Vivre avec le salaire minimum: des travailleurs en mode «survie»
Erendira Achati Keriti vit dans la région de Toronto. Il y a quelque temps, elle avait besoin de vêtements chauds pour affronter le difficile hiver canadien. Son maigre budget ne lui permettait pas de se procurer des articles neufs. Elle s’est donc tournée vers les vêtements d’occasion. Elle a fini par économiser assez d’argent, mais quand elle est retournée à la friperie pour faire son achat, les vêtements n’étaient plus là. Quelqu’un d’autre en avait eu besoin. La Presse canadienne
Pourtant, Erendira ne vit pas de l’aide sociale: elle travaille au salaire minimum. Et selon plusieurs travailleurs dans la même situation qu’elle, le salaire minimum, qui varie de 10,72 à 12,20 $ dans les provinces du Canada, est bien loin de suffire. En Ontario, le salaire minimum est de 11,40$. Au Québec, l’augmentation du salaire minimum passera à 11,25 $ lundi. Au N.-B., il a été majoré de 35 cents le 1er avril, atteignant 11$.
Mme Achati Keriti n’a pas d’emploi stable et elle court après les contrats de peintre en construction. Parfois, elle se déplace à l’extérieur de la ville pour finalement se faire dire qu’il n’y a pas de travail pour elle ce jour-là.
Elle vit seule avec sa conjointe dans un appartement et elle n’a pas le choix de vivre au jour le jour parce qu’elle n’a pas de revenu régulier.
«En ce moment, je n’ai rien de permanent dans ma vie parce que je ne sais pas combien d’argent je vais faire dans le prochain mois et combien je serai payée», a raconté Mme Achati Keriti en entrevue avec La Presse canadienne.
Pour les travailleurs qui reçoivent un bas salaire, les imprévus sont une source de stress importante.
«SURVIVRE PLUTÔT QUE VIVRE»
Mathieu Proulx, âgé de 43 ans, est préposé à l’entretien au Vieux-Port de Montréal. Avec son salaire de 13,50 $ l’heure, il a parfois l’impression de «survivre» plutôt que de vivre.
«Il faut toujours attendre le prochain chèque. Dès qu’il y a un imprévu, ça vient tout débalancer», a-t-il témoigné en entrevue dans son petit appartement du quartier HochelagaMaisonneuve, à Montréal.
Une basse trône en plein milieu de son salon. Il ne peut plus en jouer, car elle est brisée et il n’a pas assez d’argent pour la réparer.
Les travailleurs du Vieux-Port étaient en grève l’an dernier, et M. Proulx dit qu’il recevait plus d’argent à même le fonds de grève qu’en travaillant une semaine de 40 heures.
Quand à la réalité de joindre les deux bouts s’ajoutent les problèmes de santé, tout s’écroule. Golaeh Gaffari, qui vit à Coquitlam, dans la région de Vancouver, a travaillé cinq ans dans un Tim Hortons avant de se blesser à l’épaule pendant qu’elle travaillait.
La dame n’a maintenant plus d’emploi et il lui est impossible de travailler pour l’instant puisqu’elle doit suivre des traitements de physiothérapie. Lorsqu’elle sera rétablie, elle espère trouver un emploi en éducation de la petite enfance, des études qu’elle avait faites lorsqu’elle travaillait au Tim Hortons.
Et pendant que son salaire stagne, le prix des biens et services grimpe, déplore-t-elle.
Elle croit d’ailleurs qu’ils ne pourront pas se permettre de vivre dans le même logement l’année prochaine alors qu’ils paient déjà 900$ par mois pour un appartement doté d’une seule chambre.
Cette immigrante d’origine iranienne, qui s’est installée au Canada en 2008, estime que sa situation est plus critique maintenant qu’à son arrivée.
«C’est plus difficile maintenant. En 2008, tout était très peu dispendieux (…) Mais en huit ans, le salaire minimum n’a augmenté que de 2$. Tout augmente, sauf le salaire minimum», a-t-elle souligné.
Mais même dans les autres provinces, où les coûts du logement sont moins élevés, des travailleurs peinent à joindre les deux bouts.
Jonethan Brigley, qui travaille à l’Université Dalhousie à Halifax, en Nouvelle-Écosse, débourse 591$ par mois pour son appartement d’une chambre, ce qui représente presque la moitié de son budget mensuel.