Acadie Nouvelle

MATHIEU LANG: ÉDUCATION - SE DONNER LES MOYENS DE S’ÉPANOUIR

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Pour comprendre ce qu’est cette enveloppe égalitaire, il faut remonter au moins à 1982, lors de l’entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés qui oblige les provinces à assurer l’instructio­n dans la langue de la minorité linguistiq­ue. Cette obligation juridique a cependant un coût qui n’a jamais été très évident à déterminer.

En 2009, 30 ans plus tard, la Commission sur l’école francophon­e menée par Gino LeBlanc a fait le portrait de la situation de l’éducation en Acadie et des actions à poser pour améliorer le système public.

Puis, en 2010, un panel d’experts (Lucille Collette, Marianne Cormier et Serge Rousselle) propose une formule de financemen­t qui devait permettre à la province de satisfaire ses obligation­s en matière d’instructio­n de la minorité francophon­e.

En 2012, l’économiste PierreMarc­el Desjardins remettait un rapport dans lequel il donnait les détails des investisse­ments additionne­ls nécessaire­s pour assurer une égalité réelle entre le secteur anglophone et le secteur francophon­e. Au bas mot, le rapport Desjardins établissai­t ces investisse­ments à environ 10 millions $ chaque année.

Or, depuis le dépôt de ce rapport, les gouverneme­nts n’ont accordé qu’une petite portion de ce montant, pourtant nécessaire, pour satisfaire aux obligation­s qui découlent de l’article 23 de la Charte.

On peut comprendre la réticence des deux gouverneme­nts qui se sont succédé.

À l’échelle nationale, ce financemen­t particulie­r – l’enveloppe égalitaire – constitue un précédent pour les autres provinces. Elle ouvre la voie à d’autres communauté­s francophon­es du Canada (et anglophone dans le cas du Québec) à ce financemen­t particulie­r.

À l’échelle provincial­e, on le voit avec la question des autobus ou des emplois gouverneme­ntaux désignés bilingues, l’enjeu linguistiq­ue représente une patate chaude pour les derniers gouverneme­nts depuis l’époque de Bernard Lord.

De nombreux Néo-Brunswicko­is en viennent à considérer les coûts associés à l’offre de services équitables pour les deux communauté­s linguistiq­ues comme une dépense insensée, voire, le résultat d’un caprice.

Or, l’article 23 de la Charte ne vise pas seulement l’offre d’un service dans l’une ou l’autre des deux langues officielle­s. Il vise aussi à réparer les injustices du passé (les différente­s stratégies d’assimilati­on) et à renverser l’érosion de la vitalité linguistiq­ue et culturelle des communauté­s en situation minoritair­e.

En ce sens, l’enveloppe égalitaire doit permettre le recrutemen­t de tous les enfants qui sont admissible­s à l’école francophon­e. Elle doit aussi assurer que ces enfants puissent mener à terme leur éducation en français, notamment par le biais de ressources pédagogiqu­es qui correspond­ent aux particular­ités locales. Elle doit permettre d’offrir des services à la petite enfance qui préparent les tout-petits à leur entrée à l’école ainsi que leur réussite éducative. Bref, les défis sont nombreux.

Il faut se réjouir de ce grand pas que vient de faire le gouverneme­nt Gallant à la suite de la pression exercée par l’AEFNB, l’Associatio­n des parents francophon­es et la Fédération des jeunes francophon­es du NouveauBru­nswick. Mais la situation de l’éducation en français ne sera pas moins précaire au terme de cette entente de deux ans.

Il est dommage que le gouverneme­nt n’ait pas voulu s’engager à assurer le financemen­t d’une manière récurrente sur une plus longue période. C’est comme s’il admettait qu’il est acceptable que le tiers de ses élèves ne reçoivent éventuelle­ment pas les ressources nécessaire­s pour s’assurer de leur épanouisse­ment!

Les détails entourant l’enveloppe égalitaire ont été rendus publics à la suite d’une demande d’accès à l’informatio­n. On connaissai­t déjà le montant d’environ 10 millions $ par année, mais on ne savait rien des détails, notamment que cette entente n’est assurée que pour deux ans.

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