L’industrie cinématographique du N.-B. tourne au ralenti
Les acteurs de l’industrie cinématographique au Nouveau-Brunswick aimeraient que la province devienne une terre de tournages reconnue. Pour y parvenir, ils comptent sur l’aide du gouvernement.
Le directeur du Cinéma du centre, à Caraquet, le constate, les films ayant une consonance néo-brunswickoise attirent les foules.
En novembre, les projections des documentaires Zachary Richard, toujours batailleur, de Phil Comeau, et Simplement Viola, de Rodolphe Caron, ont déplacé les spectateurs.
«Il y a un public pour ça», observe Paul Marcel Albert.
Depuis les premiers tournages dans la province, l’industrie cinématographique perdure, mais elle peine. D’après les producteurs, elle n’est pas suffisamment soutenue par le gouvernement. Tous les ans, Fredericton investit 2,5 millions $ dans différents projets, sélectionnés selon certains critères.
Auparavant, le programme de soutien était plus élaboré. Des crédits d’impôt étaient accordés. Les sommes allouées étaient plus conséquentes. En 1998-1999, elles s’élevaient à 5,5 millions $; en 20072008, elles ont dépassé les 6 millions $.
En arrivant au pouvoir, en 2010, les conservateurs ont épuré le dispositif. Quand ils leur ont succédé, quatre ans plus tard, les libéraux ont instauré ce système d’enveloppe fixe de 2,5 millions $.
«Il y a eu des années de flottement», considère Maryse Chapdelaine, à la tête de Ça tourne productions avec la cinéaste Renée Blanchar.
Faute d’un engagement gouvernemental plus fort, des compagnies souscrivent des emprunts ou puisent dans leurs économies pour boucler des budgets.
«Ça fragilise les boîtes de production», met en garde René Savoie, le propriétaire des Productions du milieu et président de Média NB (l’association des producteurs francophones, anglophones et autochtones du Nouveau-Brunswick).
Il admet avoir refusé des idées de réalisateurs parce qu’il savait que la province ne s’impliquerait pas.
«Ça m’est arrivé il y a trois mois. C’était un projet de série documentaire sur le monde avec une société du Québec. Ça aurait fait travailler des techniciens d’ici, notamment un caméraman pour la production et un réalisateur pour la postprod.»
FUITE VERS MONTRÉAL
René Savoie n’est pas le seul dans cette situation. Certains professionnels sont partis faire carrière ailleurs.
«On assiste à une fuite des talents pour Montréal où il y a plus de possibilités.»
Lui ne veut pas s’en aller – «Ma vie est au Nouveau-Brunswick. Je viens de l’Acadie.» –, mais le contexte ne le satisfait pas.
«On pourrait faire des années records, doubler nos bénéfices. Là, on survit. On est contraint de mettre nos employés momentanément au chômage technique.»
Les Productions du milieu se portent mieux qu’à une époque.
«Depuis un an, ça va parce qu’on a vendu de bons projets. J’en ai d’autres à lancer, mais j’ignore si je vais pouvoir les mener à terme.»
Les membres de Média NB ont espoir que Fredericton revoit sa position. Le 5 août, le ministre du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture a formé un comité consultatif composé de représentants de l’industrie.
Sa mission: informer John Ames des enjeux auxquels ils sont confrontés et lui proposer les solutions à mettre en place pour y faire face. René Savoie siège à ce comité. Lui et ses collègues militent pour une refonte du système d’aides à la production de films.
«En fixant des maximums par genre et par compagnies, on empêche l’expansion de notre industrie. On la sous-alimente. Le budget du programme de soutien doit être souple et ouvert.»
Dans l’immédiat, le comité demande à ce que l’enveloppe pour l’exercice 20172018 ne plus de 2,5 millions $, mais bien de 3,5 millions $. «Ça sauverait les meubles». La prochaine rencontre avec le ministre est prévue le 5 avril.