LA FIN DU Õ ST-PIERRE À BATHURST
La Brasserie Õ St-Pierre était un lieu de rassemblement pour les Acadiens
Une page se tourne sur un lieu emblématique pour les francophones, à Bathurst. Les locaux de l’ancienne Brasserie Õ St-Pierre, qui avait pignon sur rue dans le secteur ouest de la ville pendant trois décennies, sont démolis.
Le centre commercial Supermall, sur l’avenue St. Peter, est réaménagé pour accueillir un magasin Giant Tiger, qui aura une superficie de près de 24 000 pieds carrés.
La chaîne prévoit ouvrir ses portes en juillet.
Le commerce de meubles et d’électroménagers Brick, qui se trouvait au coin, a déménagé sur la rue St. Anne. Le Rossy n’est plus là également.
L’espace qui a longtemps abrité la Brasserie Õ St-Pierre est tombé sous le pic des démolisseurs.
C’est avec un pincement au coeur que le premier propriétaire de ce bar restaurant a vu les gravats de ce qui a constitué sa vie.
«En regardant les gens travailler à la démolition, ça m’a ramené au temps où nous étions en train de construire la brasserie, il y a 33 ans. C’est la fin d’une époque. Il faut passer à autre chose, sauf que ça me frappe, c’est sûr. Ça a été toute ma vie et honnêtement, je n’ai aucun regret. Je n’ai que des bons souvenirs. Ça m’a permis de rencontrer des gens et des employés extraordinaires», a confié Hervé Mallet, très ému.
Le 10 février 1984, les jeunes Hervé Mallet et Claude Goupil, originaires de Shippagan, défiaient l’establishment anglophone en ouvrant cette brasserie. À cette époque, il fallait de l’audace pour apposer une enseigne seulement dans la langue de Molière dans la ville de Bathurst, qui plus est en francisant la rue St. Peter. Le bar-terrasse s’est rapidement bâti une bonne réputation, grâce au concept et au professionnalisme du propriétaire et de son personnel.
«À la brasserie, nous nous sentions chez nous, en famille. Presque tout le monde se connaissait. C’est une des terrasses qui a le mieux fonctionné dans l’histoire de Bathurst. C’était un endroit chaleureux. Le propriétaire était presque toujours là. Il avait de l’entregent. Il y avait très peu de changements dans le personnel, donc ça en dit beaucoup», vante Ronald Godin, un client du début à la fin.
«Il y a des générations de père en fils et de mère en fille qui sont venues à la brasserie. Hervé a été un des pionniers dans l’affichage unilingue français. C’est vrai que l’endroit était plus identifié francophone, mais au fur et à mesure, un certain nombre d’anglophones se sont aperçus qu’il y avait quelque chose de spécial là et ils l’ont adopté», explique le citoyen de Bathurst.
L’établissement était aussi reconnu pour la place qu’il donnait aux artistes.
«Chaque 26 décembre, je présentais un spectacle avec des invités surprises. Les gens achetaient leur billet, sans savoir qui serait là. C’était devenu une tradition pendant une dizaine d’années. Nous avons repris cette formule dans la Péninsule acadienne avec Jean-François Breau, ensuite avec le concept Trois gars une fille, à Tracadie, et par la suite, Trois gars du nord, qui tourne un peu partout», relate le chanteur Danny Boudreau.
«C’est aussi à la brasserie que nous avons débuté le groupe Nova. Il y avait beaucoup de place pour la musique francophone. Il y avait de tout, mais si on voulait jouer en français, c’était l’endroit.»
En 2012, Hervé Mallet vendait son établissement.
La brasserie est passée entre d’autres mains en 2014, avant de cesser définitivement ses activités l’année suivante.
«Nous étions écervelés je dirais. Il n’était pas question pour nous d’ouvrir une brasserie anglophone. Nous n’avions rien contre les anglophones, sauf qu’il y avait un gros manque pour ce service à l’égard des francophones. Nous avons osé, sans bien mesurer ce que nous faisions», soutient M. Mallet.