Ailleurs dans le monde
Je soupçonne que dimanche dernier vous avez passé la journée assis sur le bout de votre chaise, les yeux rivés sur vos écrans, pour suivre en direct les résultats du premier tour des élections présidentielles en France.
Il est tout à fait naturel, lorsque la mère patrie s’en va-t’aux-urnes, que ses rameaux américains frétillent, frissonnent et frémissent, conscients qu’ils sont de l’importance – et surtout des conséquences! – des choix que feront leurs lointains cousins d’ancien temps. On se rappelle tous avec effroi, comme si on y était, la Révolution française qui fit perdre la tête à plusieurs. Brrr…
Dieu merci, nos ancêtres ont pu échapper à la guillotine de la Terreur, ayant eu auparavant l’insigne honneur de venir en Amérique défricher les terres neuves de par icitte avant de s’envoyer en l’air, et pas avec n’importe qui, mais avec les filles du Roy, pardi!
Bref, au pays de la Piaf on ne niaise pas avec la poque, si je peux m’autoriser ici d’une métaphore sportive même si elle n’est plus de saison pour les partisans du Canadien qui s’est fait rincer par les mozusses de Rangers qui, eux, ne voulaient vraiment pas perdre. Je vous prie de bien vouloir me pardonner de rappeler cette réalité pour les besoins de cette chronique rédigée à la sueur de mon clavier.
Pour en finir avec cette présidentielle française, si vous n’avez pu en suivre le déroulement dimanche dernier, vous pourrez vous reprendre le dimanche 7 mai, au second tour, parce que, oui, les Français votent deux fois plutôt qu’une! Quelle manière astucieuse de rentabiliser la révolution de 1789!
Cela dit, l’entre-deux tour est très utile à la classe politique et médiatique française. Il est consacré au crêpage de chignon, aux algarades, aux dénonciations, aux boutades, aux contrepèteries, aux objurgations, aux anathèmes, bref, à tous ces cocasses cocoricos cacophoniques qui font que la France, on l’aime comme ça. Malheureusement, ici au Canada, on ne peut pas se permettre ces temps-ci ce genre de logorrhée électorale, car on doit relever un défi beaucoup plus grand: apprendre à rouler un joint!
Quelle heureuse trouvaille que la légalisation du cannabis: geler le peuple pour combattre le réchauffement climatique!
Depuis quelques années, d’un joint à l’autre, le pays opère un changement de paradigme sociétal. C’est comme si on retournait un gant de crin magané sur sa doublure en poil de castor lustré. Si, naguère, l’État «sévissait» contre l’homosexualité, l’avortement, les jeux de hasard, l’alcool et tutti quanti, il n’en est plus ainsi. C’est même l’État qui s’en fait le héraut.
Il ne manquait que la légalisation du pot; ce sera bientôt chose faite. L’Étatprovidence aura ainsi magistralement réussi sa mutation en État-pusher. C’est la cerise sur le gâteau! Et quoi de plus naturel qu’un bon gros morceau de gâteau quand on a les munchies après avoir fumé un joint!
Même si je ne fume plus de pot, il y a déjà bien longtemps que je pense que la légalisation du cannabis aurait dû être adoptée. Tant mieux si l’État se résout, même si ce n’est qu’une poffe à la fois, à légiférer pour mettre un terme à des comportements sociaux hypocrites comme celui qui entoure la consommation de cannabis.
En effet, le fait de fumer du pot est entré dans les moeurs, comme celui de prendre une bière. Inutile de faire semblant que ceci ou que cela.
Et, surtout, inutile de gaspiller l’énergie des forces policières et juridiques à harceler les petits consommateurs. Il me semble qu’il y a moult problèmes beaucoup plus graves qui nécessitent l’attention et les compétences des policiers et de la Justice!
Il est tout à fait normal aussi que ce soit l’État qui profite de l’argent qui est en cause ici, plutôt que le crime organisé. Parce que l’argent que «récolte» l’État, il finit par revenir aux citoyens, directement ou non, quoi qu’on en pense, alors que celui qui tombe dans les goussets du crime organisé ne sert qu’à renforcer… le crime organisé.
Bon, on ne se cachera rien: la légalisation du pot exigera que l’État prévoie toutes les modalités nécessaires au bon fonctionnement de la culture du pot, de sa distribution et de sa consommation. Comme il en est pour le tabac ou l’alcool. D’autres États l’ont fait, on n’aura pas à réinventer le bouton à quatre trous.
Évidemment, les pharisiens de notre époque vont crier au scandale, ululant qu’on doit protéger «nos jeunes», portant haut un outrage bien opportun et bien trompeur.
S’il faut protéger nos jeunes de quelque chose, c’est bien de cette hypocrisie!
Et cela passe par la mise en place d’un système d’éducation qui ne serait pas, luimême, le premier facilitateur de cette imposture.
Ainsi, parlant éducation, quand j’entends clamer en Acadie qu’on vise rien de moins que l’excellence en éducation pour nos jeunes, mais qu’on ne trouve pas grand-chose à redire au fait que dans certaines régions acadiennes les jeunes ont manqué presque deux semaines de cours à cause des aléas de la météo – sauf la crise de verglas, naturellement – sans exiger que ces journées d’école soient impérativement et intégralement reprises, je m’inquiète beaucoup plus pour l’avenir de ces jeunes que le fait de savoir s’ils ont fumé un joint.
Et je me demande s’il est si vrai que l’éducation est une priorité pour tout le monde au Nouveau-Brunswick. Parce que si c’était vrai, on exigerait que la prise de décision de fermer les écoles soit rigoureusement encadrée, d’une part, et que, d’autre part, l’espèce de mollesse ambiante à l’égard de tout ce qui porte l’étiquette «scolaire» soit strictement raffermie.
Ce n’est pas le cannabis qui nuira le plus à «nos jeunes», c’est le manque d’encadrement éducatif. Et l’éducation commence à la maison. Avec des parents qui mettent en pratique l’excellence qu’ils demandent au système scolaire de refléter.
Ne serait-ce que pour former de jeunes esprits capables de discernement face à la consommation du cannabis.
Et capables aussi de saisir l’importance, pour eux, de ce qui se passe ailleurs dans le monde.
Han, Madame?