On a fait du chemin depuis 1967
Dans la ville où j’ai élu domicile il y a vingt ans, on ne peut pas dire que la fête du Canada a été particulièrement marquante cette année. À travers Montréal, aucun drapeau portant la feuille d’érable ne flottait – sauf dans certains hôtels et lieux off
Les baux au Québec prennent fin le 1er juillet. Chaque année, la fête du Canada à Montréal est marquée par un ballet de camions de déménagement. Cette année n’a pas fait exception. La ville a passé les six derniers mois à célébrer son 375e anniversaire, et la fête nationale – le 24 juin – venait tout juste d’avoir lieu. Ce n’est pas comme si on souffre d’un déficit d’histoire ou de festivités.
Mais pour ceux d’entre nous qui sont assez âgés pour avoir assisté aux célébrations de la dernière fête du Canada notable, soit en 1967, le contraste entre Expo 67 et Canada 150 ne pourrait être plus frappant.
J’entrais dans l’adolescence à cette époque. Ma famille avait déménagé de Hull (aujourd’hui Gatineau) à Toronto l’automne précédent. Bien que je ne parlais pas couramment l’anglais, nos voisins avaient encore plus de chemin à faire quant à leur français.
Ceux-ci ont été parmi les premiers à faire le trajet à Montréal pour participer à Expo 67. Ils ne savaient pas que «scuse» était la forme raccourcie d’«excusez-moi». Étant donné les foules immenses, ils ont entendu ce mot de nombreuses fois par jour. Au moins un enfant est rentré à la maison en se demandant si l’expression représentait un mot codé.
Ma mère avait de la famille sur la rive sud de Montréal. Nous sept – deux parents et cinq enfants, y compris un tout-petit – y avons campé pendant une semaine lors des festivités. Ma tante et mon oncle vivaient seuls et ont versé des larmes de crocodile à notre départ.
Comme plusieurs personnes de ma génération, mon premier passeport a été celui d’Expo 67. C’est probablement à ce moment que j’ai attrapé le virus des voyages. Mais le monde que j’ai découvert sur les îles artificielles était un paradis artificiel.
Le pavillon de la Tchécoslovaquie a connu une grande popularité. On y retrouvait des présentations multimédias à la pointe de la technologie et des spectacles de marionnettes. C’était un endroit incroyable qui nous a présenté un pays magique. L’été suivant, Prague s’est trouvée sous l’occupation soviétique après avoir tenté de déchirer le Rideau de fer.
On a consacré une section du pavillon des États-Unis à la conquête de l’espace. Deux ans plus tard, Neil Armstrong serait le premier à mettre le pied sur la lune. On n’y trouvait pourtant aucune trace du mouvement des droits civiques.
Conformément au politiquement correct de l’époque, mes parents francophones nous ont amenés au pavillon de la France et ont évité celui du Royaume-Uni. Nous étions de retour au chalet quand le président de la France, Charles de Gaulle, a tout chamboulé en saluant un Québec libre. Nous nous sommes regroupés autour de la radio pour écouter la diffusion en direct de son discours à Montréal.
La majorité des visiteurs n’auront pas pu savoir que le Canada représenté lors des festivités serait bientôt transformé. Dans moins d’un an, la vague de Trudeaumanie déferlerait sur le pays. On avait déjà entrepris des pourparlers qui mèneraient au fondement du Parti Québécois.
Il y en a qui éprouvent de la nostalgie pour l’innocence du centenaire du Canada, mais cela découle largement de l’ignorance.
Si vous lisez cette chronique ou me lisez régulièrement dans The Star depuis de nombreuses années, vous saurez que presque personne, à l’époque d’Expo 67, n’aurait pu prévoir mon parcours journalistique. Et pas seulement en raison du rôle essentiellement inexistant des femmes dans le thème Terre des hommes.
Le jour où on m’a offert cette chronique, il y a presque deux décennies, j’ai été étonné du fait qu’un organisme médiatique à l’extérieur du Québec comme The Star embaucherait une francophone comme un de ses chroniqueurs principaux pour couvrir la politique nationale.
Quelques années plus tard, je suis devenue analyste dans la tribune politique naissante de la CBC, At Issue, pour jouer un rôle similaire.
À l’époque d’Expo 67, des monologues en concurrence passaient pour un dialogue national. Une cloison étanche se trouvait entre les reportages sur l’actualité politique en langue anglaise et ceux en langue française. Aujourd’hui, c’est moins le cas. Bien qu’il soit toujours courant d’essayer de cataloguer les voix, cela ne peut pas durer dans un milieu de plus en plus diversifié.
Peter Mansbridge a brisé certaines de ces barrières. Une de ses contributions principales à une conversation nationale plus authentique.
Samedi dernier, Mansbridge a présenté les nouvelles pour la dernière fois à titre de chef d’antenne de la CBC. La prochaine fois que l’enfer se déchaînera, quelqu’un d’autre aura à nous guider à travers le terrain miné des nouvelles de dernière minute. Comme le dirait James Travers, mon ancien collègue très regretté: Fly straight, Peter.