Morues: le phoque gris encore montré du doigt
Plus de vingt années de moratoires sur la pêche à la morue et d’autres poissons de fond n’ont pas réussi à prévenir le déclin des stocks. Le gouvernement fédéral ne réussit pas à contrer la vraie source du problème: la surpopulation du phoque gris.
Année après année, le scientifique du ministère des Pêches et des Océans (MPO) Doug Swain présente les plus récentes données sur les stocks des poissons de fonds aux membres de l’industrie. Année après année, il livre la même nouvelle: les stocks de la morue, de la merluche blanche, de la limande à queue jaune et de la plie canadienne sont à des niveaux historiquement bas, et la tendance n’est pas près de s’inverser.
Malgré de bons taux de recrutement, un niveau de mortalité anormalement élevé prévient le rétablissement. Le scientifique du MPO pointe du doigt le phoque gris.
«Dans les cas des morues adultes - âgés de 5 ans ou plus - il y a eu une grande hausse de mortalité naturelle. À peu près de 50% à 60% meurent chaque année, ce qui est le principal facteur qui empêche le rétablissement. La prédation par le phoque gris est considérée comme une cause importante de ce taux de mortalité anormalement élevé», a affirmé mercredi M. Swain lors de la réunion du comité consultatif sur le poisson de fond du MPO.
Assemblés autour d’une grande table d’un hôtel du centre-ville de Moncton, des représentants de l’industrie ont écouté le scientifique, la boucane leur sortant par les deux oreilles. Depuis des années, ils demandent des mesures draconiennes afin de contrôler la population du phoque gris. Malgré leurs revendications et leurs cris de coeur, le statu quo prévaut.
De nombreux intervenants ont exprimé leur frustration quant à l’inaction du gouvernement.
«Ce dont on a besoin, c’est que nos gouvernements provinciaux et notre gouvernement fédéral mettent leurs culottes et trouvent de quelle façon on va résoudre le problème», a lancé André Boucher, secrétaire l’Office des pêcheurs de flétan du Groenland du Québec.
L’animateur de la réunion de mercredi, le fonctionnaire du MPO Marc LeCouffe, a mentionné que les gestionnaires tiennent compte de l’opinion du public. Depuis des années, la chasse au phoque est dépeinte comme une pratique cruelle. Des célébrités comme Brigitte Bardot et Paul McCartney ont participé à des campagnes contre la chasse au phoque.
En 2010, l’Europe a imposé un embargo sur les produits de l’espèce.
CHASSE AUX PHOQUES
Conscient du phénomène, Alyre Gauvin, président de l’Association des pêcheurs professionnels de poissons de fonds acadiens, demande à Ottawa de financer une campagne de sensibilisation sur les dégâts causés par le phoque gris.
«Je réitère ma proposition que le Canada doit investir de l’argent et du gros argent, afin de publiciser le besoin d’un contrôle de la population du phoque. On doit faire une chasse au phoque pour contrôler une population en train de détruire tout ce qui est autour d’elle.»
Plusieurs intervenants ont critiqué l’approche du ministère voulant que chaque espèce du golfe soit gérée indépendamment des autres. Jean Lanteigne, directeur général de la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels (FRAPP), est parmi ceux qui demandent à Ottawa d’adopter une vision globale de l’écosystème.
«On opère par silo. On essaie de gérer du mieux qu’on peut le crabe des neiges, la crevette, le poisson de fond, la protection des océans, etc. On fait tout ça sans prendre de recul afin d’avoir un portrait global et de comprendre comme les espèces agissent les unes envers les autres.»
Il demande au gouvernement fédéral d’organiser un colloque sur l’avenir de la pêche. Une telle initiative n’aurait pas eu lieu depuis le début des années 1990, selon M. Gauvin.