Bilinguisme: Alcool NB se fait (encore) brasser par la commissaire
Alcool NB a encore des croûtes à manger en matière de bilinguisme. C’est la conclusion à laquelle en arrive la commissaire aux langues officielles dans un rapport d’enquête obtenu par l’Acadie Nouvelle.
Après avoir reçu dix plaintes visant cette société de la Couronne en quelques mois, la commissaire Katherine d’Entremont a lancé une enquête systémique en 2016 afin d’y voir plus clair.
Les plaignants avaient notamment porté à son attention des publicités mal traduites, des messages au français boiteux publiés dans les réseaux sociaux et des services en français inexistants à la caisse de succursales à Fredericton, à Moncton et à Rogersville.
La commissaire a eu des échanges avec Alcool NB pour comprendre le contexte entourant les événements rapportés. Elle a aussi envoyé une enquêteuse sur le terrain afin de vérifier la qualité des services bilingues.
Au terme de son enquête, elle a jugé que les plaintes étaient fondées et qu’Alcool NB avait manqué à ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles du NouveauBrunswick (sauf dans le cas de Rogersville, puisque la plainte portait sur les services offerts dans magasin de franchise, donc non assujetti à la LLO). Cette loi contraint la société de la Couronne à fournir des services et à communiquer en anglais et en français.
Dans son rapport, datant du 1er mars, Katherine d’Entremont émet huit recommandations. Elle invite entre autres la société de la Couronne à évaluer le nombre d’employés bilingues requis pour chacun de ses magasins et d’embaucher des employés bilingues pour combler les lacunes identifiées.
Elle lui recommande aussi d’installer une fiche aide-mémoire comprenant des phrases dans les deux langues officielles à chaque caisse et de s’assurer que des services bilingues soient offerts à chacune des caisses, et ce, dans toutes ses succursales de la province.
PRISE EN FLAGRANT DÉLIT
Dans le cadre de l’enquête, une employée du commissariat s’est rendue dans une succursale d’Alcool NB de Fredericton (qui était visée par l’une des plaintes) afin de voir si elle parviendrait à obtenir un service en français. Elle a tenté l’expérience à trois reprises en deux semaines, sans succès.
Un incident «malheureux» s’est même produit lors de l’une de ces vérifications, apprend-on dans le rapport, lorsqu’une préposée s’est comportée de façon pour le moins douteuse.
Ce jour-là, lorsque l’enquêteuse s’est présentée à la caisse avec ses achats et a indiqué que la langue de son choix était le français, la préposée d’Alcool NB lui a demandé - en anglais - de lui présenter une pièce d’identité.
L’enquêteuse a demandé à ce que cet échange se déroule en français. C’est là que les choses se sont gâtées lorsque «l’employée, visiblement mécontente, a crié: “Oh...so you want a bilingual service..?!”»
Toujours selon le rapport, «plusieurs clients attendaient en ligne, certains ont même affirmé leur frustration en traduisant l’information et en indiquant que la préposée souhaitait tout simplement voir une pièce d’identité».
Ce n’est qu’«après environ deux minutes» qu’un autre employé est venu à la rescousse et a traduit les phrases de la préposée unilingues.
Cette situation ainsi que les faits allégués dans deux dossiers de plaignants font dire à la commissaire que «bon nombre de succursales d’ANBL ne sont pas en mesure de respecter leurs obligations linguistiques que lui impose la LLO», contrairement à ce qu’a affirmé la société à plus d’une reprise par le passé.
ALCOOL NB DÉJÀ À L’OEUVRE
La commissaire n’y va pas du revers de la main dans son rapport. Cela ne l’a pas empêché de souligner la collaboration d’Alcool NB dans le cadre de son enquête systémique.
Elle affirme que son travail aurait été pas mal plus ardu, n’eût été de «la collaboration et de la volonté des représentants de l’institution à corriger la situation lorsqu’ils ont pris conscience de l’étendue du problème».
Son rapport fait d’ailleurs état de nombreux changements promis par Alcool NB afin de l’aider à respecter la Loi sur les langues officielles.
Du nombre, on compte notamment la modification de divers processus internes liés à la correction et à la traduction des communications, à la tenue de discussions hebdomadaires sur l’offre active de services bilingues dans les magasins et l’examen du profil linguistique des succursales.
Nous avons contacté le commissariat aux langues officielles et Alcool NB afin d’obtenir des commentaires sur ce rapport, mardi en toute fin d’après-midi.
Un porte-parole du commissariat nous a répondu que Katherine d’Entremont est en congé et qu’elle n’est pas disponible pour une entrevue. Quant à notre demande auprès d’Alcool NB, elle n’a pas porté ses fruits immédiatement.