INQUIÉTUDES DANS LES SCIERIES
«Elle n’est pas subventionnée, mais elle va subir des pénalités parce que les Américains pensent qu’elle l’est»
«Il faut mettre en place un programme pour empêcher que les scieries ne fassent faillite. Quand vous êtes traités injustement par une taxe insensée, le gouvernement peut intervenir», répond M. Doucett.
Le conflit du bois d’oeuvre frappe les acteurs de l’industrie forestière et tout particulièrement les scieries. Certains anticipent un impact immédiat sur leur portefeuille.
Mardi, le département du Commerce des États-Unis a décidé d’imposer des droits compensateurs de 19,88% aux exportateurs de bois mou canadiens.
Au Nouveau-Brunswick, seul le plus gros joueur, JD Irving, a pu obtenir un taux de 3,02% après avoir déposé une soumission auprès des autorités américaines.
Ces barrières tarifaires frapperont durement les scieries de la province, interpelle Rick Doucett, président de la Fédération des propriétaires de lots boisés du N.-B., qui craint pour la santé financière de leurs principaux partenaires.
«Certains de nos marchés pourraient disparaître parce que les droits sont à un niveau insensé et que certains moulins ne pourront pas les absorber. Ces droits compensateurs pourraient faire la différence entre continuer à faire des affaires et mettre la clef sous la porte.»
Il ajoute que les droits compensateurs se répercuteront directement sur les profits des scieries qui dépendent largement de leurs exportations vers les États-Unis.
«L’industrie néo-brunswickoise est doublement pénalisée, déplore Rick Doucett. Elle n’est pas subventionnée, mais elle va subir des pénalités parce que les Américains pensent qu’elle l’est.»
Le représentant des propriétaires de lots boisés privés appelle les gouvernements provincial et fédéral à venir en aide.
Alors que Québec a annoncé un programme de prêts pour soutenir les entreprises touchées, Brian Gallant a appelé à la prudence. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick craint qu’en volant au secours de l’industrie, la province donne d’autres arguments aux autorités américaines qui estiment que le bois canadien est subventionné.
IMPACTS CONCRETS SUR LES SCIERIES
Dans la région de Bathurst, la scierie de Fornebu Lumber fait vivre plus de 115 personnes. Quelque 85% de la production prend la direction du marché américain. La nouvelle taxe à l’exportation est une très mauvaise nouvelle.
«C’est certain que ça va affecter l’ensemble des moulins du pays», reconnaît le directeur général Mickael Godin.
Il estime cependant qu’il est encore trop tôt pour évaluer les impacts qu’aura la taxe sur son entreprise et si des compressions sont à venir.
«On est en train de regarder comment vont s’appliquer les taxes puis on va évaluer nos options», dit-il.
La scierie Goguen Lumber de Cocagne devrait être plus épargnée par les mesures protectionnistes de Washington. La petite entreprise familiale vend principalement aux quincailleries des provinces de l’Atlantique et du Québec.
Seulement 1% de ses produits sont envoyés de l’autre côté de la frontière.
La scierie, qui compte une trentaine d’employés, a développé un marché de niche en produisant d’autres produits que le bois d’oeuvre, comme des planches de véranda.
Le propriétaire Jean Goguen craint pourtant les effets de ce nouveau conflit commercial entre les deux pays. Il espère que les autres scieries ne viendront pas lui faire concurrence.
«Si les autres moulins de la province ne veulent plus vendre aux États-Unis à cause de la taxe et entrent dans notre marché local, ça va faire augmenter l’offre et faire baisser les prix. Plus il y aura de bois sur le marché, plus nos profits vont se réduire.»
Jean Goguen juge que les scieries néobrunswickoises ne font pas de concurrence déloyale à l’industrie forestière américaine, car elles ne sont pas soutenues financièrement par la province. Elles devraient donc être exemptées de droits de douane selon lui.
«Seulement 30% de notre approvisionnement vient des terres de la Couronne, explique-t-il. On n’a pas de subvention et on paie le bois des forêts publiques à sa juste valeur marchande. Les billots nous coûtent aussi cher sinon plus que ceux du privé.»