«Moins de coopératives ferment que d’entreprises traditionnelles»
Le mouvement coopératif semble avoir bien mauvaise mine récemment au Nouveau-Brunswick. Pourtant, ce secteur a vu sa création d’emploi croître de 8,6% depuis 2010 à l’échelle du pays, comparativement à 1,8% chez les entreprises traditionnelles.
Il ne faut pas se fier aux apparences, explique Marc Henrie, spécialiste en gouvernance et en gestion de coopérative.
«Il y a au-dessus de 1000 entreprises coopératives au Nouveau-Brunswick. Seulement une vingtaine sont des coopératives d’alimentation. Leurs situations financières ne représentent qu’une fraction d’un mouvement qui, dans l’ensemble, se porte très bien», explique-t-il.
L’Acadie Nouvelle rapportait exclusivement mardi un déficit d’opération record à la Coopérative de Rogersville, de l’ordre de 425 000$. Il s’agit du cinquième déficit consécutif ainsi que du plus gros. Les membres ont voté pour la fermeture de la quincaillerie afin de stopper l’hémorragie.
Il s’agit de la dernière tuile à tomber sur la tête d’un des membres de la Fédération acadienne des coopératives de consommation. À la fin février, c’est la Coop de Caraquet qui dévoilait un déficit de 1,8 million $. L’entreprise a aussi dû se départir de sa quincaillerie, en plus de son magasin de sport et de ses points de service à Maisonnette et à Saint-Léolin. Tout cela dans le but d’éviter la faillite.
Les membres des coopératives de Robertville et de Richibouctou Village n’ont pas eu ce luxe.
Ce sont là des maux d’une période transitoire importante pour les coopératives d’alimentation, souligne Marc Henrie, mais ils demeurent spécifiques à ce secteur d’activité.
«Il y a beaucoup moins de coopératives qui ferment que d’entreprises traditionnelles, même si on pourrait penser le contraire.»
Selon une étude de Coopératives et mutuelle Canada, les coopératives ont créé 55 milliards $ en valeur ajoutée dans l’économie canadienne, en 2016. Ces entreprises ont également généré 12 milliards $ pour les services gouvernementaux, entre autres par le biais d’impôts sur la production de produits.
Toujours en 2016, les coopératives canadiennes étaient à la source de 614 000 emplois à temps plein, formant 3,8% de tous les emplois au Canada.
Les entreprises coopératives jouissent même d’une longévité de deux à trois plus longue que les entreprises traditionnelles, dit-il. C’est leur finalité, axée sur l’offre de service plutôt que sur le rendement économique, qui en est la cause.
Les actionnaires des grandes entreprises traditionnelles vivent souvent très loin des répercussions socioéconomiques de leurs décisions, souligne M. Henrie.
«Prenez le cas d’AbitibiBowater, de Dalhousie. Quand la crise forestière est arrivée, ils n’ont pas hésité à fermer boutique, et ce, même s’il existait des solutions potentielles pour résoudre le problème. Pas de retour sur investissement à court terme? Au revoir!»
Dans le cas des coopératives, les membres ont tendance à réfléchir pour trouver des solutions, quitte à accepter des déficits d’opération pendant quelques années, si cela peut permettre de renverser la vapeur, poursuit-il.
S’il y a une perception défaitiste à l’endroit du mouvement coopératif, les médias d’information ont une part de responsabilité dans sa propagation, estime l’expert.
Comme les entreprises coopératives ont un mode de fonctionnement qui favorise la transparence des décisions des dirigeants, les détails financiers sont plus facilement accessibles aux journalistes. Les faillites, l’endettement et le mauvais rendement font ensuite l’objet d’une attention médiatique accrue.
Ces reportages et ces articles, bien que d’intérêt public, peuvent donner l’impression que le mouvement coopératif est en difficulté. C’est tout le contraire, explique Marc Henrie.
«Tout dépend ce qu’on place le plus souvent sous la loupe. On ne va pas nécessairement parler de toutes les coopératives qui vont très bien. C’est juste la nature de la chose.»