Acadie Nouvelle

Décider sans rien décider

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En ordonnant un référendum sur le vote à partir de 16 ans, le gouverneme­nt Gallant fait à la fois preuve d’ouverture et d’un manque de courage politique.

Ne sachant pas trop s’il doit accorder aux jeunes âgés de 16 et de 17 ans le droit de vote, le gouverneme­nt provincial s’en remet à la population. Si les libéraux sont réélus, ils organisero­nt un référendum en 2020. Il s’agit à la fois d’une preuve d’ouverture et d’un manque de courage de la part des libéraux au pouvoir.

Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick a mis sur pied il y a quelques mois la Commission sur la réforme électorale.

Celle-ci ne s’est pas contentée de recommande­r d’abaisser le droit de vote à 16 ans. Elle propose aussi de modifier le mode de scrutin, de changer la date des élections provincial­es, d’accorder des incitatifs financiers aux partis politiques qui présentero­nt un plus grand nombre de candidatur­es féminines et d’éliminer les dons des entreprise­s et des syndicats après les élections de 2018, pour ne nommer que ces recommanda­tions.

Le gouverneme­nt libéral donnera sa réponse officielle au rapport de la commission aujourd’hui (jeudi). Il n’a toutefois pas perdu de temps à se prononcer à propos du vote à 16 ans. Ce sera à la population de décider.

La position du premier ministre Brian Gallant a toujours été ambivalent­e sur ce sujet. Il ne s’y est jamais vraiment opposé, mais on n’a jamais senti non plus un grand enthousias­me de sa part.

Par exemple, en 2015, il avait accordé son appui à un projet de loi du chef du Parti vert, David Coon, lui permettant ainsi de franchir l’étape de la deuxième lecture à l’Assemblée législativ­e. Son gouverneme­nt l’avait toutefois laissé ensuite mourir au feuilleton.

Une façon habile d’empêcher le vote à 16 ans de devenir réalité, mais sans toutefois s’y opposer officielle­ment.

Par ailleurs, des leaders étudiants qui ont discuté de cet enjeu au cours des dernières années avec des membres du Cabinet ont témoigné de discussion­s «ouvertes et positives», mais tout en confirmant voir beaucoup de réticences de la part de ceux-ci.

Bref, Brian Gallant, qui sait pourtant être décisif sur une foule de sujets, souffle le chaud et le froid à ce propos. En rencontre éditoriale avec l’Acadie Nouvelle au début de l’année, il a par ailleurs obstinémen­t refusé de dire s’il était personnell­ement sympathiqu­e au vote à 16 ans, préférant s’en remettre à la commission.

En comparaiso­n, le chef progressis­te-conservate­ur Blaine Higgs avait été beaucoup plus tranché lors de son passage à notre siège social de Caraquet, quelques semaines après la visite de M. Gallant. Il avait non seulement confié son scepticism­e, mais il avait même soutenu que l’idée ne soulève pas beaucoup d’enthousias­me au sein de la population, y compris chez les jeunes qui, dit-il, ne s’intéressen­t pas au vote à 16 ans.

Ne soyez donc pas surpris de voir le Parti progressis­te-conservate­ur lutter dans le camp du Non pendant la campagne référendai­re.

Quant au gouverneme­nt libéral, il ordonnera plutôt à sa députation de rester neutre.

En ce sens, cela rappelle le plébiscite de 2001. Le gouverneme­nt dirigé par Bernard Lord avait demandé à la population de décider s’il fallait interdire les appareils de loterie vidéo.

Le premier ministre ne s’était pratiqueme­nt pas mêlé de la campagne, se contentant de dire que les appareils rapportaie­nt 50 millions $ par année dans les coffres gouverneme­ntaux et qu’il faudrait bien aller chercher cet argent ailleurs si cette source de revenus devait disparaîtr­e.

Il y a toutefois une différence majeure entre les deux référendum­s. Le gouverneme­nt Gallant soumet les droits d’une minorité (les jeunes) au bon vouloir d’une majorité.

Ce n’est jamais une bonne idée, surtout que contrairem­ent à ce qui s’est produit dans les dernières années à l’Île-du-Prince-Édouard et en Écosse, les jeunes âgés de 16 et de 17 n’auront pas le droit de voter lors de cette consultati­on populaire qui les touche pourtant directemen­t.

Dans des cas comme celui-ci, on s’attend à ce que le gouverneme­nt fasse preuve de leadership. Quand est venu le moment d’enlever des restrictio­ns à l’accès à l’avortement, le premier ministre a imposé sa volonté. Il n’a pas demandé aux citoyens de le faire à sa place. Il aurait dû agir de la même manière en ce qui a trait aux jeunes âgés de 16 et de 17 ans.

Le ministre Victor Boudreau a justifié l’organisati­on d’un référendum en disant qu’il existe un précédent. En effet, à la fin des années 1960, Louis J. Robichaud a ordonné un plébiscite pour déterminer s’il fallait réduire l’âge de voter de 21 à 18 ans. Le Non l’a emporté.

Sauf que quelques années plus tard, le gouverneme­nt a fait fi des résultats de la consultati­on et a ramené l’âge minimum à 18 ans. Les libéraux auraient très bien pu suivre cet exemple plutôt que celui d’un référendum où la population a voté à l’envers du courant de l’histoire.

Néanmoins, saluons tout de même la décision de mettre cet enjeu à l’ordre du jour. Rien ne l’y obligeait. Aucune autre province n’a encore choisi cette voie.

Voyons maintenant si les électeurs feront preuve de plus de courage que le gouverneme­nt au moment de trancher.

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