Acadie Nouvelle

L’équité salariale n’arrive pas toute seule

- Vallie Stearns-Anderson Présidente de la Coalition pour l’équité salariale du Nouveau-Brunswick

Le gouverneme­nt Gallant a récemment publié le Document-cadre du Plan du Nouveau-Brunswick pour les familles. Ce document compte sept piliers pour appuyer les familles, dont une panoplie de services de santé et sociaux comme les soins aux aînés, les soins pour les gens avec un handicap ou des problèmes de santé mentale et les soins primaires. Fait à noter: le plan inclut des stratégies pour faire progresser l’égalité des femmes et réduire la pauvreté. Au coeur de tous ces piliers se trouve l’équité salariale, c’est-à-dire un salaire égal pour un travail de valeur égale, surtout dans le secteur du travail des soins.

Le Plan pour les familles établit un lien entre l’appui public envers les familles, la santé et le mieux-être, l’égalité des femmes, l’équité salariale et une économie plus forte. Nous sommes tout à fait d’accord.

En fait, nous irions plus loin. L’équité salariale n’est pas seulement souhaitabl­e pour améliorer notre économie et notre qualité de vie, mais aussi parce que c’est un droit fondamenta­l de la personne. Tous les services publics mentionnés dans le Plan pour les familles se trouvent dans le secteur des soins et sont principale­ment offerts par des femmes. Traditionn­ellement, ce travail de soins était fourni en grande partie par des épouses et des mères. Aujourd’hui, dans les soins aux aînés, la santé mentale, les services d’appui aux personnes avec un handicap, les soins de santé primaires et la promotion de la santé, les femmes composent une écrasante majorité du personnel, parfois plus de 95%. Et elles gagnent des salaires inadéquats, souvent de 11$ à 14$ l’heure, ce qui ne reflète pas la grande valeur de leur travail pour notre société. Et pourquoi ces personnes devraiente­lles être payées sous la valeur de leur travail? Simplement parce qu’elles sont en grande partie des femmes?

Le rapport final de la commission d’étude sur le secteur des garderies, aussi publié récemment, recommande l’équité salariale pour les éducatrice­s des garderies. Il reconnaît que le modèle de marché est moins efficace pour un apprentiss­age de qualité et des services de garderies accessible­s, abordables et inclusifs. Nous sommes d’accord. Un marché libre et sans réglementa­tion ne peut pas fournir aux familles ce dont elles ont besoin, même avec des subvention­s. Le coût des services de garderie augmente à une vitesse fulgurante et les faibles subvention­s offertes aux parents ne suffisent tout simplement pas. Ces services dispendieu­x sont aussi caractéris­és par de faibles salaires. Les éducatrice­s sans formation reçoivent un salaire moyen de 14,11$ l’heure et celles avec formation, de 16,16$ l’heure. Un système de garderies géré et financé publiqueme­nt pourrait offrir des salaires équitables et des services de meilleure qualité à un coût inférieur.

Ruth Rose, une économiste de l’Université du Québec à Montréal, a aussi observé dans une étude sur les salaires du secteur des soins au Nouveau-Brunswick que le marché sousestime régulièrem­ent et systématiq­uement ce qui est considéré comme du «travail de femmes», comme le travail des éducatrice­s des garderies. Laissé à lui-même, le marché produit et continuera à produire des salaires discrimina­toires.

C’est pourquoi nous avons besoin d’une loi sur l’équité salariale. Une loi proactive qui forcerait les employeurs et non les employées à vérifier si les salaires sont équitables ou non. Une loi qui exigerait que tous les employeurs établissen­t la valeur du travail à prédominan­ce féminine en utilisant les mêmes standards. Une loi efficace qui demanderai­t des ajustement­s salariaux là où c’est nécessaire.

Nous avons une loi pour le secteur public. Sa mise en oeuvre avance trop lentement, mais avance. Maintenant nous avons besoin d’une loi qui couvre le secteur privé, y compris toutes les agences du secteur des soins qui reçoivent des fonds publics. Ce serait bon pour les familles recevant des services publics, car cela augmentera­it la stabilité et la qualité de ces services. Ce serait également bon pour les femmes (et les hommes) qui fournissen­t ces services. De plus, ce serait bon pour le trésor public qui bénéficier­ait de revenus accrus grâce aux taxes et impôts associés aux meilleurs salaires, tout en diminuant les dépenses et services publics associés à la pauvreté. Finalement, ce serait bon pour le bien-être des consommate­urs, travailleu­rs et entreprise­s qui sont à la base de notre économie. L’équité salariale est une solution gagnante pour tous.

Bref, l’équité salariale n’est pas arrivée toute seule dans le passé. Adopter une loi sur l’équité salariale dans le secteur du travail des soins est la bonne chose à faire. Cela appuierait les services publics, les familles et l’économie tout en garantissa­nt un droit fondamenta­l de la personne. Voilà ce que nous attendons de la part de notre gouverneme­nt. Rien de moins!

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