sur les langues officielles, nous les invitons à la lire attentivement et, surtout, à comprendre sa portée. Du côté du NPD, alors là, c’est le niveau rase moquette. Le chef ne perd plus une occasion pour casser du sucre sur le dos des francophones. Il voudrait accueillir les militants antibilinguisme dans ses rangs qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
À force de marcher sur des oeufs dans le dossier linguistique, à vouloir ménager la chèvre et le chou, les gouvernements font de beaux dégâts et sèment la pagaille dans la basse-cour, au grand plaisir des loups, qui ne rôdent jamais loin.