Course à la direction du PCC: Kevin O’Leary jette l’éponge
C’est un Maxime Bernier tout sourire qui s’est présenté aux côtés de son rival Kevin O’Leary à Toronto, mercredi après-midi. M. O’Leary, l’un des candidats vedettes dans la course à la direction du Parti conservateur du Canada, abandonne et se rallie à la candidature de M. Bernier.
«Au Québec, les chiffres pour moi sont très bons parmi les membres du parti. Et la compétition que j’avais à l’extérieur du Québec, c’était par rapport à Kevin. Et là, on va unir nos forces», a déclaré M. Bernier, donnant l’impression qu’il sent la victoire à portée de main.
M. O’Leary n’aura flirté que quatre mois avec la politique active. Il dit partir parce qu’il n’a pas assez d’appuis au Québec.
«La vraie raison (de mon abandon) est que je n’ai pu atteindre que 12% au Québec», a-t-il expliqué, se référant à des sondages.
«Mon plus grand défi était d’obtenir des appuis au Québec (...) C’est égoïste de remporter le leadership et de se dire, hourra, je suis le leader, et puis dans 24 mois, perdre (l’élection) pour le parti», a-til ajouté.
Son plus grand handicap au Québec: son unilinguisme. Quand il s’est lancé dans la course, il a prétendu qu’il n’avait pas besoin d’apprendre le français, avant de changer d’avis et d’embaucher les services d’un tuteur. Mais au cours des dernières semaines, il n’a pas pu démontrer de sérieux progrès dans sa maîtrise de l’autre langue.
Les 14 candidats – devenus 13 – devaient se réunir à Toronto, mercredi soir, pour un ultime débat.
M. O’Leary, homme d’affaires et vedette de télévision, a souvent été comparé à Donald Trump. Sa présence dans des émissions de téléréalité et son insistance à répéter qu’il n’est pas un politicien rappelaient le personnage de celui qui est devenu le président américain.
Cette semaine, le Parti conservateur a annoncé qu’il comptait près de 260 000 membres. Ceux-ci voteront le 27 mai pour leur prochain chef. Les votes sont comptabilisés selon un système qui donne le même poids à chaque comté du pays, peu importe le nombre de membres du comté. Il est donc très utile pour les candidats de convaincre les conservateurs des 78 circonscriptions québécoises.
QUI PROFITERA DU DÉPART DE KEVIN O’LEARY?
Dès qu’on a su que M. O’Leary jetait l’éponge, les uns et les autres se sont manifestés, plus ou moins subtilement.
Un des candidats les plus discrets de cette course, l’ancien ministre Chris Alexander, a envoyé sur Twitter, deux fois plutôt qu’une, une vidéo où il professe sa «passion pour le français».
Un des candidats antiavortement, le député Pierre Lemieux, a envoyé un communiqué où il souligne que «Kevin ne représentait pas les valeurs conservatrices» et où il encourage les «conservateurs sociaux» à «se réjouir» du départ de M. O’Leary.
Le candidat Andrew Scheer est celui qui a l’appui du plus grand nombre de députés conservateurs québécois. Il espère bloquer la voie à M. Bernier en ralliant le vote des agriculteurs québécois qui tiennent au maintien de la gestion de l’offre.
«Pas besoin de changer de stratégie; ce qui est clair, c’est qu’il y a deux candidats maintenant (...) À partir de maintenant, ça va se passer entre Andrew Scheer et Maxime Bernier», a claironné Pierre Paul-Hus, un des quatre députés québécois qui appuient M. Scheer, au cours d’une entrevue téléphonique.
«Il faut faire la différence entre le fait que Maxime soit un Québécois et ses politiques», a insisté M. Paul-Hus, pointant vers les politiques «libertariennes» du candidat beauceron, politiques qui professent la disparition du système de gestion de l’offre.
L’autre candidat qui défend la gestion de l’offre bec et ongles, Steven Blaney, n’a pas vraiment réussi, jusqu’ici, à faire lever sa campagne.
«C’est l’opportunité d’aller courtiser les voteurs et les voteuses (sic) qui s’apprêtaient à donner leur premier choix à M. O’Leary. Comme vous le savez, M. O’Leary s’est prononcé, notamment, en faveur de notre système agricole canadien (gestion de l’offre). C’est un point de vue que je partageais avec M. O’Leary», a-t-il rappelé, en entrevue téléphonique.
Kellie Leitch, qui a beaucoup fait parler d’elle en début de course, promettant de faire passer un «test de valeurs» aux éventuels immigrants, donnait aussi des signes d’essoufflement ces dernières semaines. Mercredi après-midi, son porte-parole a publié un communiqué.
«M. O’Leary n’a jamais vraiment été un conservateur ni un Conservateur», a écrit Michael Diamond, utilisant la minuscule et la majuscule pour insister sur les positions de l’homme d’affaires. «Sur bien des questions, comme la légalisation de la drogue, lui, Maxime Bernier et Justin Trudeau pensent pareil», a dénoncé M. Diamond.
Maxime Bernier est ouvert à la légalisation, mais n’a pas encore pris position sur le projet de loi du gouvernement Trudeau.
En quittant la course, M. O’Leary a appelé tous ses supporters à se joindre au camp de M. Bernier.
«Trudeau doit partir. Voici l’homme qui doit le remplacer», a-t-il lancé au cours du point de presse de Toronto, se tournant vers le député Bernier.