DES ANALYSES «SECRÈTES»
Le ministère de l’Éducation refuse d’accorder à l’Acadie Nouvelle des documents qui ont justifié des investissements majeurs à l’école de Shediac plutôt qu’à celle de Saint-Louis-de-Kent, malgré l’intervention de la commissaire à l’accès à l’information.
En mai 2015, le Conseil d’éducation du District scolaire francophone Sud (CÉD) a soumis à Fredericton ses priorités en matière de projets majeurs d’infrastructure.
Dans la catégorie des «projets mi-vie», c’est à dire des projets majeurs dans des écoles vieillissantes, l’école Mgr-Marcel-FrançoisRichard (MFR) occupait le premier rang. En deuxième se situait l’école Louis-J.-Robichaud (LJR) de Shediac.
En février de l’année suivante, cependant, le ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de l’époque, Serge Rousselle, a annoncé qu’il ne suivrait pas les recommandations du CÉD.
Il a accordé des travaux de 11,6 millions $ à LJR, et aucun projet majeur à MFR.
Le ministre a justifié sa décision en affirmant qu’une évaluation à l’aide d’un «outil d’analyse multidimensionnelle quadruple résultat net» avait eu lieu. À la lumière des résultats, «c’était clair» que le projet de LJR devait avoir lieu avant celui de MFR.
Il a cependant refusé de montrer les grilles remplies aux parents, au CÉD et à l’Acadie Nouvelle, affirmant qu’elles sont protégés par les alinéas 26(1)a) et 26(1)e) de la Loi sur le droit à l’information et la protection de la vie privée. Ces clauses protègent les avis élaborés pour un ministre et les renseignements qui pourraient divulguer une décision budgétaire à l’état de projet.
L’Acadie Nouvelle a donc fait une plainte à la Commissaire à l’accès à l’information et à la protection de la vie privée. Le 22 mars, la commissaire Anne Bertrand a produit un rapport de 22 pages dans lequel elle juge que le ministère ne pouvait pas refuser de fournir les grilles en invoquant les clauses en question.
Elle souligne que l’alinéa 26(1)a) ne s’applique pas aux renseignements d’arrière-plan ou de nature factuelle. L’alinéa 26(1)e), elle, ne s’appliquerait pas puisque la décision budgétaire n’est plus à l’état de projet: elle a été prise et annoncée publiquement.
«Le ministère se dit être soucieux de communiquer l’outil de travail des grilles d’analyse, mais il n’a pas avancé de facteurs qui appuient ses inquiétudes que la communication des documents demandés, soit les notes d’information et les grilles d’analyse complétées, puisse nuire au processus décrit ci-dessus, l’entraver ou nuire à sa fiabilité», peut-on lire dans le rapport.
«La communication des documents pertinents décrivant le processus pour l’évaluation des projets n’aura pas l’effet d’entraver le processus, mais plutôt de le rehausser aux yeux du public, car le public sera mieux informé et comprendra comment les décisions sont prises relativement aux projets de rénovations ou de constructions des écoles dans leurs communautés.»
Joint par l’Acadie Nouvelle lundi, le professeur et juriste Michel Doucet a été surpris d’apprendre que le ministère a refusé les recommandations de la commissaire.
«Je suis un peu surpris qu’il ne les rende pas publics. Si c’est une évaluation, purement et simplement qui vise à savoir laquelle des deux écoles devrait recevoir (un projet) et qu’il n’a rien à cacher, je ne vois pas pourquoi il ne les rend pas publics», mentionne celui qui n’avait pas encore lu le rapport de la commissaire et la réponse du ministère.
En plus des grilles d’analyse complétée, la commissaire recommande au ministère d’accorder à l’Acadie Nouvelle le résumé des grilles d’analyse et une présentation PowerPoint intitulé Capital Program Submission. Ce dernier document avait été présentée au Conseil exécutif du gouvernement provincial dans le cadre de ses délibérations budgétaires.
Le 6 avril, le ministère a envoyé une lettre signée par le sous-ministre Gérald Richard à la commissaire et à l’Acadie Nouvelle, refusant d’accorder les documents demandés. Il maintient que les grilles sont protégées par la loi sur le droit à l’information.
«Le ministère est d’avis que ces analyses multidimensionnelles sont en effet des avis au ministre puisqu’ils ont été remplis par des employés qui possèdent des expertises dans ce domaine.»
Le ministère souligne que la présentation PowerPoint Capital Program Submission est protégée par le paragraphe 17(a)(b) de la Loi sur le droit à l’information, car elle a été préparée pour le Conseil exécutif pour les aviser sur des projets capitaux.
Mme Bertrand a réfuté ce point, rappelant que «l’article 17 n’a pas pour but de protéger tous les documents qui sont présentés ou bien soumis au Conseil exécutif si leur communication ne divulgue pas le contenu des délibérations».
Après avoir été initialement offusqué, le président du comité parental de Saint-Louisde-Kent, Charles Finnigan, avait enterré la hache de guerre les semaines après l’annonce entourant les écoles LJR et MFR.
Il avait affirmé qu’il préférait collaborer avec le ministre plutôt que s’y opposer. Joint par l’Acadie Nouvelle au début de la semaine, il a affirmé qu’il fait toujours confiance à la décision du ministère.
Depuis l’annonce du projet mi-vie à Shediac, une nouvelle ronde de projets majeurs d’infrastructure a été annoncée par le gouvernement provincial.
Le projet à Saint-Louis-de-Kent, toujours la priorité du CÉD au niveau des projets mivie, n’a pas été retenu.