Les gens des Maritimes sont moins enclins à acheter usagé
Que ce soit sur Kijiji ou chez les prêteurs sur gages, les transactions de seconde main sont plus rares dans l’Est du Canada qu’ailleurs au pays.
Depuis 35 ans, les clients en quête de prix réduits et ceux qui souhaitent échanger leur collection de films contre un peu d’argent, se retrouvent au Parlour Pawn, situé sur le chemin Mountain à Moncton. Des bijoux aux outils de bricolage en passant par les instruments de musique et les figurines, les locaux du prêteur sur gages sont une vraie caverne d’Ali Baba.
Jeux vidéo, télévisions, téléphones cellulaires, ordinateurs portables: les produits multimédias sont de loin les plus populaires. «Les instruments sont aussi très demandés, indique Luc Vautour, assistant gérant. La moitié de nos prêts sur gages, ce sont des métaux précieux.»
En poste depuis six ans, il a vu la valeur de la plupart des articles chuter au cours des dernières années.
«La guitare que j’étais capable de vendre 1200$ en 2012, je dois baisser son prix de vente de 20% aujourd’hui. Avec les difficultés économiques, il y a moins d’acheteurs et le marché de seconde main doit s’adapter. On fait attention à bien payer les gens pour les biens, donc la descente se répercute surtout sur notre marge.»
Luc Vautour constate que si l’achalandage est plus soutenu, les acheteurs ne sont pas pour autant plus nombreux.
«Quand l’économie va moins bien les gens se tournent vers les biens usagés, mais ils gardent aussi leurs biens plus longtemps avant de les remplacer. On voit que les clients sont à sec, il y a beaucoup plus de monde qui vient pour des prêts sur gage. C’est un signal. Ici, chaque client dépense 64$ en moyenne, en 2013 c’était plus autour de 68$.»
Ce contexte économique morose se reflète aussi sur la clientèle du Parlour Pawn.
«Il y a cinq ans, on voyait surtout des jeunes et des individus qui ont des problèmes financiers. Depuis, on a des gens de la classe moyenne», constate Luc Vautour.
Il estime que son commerce a des atouts à faire valoir face à la concurrence des plateformes en ligne de petites annonces, Kijiji en tête.
«Sur Kijiji ou sur Facebook, tu as peu de garanties en cas de produit volé. Nous, on collabore avec la GRC, on prend des pièces d’identité, on assiste les victimes. Si ton produit ne fonctionne plus, on fait des échanges, des retours.»
UN MARCHÉ À DÉVELOPPER
Pour la troisième année, l’Indice Kijiji a sondé 5752 Canadiens de tout le pays sur leur participation à l’économie de l’usagé. 82% des sondés ont fait une transaction de seconde main l’an dernier, ce qui inclut aussi bien les achats, que les dons, les échanges, les emprunts ou les locations.
Ce marché a généré des transactions estimées à 29 milliards $. Cependant, la tendance n’est pas aussi forte dans l’Est du pays.
En 2016, les résidents des Maritimes ont donné une deuxième vie à 54 biens, soit 24 produits de moins que la moyenne canadienne. L’Alberta est la région la plus active, avec 91 biens échangés par personne.
Fabien Durif, coauteur de l’étude, peine à expliquer pourquoi les échanges de biens augmentent partout, sauf dans les Maritimes. Plus l’économie est prospère dans une province, mieux se porte l’économie de seconde main, avance-t-il.
Sans surprise, Kijiji écrase la concurrence sur les plateformes électroniques spécialisées dans l’achat d’occasion. Les vêtements, chaussures et articles de mode sont les biens les plus fréquemment échangés, selon l’étude. Viennent ensuite les produits de divertissement, mais aussi les vêtements et accessoires pour bébé.
«Il y a des catégories de produits où les consommateurs perçoivent des économies bien plus fortes, c’est le cas des meubles, de l’électronique ou des véhicules récréatifs par exemple», souligne Fabien Durif.
La principale raison évoquée pour l’achat de biens usagés est la capacité à se procurer des objets sans en payer le plein prix. Les Canadiens économisent en moyenne 843$ par an en achetant des biens d’occasion plutôt que neufs.
Fabien Durif estime que les entreprises devraient proposer des gammes de produits usagés, des prix bas et adapter certaines campagnes et plateformes pour répondre à ces comportements.
«Par rapport à l’Europe, on est un peu en retard sur certains modèles d’affaires», dit-il.