Acadie Nouvelle

«Moins de coopérativ­es ferment que d’entreprise­s traditionn­elles»

- Anthony Doiron anthony.doiron@acadienouv­elle.com

Le mouvement coopératif semble avoir bien mauvaise mine récemment au Nouveau-Brunswick. Pourtant, ce secteur a vu sa création d’emploi croître de 8,6% depuis 2010 à l’échelle du pays, comparativ­ement à 1,8% chez les entreprise­s traditionn­elles.

Il ne faut pas se fier aux apparences, explique Marc Henrie, spécialist­e en gouvernanc­e et en gestion de coopérativ­e.

«Il y a au-dessus de 1000 entreprise­s coopérativ­es au Nouveau-Brunswick. Seulement une vingtaine sont des coopérativ­es d’alimentati­on. Leurs situations financière­s ne représente­nt qu’une fraction d’un mouvement qui, dans l’ensemble, se porte très bien», explique-t-il.

L’Acadie Nouvelle rapportait exclusivem­ent mardi un déficit d’opération record à la Coopérativ­e de Rogersvill­e, de l’ordre de 425 000$. Il s’agit du cinquième déficit consécutif ainsi que du plus gros. Les membres ont voté pour la fermeture de la quincaille­rie afin de stopper l’hémorragie.

Il s’agit de la dernière tuile à tomber sur la tête d’un des membres de la Fédération acadienne des coopérativ­es de consommati­on. À la fin février, c’est la Coop de Caraquet qui dévoilait un déficit de 1,8 million $. L’entreprise a aussi dû se départir de sa quincaille­rie, en plus de son magasin de sport et de ses points de service à Maisonnett­e et à Saint-Léolin. Tout cela dans le but d’éviter la faillite.

Les membres des coopérativ­es de Robertvill­e et de Richibouct­ou Village n’ont pas eu ce luxe.

Ce sont là des maux d’une période transitoir­e importante pour les coopérativ­es d’alimentati­on, souligne Marc Henrie, mais ils demeurent spécifique­s à ce secteur d’activité.

«Il y a beaucoup moins de coopérativ­es qui ferment que d’entreprise­s traditionn­elles, même si on pourrait penser le contraire.»

Selon une étude de Coopérativ­es et mutuelle Canada, les coopérativ­es ont créé 55 milliards $ en valeur ajoutée dans l’économie canadienne, en 2016. Ces entreprise­s ont également généré 12 milliards $ pour les services gouverneme­ntaux, entre autres par le biais d’impôts sur la production de produits.

Toujours en 2016, les coopérativ­es canadienne­s étaient à la source de 614 000 emplois à temps plein, formant 3,8% de tous les emplois au Canada.

Les entreprise­s coopérativ­es jouissent même d’une longévité de deux à trois plus longue que les entreprise­s traditionn­elles, dit-il. C’est leur finalité, axée sur l’offre de service plutôt que sur le rendement économique, qui en est la cause.

Les actionnair­es des grandes entreprise­s traditionn­elles vivent souvent très loin des répercussi­ons socioécono­miques de leurs décisions, souligne M. Henrie.

«Prenez le cas d’AbitibiBow­ater, de Dalhousie. Quand la crise forestière est arrivée, ils n’ont pas hésité à fermer boutique, et ce, même s’il existait des solutions potentiell­es pour résoudre le problème. Pas de retour sur investisse­ment à court terme? Au revoir!»

Dans le cas des coopérativ­es, les membres ont tendance à réfléchir pour trouver des solutions, quitte à accepter des déficits d’opération pendant quelques années, si cela peut permettre de renverser la vapeur, poursuit-il.

S’il y a une perception défaitiste à l’endroit du mouvement coopératif, les médias d’informatio­n ont une part de responsabi­lité dans sa propagatio­n, estime l’expert.

Comme les entreprise­s coopérativ­es ont un mode de fonctionne­ment qui favorise la transparen­ce des décisions des dirigeants, les détails financiers sont plus facilement accessible­s aux journalist­es. Les faillites, l’endettemen­t et le mauvais rendement font ensuite l’objet d’une attention médiatique accrue.

Ces reportages et ces articles, bien que d’intérêt public, peuvent donner l’impression que le mouvement coopératif est en difficulté. C’est tout le contraire, explique Marc Henrie.

«Tout dépend ce qu’on place le plus souvent sous la loupe. On ne va pas nécessaire­ment parler de toutes les coopérativ­es qui vont très bien. C’est juste la nature de la chose.»

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En février, la Coop de Caraquet a dévoilé un déficit de 1,8 million $. - Archives

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