RINO MORIN ROSSIGNOL: L’ÉGALITÉ DES SEXES, C’EST 100% OU RIEN!
Madame, pour célébrer la journée internationale des femmes, je propose que le 8 mars devienne un congé férié! Pour les femmes seulement. Vous pourrez magasiner, visiter l’esthéticienne et passer chez la coiffeuse. Bref: vous faire belles pour les hommes!
Et si vous ne perdez pas votre temps en chemin à papoter avec vos copines en congé, vous pourrez rentrer tôt à la maison faire le ménage, préparer le souper, superviser les devoirs des enfants, leur donner leur bain, préparer leur lunch du lendemain et, enfin – chanceuses! – vous jeter dans les bras de votre mari pour lui prouver votre amour!
Pas beau, ça?
Vous aurez compris que j’ironise. Sinon, je suis cuit!
Sérieusement, ce serait sinistre de tenir des propos aussi sexistes en 2017. Pourtant, il y a encore une vingtaine d’années, on entendait souvent de telles sottises. Et des pires! Les temps ont bien changé. Quand on dit «les temps ont bien changé», on a l’impression que les temps changent tout seul, qu’ils changent par eux-mêmes, un peu comme les saisons vont et viennent dans le calendrier de l’éternité sans que nous n’ayons quoi que ce soit à dire ou à faire.
Mais non, les temps ont changé parce que les gens ont changé. Et les gens ont changé parce que les consciences ont changé. Et, dans le cas de la femme, les consciences ont changé parce que les femmes, qui savaient depuis toujours les iniquités qu’elles devaient subir, ont pris conscience qu’elles avaient en elles le pouvoir de conscientiser aussi les hommes à l’injustice originelle qui leur était faite.
Je ne sais pas trop comment expliquer le phénomène qui s’est passé à partir du mitan des années 1960, mais force est de reconnaître que cette époque marque une sorte de rencontre des astres (ah! l’ère du Verseau…) qui a fait exploser littéralement les mouvements de libération partout sur terre: libération de la femme, des Noirs, des gays, des peuples colonisés, de la spiritualité, des moeurs, des sciences, des arts…
Naturellement, cette explosion libératrice a une genèse beaucoup plus ancienne, plus profonde. En fait, on se doute bien que cet instinct libérateur existait de tout temps dans la conscience de quelques esprits éclairés, même s’il a fallu attendre cette conjoncture civilisationnelle de la deuxième moitié extraordinairement fertile et créatrice du XXe siècle pour faire sauter le presto.
Quoi qu’il en soit, on ne peut que s’en réjouir!
Et tandis que de plus en plus d’hommes osent, justement, s’en réjouir, les femmes peuvent de leur côté s’enorgueillir d’avoir pu disloquer ce patriarcat dominateur étouffant qui les assujettissait. Parce qu’elles ont dû se battre à armes inégales contre le pouvoir économique du mâle dominateur tout-puissant.
Ce patriarcat primitif infligé aux femmes par les hommes dès leur naissance est disloqué, certes, mais pas encore anéanti. Le pouvoir mâle résiste.
Pour vaincre ce pouvoir, il en faut un plus fort: celui de la conscience. Celui qui mène à la liberté individuelle et collective.
C’est ce que les femmes ont apporté de plus radicalement transformateur dans la société occidentale: cette conscience.
Bien sûr, tout n’est pas parfait dans notre société occidentale.
Les problèmes d’équité salariale font encore les manchettes. Tout comme la question de la parité hommes-femmes dans les assemblées parlementaires, les cabinets de ministres, les conseils exécutifs ou administratifs. Que dire des femmes au foyer, des aidantes naturelles, des femmes violentées, des victimes d’agression sexuelle? Toutes celles qu’on laisse trop souvent se débattre seules face aux écueils de leur réalité quotidienne?
On a encore du pain sur la planche! Ce qui serait bien, en un jour comme le 8 mars, c’est que tous les hommes puissent dire aux femmes: «maintenant, vous n’êtes plus seules, nous vous épaulerons».
Mais ce qui serait encore mieux, c’est que les femmes n’aient plus à se battre pour cette égalité qui leur revient de droit, comme à tous les hommes. Y arrivera-t-on un jour? Ensemble?
Cela dit, lorsque nous aurons atteint cet état idéal, ici, il restera encore la situation des femmes qui, ailleurs dans le monde, vivent dans des conditions extrêmement violentes, dans une indigence sociale, culturelle, religieuse et économique totale, absolument indigne de l’humanité à laquelle nous prétendons appartenir. N’oublions pas que le 8 mars est officiellement la journée internationale des droits des femmes.
Il n’y a pas trente-six façons de le dire: l’idéal de la journée internationale des femmes ne sera atteint que lorsque l’humanité n’aura plus besoin d’une telle journée pour se souvenir de ses manquements envers les femmes.
CYBERATTAQUE
J’ai dit plus haut que tout n’est pas parfait dans notre société occidentale et l’affaire des courriels compromettants à caractère sexuel à l’Université de Moncton en offre ces jours-ci un exemple patent, aussi infâme que violent.
Voilà un dossier chaud qui suscite un émoi bien compréhensible et moult commentaires ahuris, dont certains m’étonnent. En particulier, cette idée que l’Université devrait (ou aurait dû) verrouiller son système de courriels pour interrompre cette cyberattaque, quitte à faire fi du sacrosaint principe de la liberté d’expression.
Restreindre la liberté d’expression est une affaire très sérieuse qu’on ne peut balayer du revers de la main quand ça ne nous plaît pas. Sinon, on va droit dans le mur de la censure.
Il suffit de fureter un peu dans les commentaires sur Facebook pour constater jusqu’à quel point on réclame souvent de museler des gens pour ne pas entendre des propos controversés. On doit rester vigilant devant ces appels au silence, même s’ils sont lancés par souci altruiste, parce qu’en fin de compte, quand on limite la liberté de parole de quelqu’un, on limite la liberté de parole de tout le monde.
Et c’est encore plus radioactif à l’heure où l’axe de la planète penche dangereusement vers la droite!
Il n’y a pas cinquante nuances de liberté, comme il n’y a pas cinquante nuances d’égalité. C’est 100% ou rien! Les femmes en savent quelque chose et c’est exactement ce qu’elles s’évertuent à dire à l’univers depuis la nuit des Temps.
Han, Madame?