J.D. Irving veut faire taire un journaliste de la CBC
J.D. Irving tente de museler le journaliste Jacques Poitras, prétextant que son impartialité est compromise et qu’il se trouve en situation de conflit d’intérêts.
Le 9 février 2017, William McDowell, conseiller juridique de J.D. Irving Limited, a rédigé une lettre de plainte à l’attention de l’ombudsman de la CBC, Esther Enkin. Il y demande que le diffuseur public interdise à Jacques Poitras de traiter de sujets qui touchent aux intérêts d’Irving et qu’il cesse de tweeter sur son compte personnel.
Le journaliste spécialiste des affaires provinciales est décrit comme «un critique implacable» de JDI et de Brunswick News, une composante du conglomérat d’entreprises Irving.
M. McDowell estime que sur Twitter, dans ses prises de paroles publiques et dans son livre, Jacques Poitras exprime un point de vue négatif sur JDI et les Irving, notamment lorsqu’il dénonce la concentration des médias dans la province ou l’influence de la famille sur le gouvernement.
«Il est difficile pour notre client d’imaginer comment il peut s’attendre à un traitement équitable de M. Poitras dans son rôle de journaliste», écrit-il.
Son client reproche au journaliste d’utiliser, en plus d’un compte Twitter professionnel (@poitrasCBC), un compte Twitter personnel (@PoitrasBook), dont il se sert pour faire la promotion des livres dont il est l’auteur.
Il est question tout particulièrement de son ouvrage Irving vs Irving, dans lequel il fait le portrait de l’empire médiatique des Irving et de ses rapports avec les autres entreprises contrôlées par la famille.
Le représentant de JDI note que le journaliste partage des articles au sujet des Irving sur ce compte personnel, ce qui serait un travail journalistique selon lui. Il juge que Jacques Poitras se retrouve ainsi en position de conflit d’intérêts, profitant de sa réputation de journaliste pour vendre ses livres.
L’OMBUDSMAN REFUSE TOUTE CENSURE
En début de semaine, l’ombudsman de CBC a répondu à la plainte sur le site du diffuseur. Pour Esther Enkin, il n’est pas question de forcer Jacques Poitras à se censurer.
«Son travail est conforme aux normes et pratiques journalistiques de la CBC et il n’est pas raisonnable de dire qu’il ne peut pas faire couvrir de sujets liés à Irving.»
Il souligne que dans son livre, Jacques Poitras n’exprime pas des opinions biaisées: il expose au contraire des faits et présente un contexte qu’il éclaire en apportant différentes perspectives.
Esther Enkin ajoute que le journaliste n’a jamais fait la promotion de ses ouvrages sur son compte professionnel. Quant au partage d’articles sur son compte personnel, l’ombudsman n’y voit pas une pratique problématique.
«Vous déclarez qu’il y a un conflit d’intérêts parce que les tweets que M. Poitras publie relèvent du journalisme. Si c’est le cas, alors nous sommes tous des journalistes.»
M. Enkin conclut qu’il n’y a donc pas de conflit d’intérêts, mais plutôt une perception de conflit d’intérêt qui appelle à davantage de vigilance pour éviter toute confusion des rôles. n
«M. Poitras utilise son compte promotionnel personnel pour tweeter sur des questions touchant Irving et qu’il couvre pour CBC et se sert de son compte CBC pour tweeter sur des sujets qu’il a couverts dans son livre.»